Faut-il lâcher prise ?
Robert Scholtus, chez Bayard,
vient de nous livrer un petit livre savoureux intitulé :
Faut-il lâcher prise ? (avril 2008, 13 €)
Il y a sans doute une grande différence entre
le « lâcher prise » des sciences modernes
et ce que la Tradition chrétienne disait de l'abandon.
Certes, pour se lancer dans l'aventure, il y faudra toujours la volonté mais en se souvenant que l'aventure consiste, selon la belle expression d'un maître spirituel, à « se laisser conduire par l'Esprit-Saint à travers les méandres du possible ». Le volontariste, lui, s'imagine pouvoir faire fi de ses limites, de ses indigences, de son histoire passée, des imprévus de la vie et de l'obstacle des autres pour emprunter le droit chemin de son idéal. Comme si la volonté de Dieu qu'il prétendrait accomplir pouvait s'identifier à sa volonté de devenir maître de sa sainteté.
L'Évangile a mis la barre très haut, il est vrai : la perfection que Jésus demande n'est ni plus ni moins que celle de Dieu. Mais c'est à des humains qu'elle s'adresse, capables certes de générosité et épris d'absolu, mais non moins fragiles, inconstants et faibles. Elle n'a rien à voir avec une sorte d'image idéale à laquelle il faudrait se conformer au prix d'efforts et de tensions impossibles. Elle ne peut s'atteindre que par un lâcher prise, par un abandon confiant dans les mains de celui qui seul est parfait et qui est plus grand que notre cœur : le Dieu des miséricordes.
Si la perfection évangélique réside en l'amour, qui d'autre que le Dieu qui est amour pourrait y faire accéder l'homme, qui d'autre que Jésus, le Fils éternel de sa tendresse, pourrait lui en indiquer le chemin, et qui d'autre que l'Esprit qui les unit pourrait élargir son cœur à la démesure de ce don incommensurable ?
S'il est question de lâcher prise, c'est précisément pour se disposer à accueillir ce don et pour que la volonté d'aimer et de se donner soit fécondée et dilatée par la joie d'être aimé et de se recevoir. La volonté se transforme en un poison amer si elle ne se laisse jouer et déjouer par la grâce. La grâce est l'œuvre incessante de Dieu qui ne cesse de travailler et en laquelle l'homme, tout accaparé qu'il soit par « le dur métier d'être un homme », peut trouver le repos et la paix.
Ainsi, pour celui qui s'en remet à Dieu, il n'est pas jusqu'à sa fatigue, quand ses forces le lâchent, qui ne fasse en lui une œuvre précieuse.
Envoi de Christian Montfalcon