À propos de la « peur de l’Islam » : le leurre du « choc des civilisations »
« La peur de l'Islam est-elle justifiée ? ». Cette question, dont traite Marc Delîle dans ce dossier, pointe avec force un débat très grave qui n'est pas qu'idéologique ou théorique, mais qui, comme en rend compte l'évocation géographique de son travail, s'inscrit dans des réalités concrètes faites à des États, des régions et des individus par toutes sortes de décideurs. Car la problématique sous-jacente à cette question - la coexistence antagoniste entre l'Islam et le monde occidental - fournit une passerelle conceptuelle, peut-être même un argumentaire, vers un corps de doctrine très large, très diffus et très opérant dont elle procède généralement (et non particulièrement, bien entendu) non seulement dans le registre de la religion et des rapports interreligieux, mais également dans la réalité mondiale et ses implications dans les microsystèmes politiques et sociaux. De quoi s'agit-il ? Un peu d'histoire récente, évoquée à grands traits, est nécessaire.
Le concept de "choc des civilisations"
Après l'effondrement de l'Union soviétique, les États-Unis avaient le choix entre plusieurs options stratégiques. En simplifiant, on peut les ramener à trois. Premièrement, privilégier la coopération et le multilatéralisme dans une optique de cogestion d'un système mondial en voie de multipolarisation et de pacification (entre les principaux États). Deuxièmement, adopter une politique classique d'équilibre des forces, comparable à celle de la Grande-Bretagne en Europe continentale au XIXe siècle. Troisièmement, pérenniser l'unipolarité par une « stratégie de primauté », des mêmes États-Unis bien entendu.
Ce fut la troisième voie qui fut retenue et retranscrite dans un rapport au Pentagone de 1992 intitulé Defense Policy Guidance 1992-1994 (DPG) et écrit par Paul Wolfowitz et I. Lewis Libby, bien connus de l'administration des États-Unis. Ce texte préconisait aux dirigeants américains d'« empêcher toute puissance hostile de dominer des régions dont les ressources lui permettraient d'accéder au statut de grande puissance », de « décourager les pays industrialisés avancés de toute tentative visant à défier notre leadership ou à renverser l'ordre politique et économique établi » et de « prévenir l'émergence future de tout concurrent global »1. Ces trois orientations, dont il faut bien peser les termes, bien que ne faisant pas consensus, furent bientôt relayées par la classe politique et donna lieu à de splendides prophéties du style de ce que proclamait le sénateur Jesse Helms en 1996 : « NOUS sommes au centre et nous devons y rester (...). Les États-Unis doivent diriger le monde en portant le flambeau moral, politique et militaire du droit et de la force, et servir d'exemple à tous les peuples ». Quelques années plus tard, le néoconservateur Charles Krauthammer écrivait tout aussi immodestement : « L'Amérique enjambe le monde comme un colosse (...). Depuis que Rome détruisit Carthage, aucune autre grande puissance n'a atteint les sommets où nous sommes parvenus. »2
Coïncidence étonnante : c'est aussi au tout début des années 90 que de l'université d'Harvard jaillit la notion de « choc des civilisations », concept forgé par Bernard Lewis3 et théorisé ensuite par le livre classique de Samuel P. Huntington, Le choc des cicilisations4.
Je résume succinctement la thèse. Pour cet auteur, l'histoire des conflits humains dans le monde occidental a connu trois périodes : l'extension territoriale du fait des princes aux XVIIe-XVIIIe siècles ; la construction d'empires par les nations et les peuples au XIXe siècle ; enfin, depuis 1918, la confrontation entre des idéologies antagonistes jusqu'en 1989 où commenceraient les conflits de civilisations. Le monde a ainsi tendance à se diviser en civilisations qui englobent plusieurs États. Il n'y a donc pas de coïncidence entre État et civilisation. Pour Huntington, la civilisation représente l'entité culturelle la plus large. Elle « est le mode le plus élevé de regroupement et le niveau le plus haut d'identité culturelle dont les humains ont besoin pour se distinguer des autres espèces. Elle se définit à la fois par des éléments objectifs, comme la langue, l'histoire, la religion, les coutumes, les institutions, et par des éléments subjectifs d'auto-identification. »5 Selon Huntington, sept à huit civilisations se partagent le monde, quoiqu'il n'en nomme que cinq, la chinoise, la japonaise, l'hindoue, la musulmane et l'occidentale, rigoureusement délimitées. L'Afrique n'est pas une civilisation en soi et l'Amérique latine est une sous-civilisation de l'Occident, envisagée le plus souvent comme menaçante pour les États-Unis. Pour l'essentiel, la ligne de partage entre civilisations est la religion, « sans doute la force centrale qui motive et mobilise les peuples ». Les civilisations dessinent chacune des entités géopolitiques réelles en voie de construction, puisque chaque appartenance religieuse recherche l'appui des siens. Ainsi est en train de s'établir selon Huntington un nouveau rapport de forces entre civilisations. Alors que l'Occident voit son influence et son importance relatives décliner, les civilisations asiatiques gagnent en puissance économique, militaire et politique et réaffirment leurs valeurs propres. Connaissant une croissance démographique rapide, l'Islam est en proie à des rivalités intestines et déstabilise ses voisins. La poussée démographique