L'écologie, un devoir spirituel ?
Pour certaines civilisations traditionnelles, il n'y avait pas de profane en ce monde : tout était sacré, hommes, animaux, plantes, bref la vie et le cadre de vie. C'était une manière d'hommage à la création, la reconnaissance d'une solidarité existant entre les êtres vivants, et l'utilité de maintenir des équilibres entre eux. Dans cette perspective, Tout ce que Dieu a créé devait être respecté "religieusement".
Dans notre culture occidentale, avant même le christianisme, on a tenu à distinguer deux catégories d'êtres, d'objets ou de situations.
La première, relevant du sacré, aboutit à une mise à part du monde de ces êtres ou de ces objets, moyennant des cérémonies de purification, de consécration, plus ou moins complexes et incluant des sacrifices. Le sacré magnifie, glorifie les êtres et les choses. Mais ces pratiques peuvent donner lieu à quelques déviations : personnes "sacralisées" par les rites sans que soit prise en compte leur valeur personnelle ou la qualité de leur relation au divin ; biens "consacrés" qui, sortant de l'usage commun, ne bénéficient plus qu'à quelques privilégiés, etc.
La seconde catégorie, couvrant en fait tout le reste, est alors qualifiée de profane, non sans quelque mépris. Et ce qui est ainsi "profané" on croit souvent pouvoir en faire à peu près n'importe quoi. C'est particulièrement vrai de la nature sur laquelle l'homme prétend avoir droit de domination. Là - plus encore - les abus ont surabondé : pillage des richesses naturelles, même non renouvelables (les énergies fossiles), détérioration parfois irréversible du milieu (forêts primaires, mer-poubelle, etc.), voire destruction de certaines ethnies soit volontairement (lors de la conquête ou par une exploitation brutale), soit par inadvertance (introduction de maladies inconnues, modifications brutales des mœurs)... Le droit d'user, dont la fin même était mal définie, a été confondu avec celui d'abuser.
On devrait interpréter l'écologie (hormis sa signification politique actuelle et au-delà de simples campagnes pour protéger telle espèce animale ou tel biotope) comme un effort pour restituer à la nature entière, homme compris, un statut sacré. L'homme a sans doute le droit, peut-être le devoir, d'utiliser les richesses de la terre, mais il a l'obligation de le faire avec raison. Le don le plus divin que Dieu a fait à sa créature a été la raison, et le plus redoutable la liberté de s'en servir. Si l'homme prétend être le gérant du monde, il doit se souvenir qu'une bonne gestion doit être prévisionnelle et globale (climat, nappe phréatique, pollutions...) ; elle ne saurait prendre comme seul cap le bilan quotidien de la Bourse. Il faut de façon plus qu'urgente tenir compte de l'état dans lequel ce monde va être laissé aux générations à venir.
Si tant est que l'humanité "pense" à un avenir à défaut de penser l'avenir !
La participation des chrétiens à un effort de réflexion et à l'action pour préserver l'avenir de la Terre ne devrait donc pas représenter un engagement annexe, subsidiaire, facultatif, mais une exigence immédiate et impérative, un véritable devoir spirituel, puisqu'au fil de sa création "Dieu a vu que cela était bon" (Genèse 1)
Albert OLIVIER