« Mon » icône de la Trinité

Publié le par Garrigues

Voilà exactement quatre ans, je faisais retraite dans une maison de jésuites en banlieue parisienne (c’était dans une vie antérieure), et le prêtre qui l’animait nous a invités à nous aider de l’icône de la Trinité de Roublev dans notre prière.

À l’époque, je n’avais pas encore vu l’original de la Galerie Tretiakov de Moscou et n’imaginais pas sa grandeur (142 × 114 cm), et sa beauté réelle.

Je ne savais pas non plus qu’avant cette représentation de la Trinité existaient des icônes qu’on nomme généralement Hospitalité d’Abraham, représentant l’accueil par Abraham et Sarah des trois anges, à Mambré. Ces icônes sont pleines de détails (remarquer la petite taille des humains) et très proches du texte biblique (Genèse 18,1-16).

 

Je ne m’étendrai pas sur la composition de l’icône de Roublev, vous proposant un seul schéma montrant le jeu des regards des trois personnages, qui convergent vers le ciboire au centre de la table, et les deux cercles qui guident la composition de la scène, dont le centre est proche de l’ombilic du personnage central de l'icône...

On a beaucoup commenté cette composition et vous pouvez consulter de nombreux sites qui en parlent de façon approfondie et enrichissante.

Je voudrais seulement vous faire part de ma réflexion et de la symbolique qui m’est apparue dans ma prière d’alors. Bien sûr, il ne s’agit pas de « la vérité sur l’icône de la Trinité », mais simplement de « mon icône de la Trinité », celle qui enrichit ma foi.

Trois personnes au visage et à la corpulence identiques, on pourrait presque dire interchangeables : ce que les savants appellent les hypostases (les trois piliers) de la Trinité divine… identiques mais différents !

Tous trois sont assis autour d’une espèce de table, dont on ne voit pas les pieds, sur laquelle est posée une espèce de ciboire dont on ne sait exactement ce qu’il contient… Mystère de la Trinité…

Derrière eux une maison, un arbre et une montagne.

Comment ne pas se poser la question : Qui est qui ?

Mes conclusions (définitives, tant qu’elles ne changeront pas…) sont les suivantes :

À droite est le Père, devant la montagne du Sinaï où il a donné aux hommes ses Paroles de vie sur des tables de pierre, qui montre le ciboire d’un doigt (1e personne de la Trinité).

À gauche est l’Esprit, dont on aperçoit trois doigts montrant le ciboire (3e personne de la Trinité). Derrière lui est la maison à un étage du Cénacle, la chambre haute de Jérusalem où les apôtres ont reçu l’Esprit-saint au matin de la Pentecôte… (Actes des Apôtres 1,13 et suivants).

Au milieu est le Fils (Jésus, le Christ), qui montre le ciboire de deux doigts (Jésus homme et Dieu, 2e personne de la Trinité), sous le chêne de Mambré de l’icône originale, qu’on peut imaginer ici arbre de Jessé (cf. Isaïe 11,1 : un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines ; sur lui reposera l’esprit du Seigneur.), ou arbre de son supplice (pour s’en tenir au mot hébreu : ’ets, arbre).

Mais ma prière m’a conduit ailleurs : l’aspect hélicoïdal des branches de cet arbre a évoqué irrésistiblement pour moi la fameuse « échelle » que Jacob voyait dans son sommeil et sur laquelle des anges de Dieu montaient et descendaient (Genèse 28,12). Cette échelle (qu’on peut imaginer plutôt comme un escalier à vis) est devenue pour les hébreux le centre du monde, centre de Jérusalem… lieu de la Passion et de la Croix du Christ, dont Jacob disait : Dieu est en ce lieu et je ne le savais pas…. (Genèse 28,16)
Jésus centre de l'icône et centre du monde.

La « table » est le tombeau d’où le Fils est sorti glorieux (il est le seul personnage dont ne voit pas les pieds) au matin de Pâques. Le tombeau est vide (on le voit à travers le trou rectangulaire sur le devant de la table-sépulcre) et plein de lumière (aucune ombre au centre du trou !).

Le ciboire est l’image des deux dons de Jésus à ses apôtres : sa chair et son sang en nourriture pour la multitude, au soir de la Cène. Alors le ciboire devient calice et le veau offert par Abraham aux hommes mystérieux devient sang du Fils donné…

o O o

Les trois personnes de la Trinité sont bien semblables, au sein d’un cercle (figure qui a une infinité d’axes de symétrie) qui symbolise leur égalité.

Mais cette Trinité de Roublev est « chrétienne »…

Jésus y est au centre, axe du monde au-dessus du tombeau vide et devant sa Croix, échelle vers le Ciel qui nous est promis, grâce à sa chair et à son sang donnés pour la multitude.

 
René Guyon

NDLR : n'hésitez pas à nous adresser votre "lecture" de l'icône de Roublev en écrivant au blogmestre (bouton Nous écrire en haut de la page).

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A
Effectivement, face à une icône comme celle-là, on ne peut guère que tenter "une" lecture, sachant qu'elle ne sera pas exclusive d'autres. Déterminer "qui est qui"... pourquoi pas, (on le fait tous), si cela nous permet de nous ouvrir réellement à Dieu-Trinité, Celui qui est notre hôte dans les deux sens antinomiques de ce terme.
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P
Merci pour cet article, en particulier à cause de l’assimilation de la table au tombeau vide et lumineux du Christ, d’où il sort victorieux.<br /> Il y a beaucoup de sites (essentiellement orthodoxes) qui donnent des interprétations et on assiste un peu à « un jeu de chaises musicales », si j’ose cette expression, où les trois personnes de la trinité changent beaucoup de place. Si nos frères orthodoxes ont des interprétations diverses, dans le respect les uns des autres, pourquoi un frère catholique (?) ne se lancerait-il pas dans l’aventure ? Surtout pour dire de telles choses.
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