de l'Islam s'accompagne d'une résurgence de la religion islamiste qui, dans plusieurs pays, s'est illustrée par la montée du fondamentalisme, en particulier chez les jeunes. Dans ce contexte, l'Occident (les États-Unis et l'axe franco-allemand) qui voit sa démographie régresser - 13 % du total mondial et non plus 44 % - est menacé de déclin et de submergement. D'où l'appel au ressaisissement lancé par l'auteur. Il estime que la survie de l'Occident dépendra de la capacité et de la volonté des Américains de réaffirmer leur identité occidentale fondée sur l'héritage européen. La persistance du crime, de la drogue et de la violence, le déclin de la famille, le déclin du capital social, la faiblesse générale de l'éthique et la désaffection pour le savoir et l'activité intellectuelle, notamment aux États-Unis, sont autant de signes indiquant le déclin moral de l'Occident, thème copieusement exploités par des auteurs d'avant-guerre, sur le modèle poussiéreux du déclin de l'Empire romain cher à Gibbon et autres nostalgiques. C'est pourquoi l'Occident doit se préparer militairement à affronter les civilisations rivales, et notamment les deux plus dangereuses : l'islam et le confucianisme, qui, si elles devaient s'unir, menaceraient le cœur de la civilisation. Et l'auteur conclut : « Le monde n'est pas un. Les civilisations unissent et divisent l'humanité... Le sang et la foi : voilà ce à quoi les gens s'identifient, ce pour quoi ils combattent et meurent. »
Nous avons donc là à la fois une théorie des relations internationales et une critique du multiculturalisme comme politique intérieure, qui se traduit par la désignation du péril extérieur représenté par les États terroristes et la menace interne que constituent ces millions de musulmans désormais installés en Europe et aux États-Unis. Huntington reproche aux multiculturalistes américains de vouloir créer « un pays aux civilisations multiples, c'est-à-dire un pays n'appartenant pas à aucune civilisation et dépourvu d'unité culturelle. » Il croit que l'affrontement entre les partisans du multiculturalisme et les défenseurs de la civilisation occidentale constitue le « véritable conflit » aux États-Unis. Si ces derniers devaient se désoccidentaliser, c'est-à-dire accepter le multiculturalisme, l'Ouest se réduirait alors à l'Europe, elle-même aux prises avec l'irruption de la menace constituée par la « connexion islamique-confucéenne » qui fait suite au péril soviétique et contre laquelle il est vraisemblable qu'une guerre pourrait avoir lieu.
Je ne ferai pas la critique de cette théorie qui a surtout séduit les milieux conservateurs, d'outre-Atlantique et d'ailleurs, et qui reprend par bien des aspects les modèles de la guerre froide6 puisque les civilisations d'Huntington sont essentiellement des super-États motivés par les mêmes impératifs d'insécurité et d'auto-développement que l'étaient leurs prédécesseurs historiques. Je rappelle seulement, d'un point de vue méthodologique que la cohérence interne d'une théorie ne valide pas automatiquement ses contenus objectifs. En effet, quel historien sérieux validerait la définition d'une civilisation par le seul critère religieux ? Qui, comme le suggère justement Marc Delille, peut prétendre que l'Islam est monolithique, lorsqu'on observe les différences entre musulmans sénégalais, chinois, indonésiens, arabes et d'Asie méridionale ? Quoi qu'il en soit, cette théorie du choc des civilisations élaborait une lecture globale de la réalité mondiale, génératrice elle-même de ses propres énoncés. En effet - le procédé est un classique -, après avoir postulé un danger, il devenait nécessaire de préconiser des mesures salvatrices, plutôt des missions de salut : « La survie de l'Occident dépend de la réaffirmation par les Américains de leur identité occidentale ; les Occidentaux... doivent s'unir pour lui redonner vigueur contre les défis posés par les sociétés non occidentales »7. C'est pourquoi, dès 1991, les États-Unis se sont installés dans une position d'hyper puissance unique et ont marginalisé, de fait, les Nations-Unies au nom de l'instauration d'un « Nouvel ordre international » plus juste. La guerre du Golfe pour le secrétaire d'État à la Défense, puis vice-président US, D. Chesnay, prit à cet égard valeur de test et d'avertissement : elle fut la « préfiguration typique du genre de conflit que nous pourrions connaître dans la nouvelle ère (...). Outre l'Asie du Sud-Ouest, nous avons des intérêts importants en Europe, en Asie, dans le Pacifique et en Amérique latine et centrale. Nous devons configurer nos politiques et nos forces de telle sorte qu'elles dissuadent ou permettent de vaincre rapidement de semblables menaces régionales futures. »8 Malgré les velléités de Clinton de remplacer la guerre froide par les stratégies économiques, une période de conflits, dont la liste serait longue, s'ouvrit un peu partout - en atteste l'augmentation des budgets militaires des années quatre-vingt-dix9 - contre un adversaire diffus, sous l'égide de « guerre de quatrième génération », de conflit « non étatique » (stateless) ou de « guerre asymétrique », conduite par des « opposants dont la base peut ne pas être un État-nation, mais une idéologie ou une religion ». Bien entendu, le choc des civilisations et la lutte contre l'axe islamo-confucéen n'empêche nullement le Trésor américain d'être en grande partie financé par ce même axe diabolique10. L'argent n'a ni odeur ni religion...
La liberté religieuse
La mobilisation pour un nouvel ordre international ne pouvait pas être que militaire. Si la fin de la guerre froide avait du même coup mis un terme à la légitimation religieuse de la lutte contre un monde sans Dieu des pays de l'Est, le vide laissée par cette lutte ne laissa pas indifférent les autorités politiques des États-Unis et les idéologues. Le sacré, nul ne l'ignore, est la transfiguration habituelle du sentiment de supériorité d'un individu ou d'une collectivité. Dès le milieu des années 90 un autre concept circulait dans les instances de l'administration américaine : la liberté religieuse. Pour les uns, inventeurs de ce concept, il prenait la couleur de la persécution des chrétiens dans le monde, pour les autres, il désignait les droits de l'homme. Mais dans les deux cas, il visait surtout les chrétiens, toutes confessions confondues, en terre d'Islam et en pays communistes, écartant étrangement les persécutions dans les dictatures occidentalisées telle que l'Amérique latine. Cette notion fit l'objet d'une loi en octobre 1998, adoptée à l'unanimité par le Congrès américain (International Religious Freedom Act ou IRFA)11, par laquelle le Département d'État se voit confier la mission de vérifier dans chaque État du monde le respect de la liberté religieuse définie selon des conventions internationales, loi assortie de contraintes contre les contrevenants allant de la démarche diplomatique traditionnelle aux sanctions financières et économiques, ce qui est unique dans le genre et confirme que plus le sentiment communautaire est fort, plus il renforce son droit répressif. Par liberté religieuse le texte de loi entend « les droits de l'homme et du religieux » et non, comme l'entendent tous les textes internationaux, la liberté « de pensée, de conscience et de religion ». Une nuance, parmi bien d'autres, saute aux yeux : alors que la version IRFA individualise et confond l'homme et le religieux, la version citoyenne et civile des textes internationaux distingue l'homme de son appartenance religieuse et de son comportement social et idéologique. Au nom de la première, la défense des droits de l'homme et du religieux comme première liberté fondamentale, on peut tout légitimer et tout devient possible. Et le devint effectivement. Car rapidement, sur la scène internationale, la France s'est trouvée en concurrence avec les États-Unis et l'Église romaine sur la conception même de la société. Dès octobre 1998, le gouvernement américain profitera de la réunion de l'Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe (OSCE) pour accuser la France d'étrangler la « liberté religieuse » sous prétexte de la lutte anti-sectes et de nuire ainsi aux intérêts américains. L'ambassadeur américain pour ce dossier, Robert A. Seiple, président de la World Vision, la plus importante ONG évangélique américaine, menacera de déposer plainte contre la France pour « discrimination à l'égard des minorités religieuses » à... l'OMC ! Les relations diplomatiques furent rompues. Au terme d'un réquisitoire affligeant pour les pays d'Europe, « surtout en France, Belgique et Allemagne » notamment à l'égard des minorités « musulmanes », la délégation américaine, en conclusion de la réunion, appelait :
- « les gouvernements d'Autriche, de Belgique, de France et d'Allemagne à favoriser un climat de tolérance et de respect à l'égard des groupes religieux ou philosophiques minoritaires et à veiller, par la loi et leurs politiques gouvernementales, à ce que les libertés religieuses des minorités soient protégées ;
- tous les États membres de l'OSCE à réexaminer leurs lois, leurs politiques gouvernementales et leurs tendances sociétales qui sont source de discriminations à l'encontre des musulmans et d'autres minorités religieuses »12.
Ce n'est pas la première fois que la théostratégie des États-Unis entreprenait une croisade contre la « vieille Europe » sous la bannière de la religion. Dès la fin du XIXe siècle, les mouvements théosophiques principalement, mais aussi mormons et adventistes, furent utilisés contre le catholicisme et l'athéisme. Dans les années 90 furent privilégiées les mouvements évangélistes chrétiens (on dit born again christians véritables lobbies du libéralisme13) ainsi que des sectes baptisées « minorités religieuses ». Mais cette guerre des dieux ne trompe plus personne. Comme l'ont analysé une foule d'ouvrages, « l'appel occidental à la religion, qu'il s'agisse de l'invocation des valeurs dites judéo-chrétiennes ou du recours aux différents fondamentalismes des Églises américaines, témoigne bien moins du retour du religieux que de son contraire, le recours à la religion. Ce recours provient de la nécessité de donner un vernis de légitimité à des actions politiques qui, au regard des critères classiques de l'humanisme moderne, tel que façonné depuis la philosophie des Lumières et la Révolution française, en manquaient totalement. (...) En fait, le retour du religieux, loin d'être un phénomène naturel, une réaction quasi biologique aux excès dans lesquels la laïcité aurait conduit le monde, est un phénomène politique majeur qui n'a de religieux que le nom. Il n'est lié à aucune évolution majeure dans les constructions théologiques et politiques ou dans les expressions de la foi, sinon le regain de lecture littérale de l'Ancien Testament et des Écritures qui sévit aux États-Unis, mais aussi (...), pour d'autres raisons, dans les sociétés musulmanes et le judaïsme »14. La contradiction apparente, plus précisément l'hypocrisie américaine, est patente au cours des années 90, car tout en défendant au nom de la liberté religieuse les minorités, notamment islamiques, elle développait des notions telles que « l'islamo-fascisme »15. Sans détailler tous les mécanismes stratégiques activés par ce double langage (via l'OTAN entre autre, comme le préconise Huntington16, actuellement en plein redéploiement comme chacun le sait) jusqu'en septembre 2001, on peut en signaler l'un des principes énoncé explicitement par Huntington : « À la fin des années 80, les régimes communistes de l'Europe de l'Est se sont écroulés quand il est devenu apparent que l'Union soviétique ne pourrait ou ne voudrait plus offrir un soutien économique et militaire. S'il devenait patent que l'Occident ne protégeait plus ses régimes satellites musulmans, ils pourraient avoir un destin comparable »17. Ce qui explique que Washington ait pu encenser comme les « équivalents moraux »18 des Pères fondateurs des États-Unis les islamo-fascistes qu'il condamnait simultanément, le tout selon les enjeux et les besoins du moment, le tout aussi en exaspérant les réflexes identitaires et communautaristes tels qu'on les connaît dans les relations internationales, les rapports sociaux et leurs traductions dans les idéologies politiques.
La réaction française et romaine
Il se trouve que le recours au religieux utilisé par les États-Unis, tout comme le concept de choc des civilisations qui le sous-tend, ne laissèrent pas indifférentes d'autres autorités internationales. J'ai mentionné l'Église romaine et la France. La notion de liberté religieuse pour l'Église catholique comme pour les Américains, est aussi la première des libertés. Mais le contenu de celle-ci pour l'autorité romaine différait sensiblement de l'autre. Pour le pape, la protection de la liberté religieuse était inséparable de la totalité des droits de l'homme autant civils « qu'économiques, sociaux et culturels » pour reprendre la formulation du Pacte International des Nations-Unies relatif aux droits de l'homme de 196619, que les États-Unis n'ont pas ratifié. Elle s'insère dans la doctrine sociale de l'Église, articulée autour de la notion thomiste de bien commun. Conception qui, du reste, n'a jamais empêché l'Église d'exprimer quelques regrets (pour le dire comme ça) lorsqu'il s'est agi de la construction laïque des réalités politiques : en décembre 2000, dans un texte rendu public par le Vatican, Jean-Paul II critique la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et se dit « déçu par le fait que pas une seule allusion à Dieu, source suprême de la dignité de la personne et de ses droits fondamentaux, n'ait été insérée dans la Charte ». Conception qui est nettement moins neutre et n'en restera pas là.
En France, l'offensive du religieux outre-Atlantique suscita une vive réaction. Trois ans après le « rapport Guyard », un décret d'octobre 1998, antérieur de peu à l'accusation américaine contre la France du même mois, institua la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes (MILS). La MILS déploya son activité dans de nombreux pays, ce qui lui valut d'être stigmatisée à nouveau par la commission américaine sur la liberté religieuse internationale20 et critiquée par des parlementaires européens.
On voit donc comment le discours et les conceptions sur le religieux, de part et d'autre de l'Atlantique, ont cristallisé en une décennie non seulement des stratégies politiques, nationales et internationales, mais aussi des visions de société, des rapports sociaux et des dérives identitaires, la conflictualité religieuse ne faisant que prolonger les visées politiques. À la veille du 11 septembre 2001, la notion de « choc des civilisations » prenait l'allure d'une prophétie auto-réalisatrice qui réalise ce qu'elle dit. Ses traductions politiques, sociales et sociétales, fondées sur les stratégies de la force et de la confrontation, avaient engendré inévitablement des forces contraires, d'États contre États, de religions contre religion et contre États laïcs, de groupes sociaux contre groupes sociaux. Ce n'est sans doute pas le fait du hasard si l'organisation transnationale Al-Qaïda a pris son envol au milieu des années 1990 tandis que la plupart des mouvements islamistes nationaux renonçaient à la violence dont ils constataient les conséquences négatives pour s'intégrer dans la vie politique de leurs pays respectifs.21
Ce 11 septembre ne pouvait que légitimer le concept du choc des civilisations et toutes ses implications antagonistes. Ce drame fut l'argument le plus indiscutable de son exportation à l'Ouest, aussi bien parmi les intellectuels divers que le personnel politique. Désormais, un spectre hante l'Occident : le spectre de l'islamisme. Ainsi pour l'ancienne résistante Oriana Fallaci, il a autorisé enfin à dire ce que l'on n'osait même pas penser : « L'horreur a permis de nommer l'Autre, l'ennemi, la menace, de lui donner un visage en l'icône de Ben Laden, à laquelle on ramène les bandes de banlieue comme les clandestins du ponte Vecchio dans une confusion générale des sentiments »22 ou encore le triste Alexandre Del Valle : « Face au totalitarisme vert, une recomposition du monde de l'après-guerre froide sera nécessaire : alliance sans faille avec la Russie puis avec l'Inde, aux prises avec des rébellions islamistes armées liées à l'épicentre afghano-wahhabite, pour neutraliser le foyer islamiste et atomique pakistanais (...) rapprochement avec la Chine (...) afin de casser l'axe "islamo-confucéen" »23. Au politique, tous azimuts, les États multiplient les mesures contre le terrorisme, la délinquance, l'insécurité et les immigrés. Le sommet de l'Union européenne à Séville, en juin 2002, a consacré le renforcement des politiques communes contre les immigrés et le droit d'asile - alors même que le nombre de demandeurs d'asile dans l'Union a chuté de moitié en dix ans. Si les actes visant des personnes et des lieux de culte juifs sur le Vieux continent ont été, à juste titre, dénoncés et médiatisés, un épais silence entoure les attaques dont sont victimes les populations musulmanes. Selon le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNDDH), on a dénombré en France, en 2001, 67 faits racistes graves : 38 anti-arabes et 29 anti-juifs. Un autre rapport montrait que de la Grande-Bretagne au Danemark, des Pays-Bas à la Suède, les assauts contre les lieux de culte musulmans ou contre des femmes portant le foulard s'étaient multipliés, tandis que les médias banalisaient des stéréotypes antimusulmans.24
Le personnel politique emboîte le pas. Ainsi, le député européen Michel Rocard25 voit dans l'adhésion de la Turquie à l'Union un moyen de prévenir la guerre entre le monde musulman et l'Europe post-chrétienne... comme si l'on devait subordonner un projet à très long terme (l'union de l'Europe) au combat contre un péril conjoncturel (le terrorisme moyen-oriental). Et Jean-Pierre Raffarin ajoutait : « Le monde a besoin de l'Europe parce qu'elle est le rempart contre le choc des civilisations ».26
Une sorte de synthèse de la question de la civilisation et du religieux a été faite en France par le Président de la République, bien avant son élection27 et, depuis, en diverses circonstances. Cette synthèse égrenée deci- delà, s'appuie, comme chez les concepteurs américains, sur l'affirmation que le religieux est l'initium identitaire de la civilisation, de la communauté et de l'individu.
« Je ne connais pas de pays dont l'héritage, dont la culture, dont la civilisation n'ait pas de racines religieuses... Je ne connais pas de culture, pas de civilisation où la morale, même si elle incorpore bien d'autres influences philosophiques, n'ait un tant soit peu une origine religieuse... Dans le fond de chaque civilisation, il y a quelque chose de religieux » (Discours de Ryad). Ces propos, et bien d'autres, postulent que la religion est à l'origine de la civilisation elle-même. Partant, la notion de « racines » permet de construire une histoire de la France définie par ses racines chrétiennes : « Comme Benoît XVI, je considère qu'une nation qui ignore l'héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire commet un crime contre sa culture... Arracher la racine, c'est affaiblir le ciment de l'identité nationale. J'assume pleinement le passé de la France et ce lien si particulier qui a si longtemps uni notre nation à l'Église... Au-delà de ces faits historiques (Clovis, le bon roi saint Louis, c'est surtout parce que la foi chrétienne a pénétré en profondeur la société française, sa culture, sa façon de vivre, son architecture, que la France entretient avec le Siège apostolique une relation si particulière. Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes » (Discours de Latran). Essentiellement, c'est-à-dire son essence même, sa nature intime. Dans cette perspective, l'inné du Français est chrétien et l'histoire un « héritage » du passé plutôt qu'une construction ouverte. Il est bien évident que cette conception des choses, de l'histoire et de la religion ne pouvait que satisfaire la pensée de l'Église romaine, pour qui la France est la fille aînée de l'Église selon la formule consacrée. Mais cette vue de l'esprit, et c'est bien là sa finalité, vient épauler d'autres conceptions, beaucoup plus politiques.
Ainsi lors des vœux au Corps diplomatique (janvier 2008) : « Ma conviction est que deux défis contribueront à structurer la société internationale du XXIe siècle, peut-être plus profondément que les idéologies au XXe siècle. Le premier défi est celui du changement climatique... Le deuxième défi est celui des conditions du retour du religieux dans la plupart de nos sociétés. C'est une réalité, seuls les sectaires (!) ne le voient pas. C'est une réalité incontournable qui avait en son temps été prévue par Malraux. Dans mon discours de Saint-Jean de Latran, j'ai précisé ma conception d'une laïcité où la place de la religion serait définie en termes plus positifs. Devant le Conseil Consultatif de l'Arabie saoudite, à Riyad cette semaine, j'ai fait écho aux propos pleins de sagesse du Roi Abdallah, et plaidé en faveur d'une conception ouverte, tolérante de la religion. Mais certains groupes veulent imposer leur vision fondamentaliste, hégémonique, intolérante. La forme la plus extrême est celle des réseaux terroristes globaux de type Al Qaeda qui rêvent d'une confrontation Islam contre Occident, pour mieux dicter leur loi à des peuples qui ne demandent pourtant qu'à vivre leur foi dans la paix. »
Dans un même mouvement, il faut le noter, est affirmée la centralité du fait religieux, la stigmatisation en termes de « sectaires » de quiconque nierait cette centralité, la remise en question du modèle laïque et, bien entendu, la désignation d'Al-Qaïda et plus largement de l'Islam fondamentaliste comme auteur de la confrontation Islam-Occident. La construction idéologique est claire. Autant que la stratégie globale qu'elle vient relayer : « J'ai d'abord voulu situer, nettement et franchement, la France au sein de sa famille occidentale... En se plaçant clairement dans sa famille occidentale, la France, et c'était mon objectif, accroît sa crédibilité, sa marge d'action, sa capacité d'influence à l'intérieur comme à l'extérieur de sa famille ». La référence à la « famille occidentale », équivalente de la notion de « racines » et de «civilisation » se poursuit tout au long du discours en exprimant la force quasi biologique du lien de civilisation. Les pays de l'Est sont qualifiés de « derniers arrivés dans la famille » et le reste du monde d'« extérieur à la famille ». À cet égard, la première conséquence en matière de politique étrangère est la politique militaire, c'est-à-dire le resserrement et le redéploiement de l'OTAN : « L'Europe de la défense et l'ancrage atlantique sont les deux volets d'une même politique de défense et de sécurité. C'est dans ce contexte que la France entend rénover sa relation avec l'OTAN », conformément aux vœux des États-Unis clairement exprimés par Huntington et réaffirmés il y a peu par l'organisation.28 Or ce discours reprend, mot pour mot parfois, celui prononcé en août 200729 : « Les menaces d'aujourd'hui - terrorisme, prolifération, criminalité - ignorent les frontières ; les évolutions de l'environnement et de l'économie mondiale affectent nos vies quotidiennes ; les droits de l'homme sont bafoués sous nos yeux... Face à des crises internationales telles que celle de l'Irak, il est aujourd'hui établi que le recours unilatéral à la force conduit à l'échec ; mais les institutions multilatérales, qu'elles soient universelles, comme l'ONU, ou régionales, comme l'OTAN, peinent à convaincre de leur efficacité, du Darfour à l'Afghanistan... Sur ce fond d'inquiétude et de désillusion, les Français se demandent ce que la France peut faire face aux principaux défis auxquels le monde est confronté en ce début de XXIe siècle. J'en vois trois, dont tout le reste dépend : Premier défi : comment prévenir une confrontation entre l'Islam et l'Occident, voulue par les groupes extrémistes tels qu'Al Qaeda qui rêvent d'instaurer, de l'Indonésie au Nigéria, un khalifat rejetant toute ouverture, toute modernité, toute idée même de diversité. »
Tous les paramètres du « choc des civilisations », tels qu'on les trouve dans l'ouvrage de Huntington sont réunis et développés par les conceptions du président de la République. Tous aboutissent à mettre le monde en tension, en France, comme le firent en leur temps ceux du professeur d'Harvard et de ses émules. La boucle est bouclée.
Mais il est bien évident que dans son sillage, cette vision du monde ne pouvait pas ne pas remettre en question la définition laïque de l'identité de la République. Il faut bien voir le lien et son développement qui conduit la pensée présidentielle du choc des civilisations à la question religieuse et sa confrontation avec la laïcité. C'est dans cette logique qu'il faut comprendre une certaine reconfessionalisation de la société étayée à l'aune de la dénonciation des Lumières pour inefficacité, et de la loi de 1905 comme insuffisamment « positive ». Dès lors, il n'y a pas véritablement surprise à dire, dans une vision on ne peut plus utilitariste, que « dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur... La vie spirituelle constitue le support d'engagements humains que la République ne peut pas offrir, elle qui ignore le bien ou le mal (!) ; la religion peut apporter cette distinction... Les religions sont un plus pour la République. » Dans la même logique, la politique envers les sectes a été revue par le personnel politique, depuis plusieurs années à vrai dire30, et encore récemment à la demande du président de la République.31
Il va de soi que ces conceptions ne sont pas propres à l'autorité politique. Elles rejoignent les visions sur le politique émises par l'autorité religieuse romaine qui, au fond, visent le même ordonnancement de la construction sociale et dont je ne ferai pas ici l'économie. Je rappelle seulement qu'en 2005, dans un ouvrage sur la laïcité intitulé Mémoire et Identité, le pape Jean Paul II tenait ce propos dont chaque mot pèse lourd : « Le code moral provenant de Dieu est la base intangible de toute législation humaine dans n'importe quel système, en particulier dans le système démocratique. La loi établie par l'homme, par les parlements et par toute autre instance législative humaine, ne peut être en contradiction avec la loi naturelle, c'est-à-dire, en définitive, avec la loi éternelle de Dieu...La loi établie par l'homme a des limites précises... C'est dans cette perspective que nous devons nous interroger au début d'un nouveau siècle et d'un nouveau millénaire sur certains choix législatifs décidés dans les parlements des régimes démocratiques actuels. » Propos repris et étendus par son successeur qui achève ce principe en forgeant les notions de « saine laïcité » ou « laïcité positive » par lesquelles « la religion étant également organisée en structures visibles, comme cela a lieu pour l'Église, doit être reconnue comme présence communautaire publique. »32 Malgré les nuances des deux discours, religieux et politique, je retrouve les mêmes clivages, les mêmes ambitions, le même service mutuel rendu dans l'ordre social.
Pour résumer à grands traits cette vision globale du monde dont j'ai essayé de montrer quelques aspects de la genèse, je dirais que la centralité du fait religieux au cœur d'une stratégie politique a actionné le paysage des civilisations antagoniques. De là ont suivi les nécessités d'identification de la famille civilisationnelle, de ses « racines », de ses défaillances et de ses configurations géostratégiques et sociétales. Cet ancrage exige la présence forte du religieux et sa prise en charge par le pouvoir politique comme alibi à des remaniements des relations internationales, des constructions sociales et des mentalités.
La question que pose Marc Delille : « La peur de l'Islam est-elle justifiée ? » a reçu une réponse il y a une vingtaine d'années, sans que les peuples soient consultés, entendus, parce que seuls se la sont posée, et se la posent encore avec la même réponse, des individus en quête de puissance. Leurs discours, habiles, remplis de mensonges éhontés, leurs obstinations idéologiques jusqu'à la cécité sont devenus notre prison, conceptuelle et pratique, et leurs pratiques actuelles notre arène de demain. Le plus grave dans cette situation me semble être la reproduction acritique, toutes options politiques confondues ou presque, d'un principe unificateur autour de la répétition indéfinie de la même croisade, anticommuniste, antiterroriste, antiaméricaine, antiarabe, antijuive et autres anti, dans une sorte de noctambulisme grégaire qui fait la part belle aux gigantesques fonds financiers spéculatifs, aux budgets militaires ahurissants, aux dogmatismes crispés et à la violence ordinaire. Aux peuples, désormais mis chaque jour un peu plus devant le fait accompli - qu'ils soient chrétiens, musulmans, confucéens, bouddhistes, non croyants -, de se débrouiller avec leur haines et leur violence, leurs massacres et leur révoltes, leur faims et leur missiles. Les hommes feront ce qu'ils pourront. Qu'importe, pensent les dieux, leurs dieux, qui, eux, ont fait ce qu'ils ont voulu selon leur implacable principe : privatiser toujours davantage toutes sortes de profits et socialiser toujours davantage toutes les pertes qui en résultent.
NOTES
1 - Voir : Paul-Marie de la Gorce, « Washington et la maîtrise du monde », Le Monde diplomatique, avril
1992.
2 - « The Second American Century », Time Magazine, New York, décembre 1999. Les déclarations de ce style sont abondantes.
3 - Celui-ci avait expliqué, dès 1964, que la confrontation israélo-arabe provient de l'incapacité de l'Islam à s'adapter à la modernité.
4 - The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order (traduit en français en 1997 et publié aux Éditions Odile Jacob, Paris. La théorie fit d'abord l'objet d'un article
publié en 1993 dans la revue Foreing Affairs n° 3.
5 - Op. cit., p. 47.
6 - Huntington le reconnaît largement : « La politique étrangère américaine a du mal à abandonner, à changer, ou même à reconsidérer les orientations prises lors de la
guerre froide », op. cit., p. 342.
7 - Op. cit., p.17.
8 - Déclaration à la commission de la défense du Sénat, le 21 février 1991.
9 - Ce budget est passé de 280 milliards de dollars en moyenne entre 1975 et 1989 à 392 milliards de dollars après cette date : Philip S. Golub, « Rêves d'Empire de
l'administration américaine », Le Monde diplomatique, juillet 2001.
10 - Voir le rapport du MEDEF 2006 « Carte sur table », p. 22 pour la période 1990 à 2006, consultable sur : http://www.medef.fr/staging/medias/upload/95438_FICHIER.pdf.
11 - À l'origine de cette loi se trouvait un texte de 1997 intitulé Freedom from Religious Persecution Act.
12 - Counsel for Freedom of Religion, Washington DC 20515. Cf. Paul Ariès, La scientologie, une secte contre la république, Paris, Ed. Golias, 1999.
13 -William Martin, « Le droit chrétien et la politique étrangère américaine », Politique étrangère, n° 114, 1999, où l'auteur montre l'importance des milieux conservateurs
américains sur les questions de la liberté religieuse et son influence dans la diplomatie US : « Ils sont impliqués activement et de façon croissante dans des efforts pour
influencer une large palette de politiques américaines, y compris le soutien à Israël, le contrôle des armements et la défense, ainsi que le financement du FMI et des Nations Unies » p.
67 ; Anouk Batard, « Le lobby évangélique à l'assaut de l'Ouganda », Le Monde diplomatique, janvier 2008. N'oublions pas que des missionnaires évangéliques remplissaient
les fourgons de transport US en Irak...
14 - Georges Corm, La Question religieuse au XXIe siècle. Géopolitique et crise de la postmodernité, La Découverte, Paris, 2006, p. 33-34. L'auteur est ancien
ministre libanais des finances. Voir aussi, du même, Orient-Occident, la fracture imaginaire, La Découverte, Paris, 2005.
15 - Employée pour la première fois par l'historien Malise Ruthven dans le quotidien britannique The Independent, 8 septembre 1990 : « L'autoritarisme
gouvernemental, pour ne pas dire l'islamo-fascisme, est la règle plutôt que l'exception du Maroc au Pakistan. » Elle est devenue courante dans le discours politique de l'administration
Bush.
16 - Op. cit., p. 237.
17 - Op. cit., p. 236.
18 - Voir le livre de Mahmoud Mamdani, Bons musulmans, mauvais musulmans, la Guerre froide et les origines du terrorisme. Pour mémoire il faut rappeler le soutien aux activités
islamistes en Égypte, en Indonésie, au Pakistan, en Afgnanistan, au parti Baas, en Arabie saoudite, etc.
19 - Charte internationale des droits de l'Homme, acte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966, § 2 en particulier.
20 - Rapport du 5 juin 2002. Peut être consulté sur : http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2002/13938.htm.
21 - Voir le livre de Lawrance Wright sur l'histoire d'Al-Qaida, The Looming Tower, 2006 (prix Pulitzer).
22 - « La Rage et l'Orgueil », Le Point, Paris, 2002.
23 - Alexandre del Valle, Politique internationale, Paris, printemps 2002 ou encore Emmanuel Brenner, France, prends garde de perdre ton âme..., Editions Mille et Une
nuits, 2004.
24 - Voir le rapport sur l'Islamophobie dans l'UE après le 11 septembre 2001, de l'Observatoire européen de recherche sur le racisme et la xénophobie, Vienne, mai 2002. Peut être consulté
sur http://fra.europa.eu/fra/material/pub/muslim/Manifestations_FR.pdf
25 - Michel Rocard, « Turquie : menaces sur les négociations », Le Figaro, 1er octobre 2005.
26 - Le Monde du 5 mars 2005. On se souviendra aussi que lorsqu'en décembre 2003, à Tunis, le président Jacques Chirac parle d'« agression », à propos du foulard,
la journaliste Élisabeth Schemla s'en réjouit : « Pour la première fois, Jacques Chirac reconnaît que la France n'est pas épargnée par le choc des civilisations. »
27 - Voir en particulier son livre La République, les religions, l'Espérance, 2004 où tout était déjà dit.
28 - Voir le rapport de janvier 2008 : « Vers une grande stratégie dans un monde incertain, pour renouveler le partenariat transatlantique ». Rédigé par cinq
dignitaires militaires américains et européens, et remis au Pentagone en vue du prochain sommet de l'OTAN en avril prochain. Pour résumer : les militaires affirment que les valeurs de
l'Occident et son mode de vie sont menacés, mais que l'Ouest peine à rallier les volontés pour sa défense.
Les menaces majeures qu'ils identifient sont :
- Le fanatisme politique et le fondamentalisme religieux.
- La « face sombre » de la mondialisation, c'est-à-dire le terrorisme international, le crime organisé et la prolifération des armes de destruction massive.
- Le changement climatique, potentiellement responsable de migrations « environnementales » de masses et la sécurité énergétique, entraînant une lutte pour les
ressources.
- L'affaiblissement des États nations et des organisations internationales comme l'ONU, l'OTAN et l'Europe.
En conséquence de quoi, l'OTAN doit procéder à une révision de ses méthodes de prise de décision, mettre en place un nouvel « organe de direction » supérieur à toutes les
instances dirigeantes, rassemblant les dirigeants des USA, de l'Europe et de l'OTAN, capable de répondre rapidement aux crises. Ils appellent également l'Europe à mettre fin à son
« obstruction » au sein de l'OTAN, et à sa rivalité avec l'Alliance. Est visée l'Allemagne principalement, la France étant désormais acquise.
Des mesures concrètes sont proposées :
- L'abandon du système des restrictions nationales à l'emploi des forces dans les opérations de l'OTAN comme c'est le cas en Afghanistan.
- L'absence de voix au chapitre dans les prises de décisions sur les opérations de l'OTAN pour les membres de l'alliance qui ne participent pas à ces opérations (le conseil de
sécurité de l'OTAN n'a donc plus de prise sur les décisions).
- L'usage de la force sans autorisation du Conseil de Sécurité de l'ONU lorsqu'une « action immédiate est
nécessaire pour protéger un grand nombre de vies. »
Comprenne qui pourra...
29 - Conférence des Ambassadeurs 27 août 2007
30 - Je ne parle pas de la poignée de main entre N. Sarkozy et Tom Cruise mais d'un comportement global exprimé dans une lettre de M. Raffarin, du 1er avril 2004 (lettre
n° 04647) où il demande de cesser de « stigmatiser » certaines sectes, car « il importe que la France ne puisse être soupçonnée de porter atteinte aux libertés
religieuses. »
31 - Selon le Canard enchainé du 23 janvier 2008, Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet à l'Élysée, a déclaré que « le président a la volonté d'avancer sur les
conditions d'application de la loi de 1905. Et notamment en élargissant la notion d'association cultuelle. » Elle précise qu'« en accordant ce label à de nouvelles chapelles
(...) il s'agit bien de rétablir le financement public des cultes ».
32 -Audience du 9 décembre 2006 au Congrès national des juristes catholiques italiens.