Les Chrétiens d'Égypte

Publié le par Garrigues

Ces chrétiens d'Orient sont méditerranéens comme nous et ils constituent le plus grand groupe de chrétiens arabophones du Proche Orient. On estime le nombre des chrétiens d'Égypte à 8 millions. Les catholiques sont un quart de million, les protestants un quart de million ; la majorité est donc copte orthodoxe.

Le rite copte  est le rite du Patriarcat d'Alexandrie, tant pour les catholiques que pour les orthodoxes. Ce rite, issu du rite byzantin, s'est développé en s'inculturant et en adoptant bien des éléments de l'héritage proprement égyptien du peuple chrétien d'Égypte, en utilisant l'ancienne langue égyptienne écrite en lettres grecques, c'est-à-dire la langue copte, et bien des symbolismes propres à la vallée du Nil dans lequel il s'est développé. Il est manifestement bien plus "égyptien" que le rite byzantin n'avait su le devenir à l'époque où il était général dans le pays.
Rappelons que le mot "copte" veut dire "égyptien", mot qui vient du grec : aigyptos, lequel vient de l'égyptien ancien gou-ptah, c'est-à-dire le pays où se trouve le "temple" du dieu "Ptah", à Memphis, au sud du Caire.

L'Église Mère, la métropolis de ces chrétiens, est Alexandrie. Elle a développé le christianisme dans la vallée du Nil jusqu'à l'Éthiopie et elle eut de nombreuses Églises filiales, c'est-à-dire des petites communautés locales, qui dépendirent d'elle. Elle partage avec Antioche le fait d'être, après Rome, l'une des trois plus grands sièges ecclésiastiques de la chrétienté.
Les Orthodoxes, donc les chrétiens non rattachés au pape de Rome, sont de deux sortes en Égypte : il y a les Grecs orthodoxes qui furent unis à Rome jusqu'en 1054 et les Coptes orthodoxes, qui se séparèrent de l'Église catholique après le Concile de Chalcédoine en 451. Le terme d'orthodoxe, qui signifie "exact dans la doctrine, dans la foi" situe bien dans l'histoire cette Église locale et autocéphale qui estima devoir affirmer sa supériorité doctrinale vis-à-vis du Concile de Chalcédoine (451) dont elle rejeta les décrets à travers les prises de positions doctrinales du Patriarche d'Alexandrie d'alors, Dioscore. Récemment le Catéchisme de l'Église Catholique a donné une brève et claire définition de cette position "monopohysite" (cf. N° 467).

Le patriarcat grec orthodoxe se trouve à Alexandrie et son titulaire est actuellement S.S. Théodoros II.

Le patriarche des Coptes orthodoxes a aussi son siège à Alexandrie, tout en résidant au Caire; c'est le pape Chenouda III que le pape Jean Paul II a visité lors de sa visite en Égypte en 2000.

 

Le patriarcat copte catholique, institué au XIXe siècle, consacra l'existence d'une grande communauté catholique copte : le patriarche copte catholique est aujourd'hui, S. B. Antonios Naguib qui succède au patriarche Stéphanos II Ghattas, cardinal de l'Église catholique. Dans l'Église catholique, un patriarche c'est plus qu'un cardinal car il est caput et pater d'une Église.


Les patriarches d'Alexandrie portent le titre de "Pape". On parle donc en Égypte du pape Chenouda III et du pape Théodoros II. Mais par déférence pour le pape de Rome, le Patriarche copte catholique d'Alexandrie n'utilise pas ce titre.

De nos jours, bien des églises en Égypte portent le nom de saint Marc et ses reliques, offertes par Paul VI à l'Église orthodoxe copte et apportées par le cardinal Duval, alors évêque d'Alger, sont maintenant déposées sous le chevet de la cathédrale al-Morkossiyya à Abbassiah, où elles reçoivent sans cesse des visiteurs, de même que le tombeau de saint Athanase, tout proche, qui se trouve aussi dans le sous-sol de l'immense cathédrale.

Le pape Paul VI avait eu la joie, plus de quinze siècles après cette dramatique mésentente entre chrétiens qui partageaient la même foi sans le savoir vraiment, de signer avec le pape Chenouda III, chef de l'Église orthodoxe copte d'Alexandrie, un texte christologique commun qui mettait fin théoriquement à une période bien trop longue de brouille théologique (mai 1973).

L'environnement musulman

La situation actuelle du monde musulman en Égypte est très importante à connaître car ce pays influence  beaucoup de pays musulmans - tant en Afrique qu'en Asie - tout spécialement par le rôle important de l'Université d'al-Azhar, fondée par les Fatimides au Xe siècle et qui est de nos jours l'un des principaux centres d'enseignement musulman dans le monde.

Comme pendant des années, je me suis consacré au dialogue islamo chrétien, je voudrais souligner l'importance, pour ce dialogue, des chrétiens d'Orient qui vivent depuis des siècles dans un contexte musulman.
Comme Occidentaux, nous serions parfois portés à privilégier un dialogue mené à la manière "occidentale", c'est-à-dire qui privilégie en fait le rapport entre Occident et monde musulman. En Orient, j'ai toujours essayé personnellement d'être attentif au "dialogue de la vie", souvent difficile et même douloureux, mené par les chrétiens d'Orient qui vivent dans leur pays dans un contexte musulman. Et pourtant, souvent, ils sont ignorés et inconsciemment parfois des voyageurs identifient "chrétiens" et "Occidentaux", comme si le christianisme n'était pas une réalité orientale.

L'Égypte terre d'accueil

L'Égypte au temps de l'Ancien Testament avait accueilli Joseph fils de Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham, et ses frères et finalement aussi, pour un long séjour en Égypte, tout le peuple de Dieu jusqu'à Moïse. Elle a donné l'hospitalité la Sainte Famille, et la dévotion des Égyptiens, y compris les musulmans, ne l'oublie pas.

La présence des diverses communautés chrétiennes en Égypte s'explique par le fait qu'elles y ont trouvé refuge aux XIXe et XXe siècles, et cela du fait de bien des événements de l'histoire récente du Proche Orient arabe :

- Au siècle dernier en Syrie, vers 1860, bien des Maronites persécutés par les Druzes dans la montagne libanaise vinrent se réfugier et s'installer en Égypte.
- L'arrivée massive des rescapés des massacres perpétrés par les Ottomans contre les Arméniens, lors de la première guerre mondiale, et des rescapés Chaldéens et de Syrie de ces mêmes massacres, amena l'établissement d'un grand nombre de ces chrétiens en Égypte. 

Les Églises arméniennes apostolique et catholique, avec leurs églises et leurs liturgies, les Syriens, tant catholiques qu'orthodoxes, les Maronites et les Chaldéens rappellent aujourd'hui en Égypte cette histoire.

L'exemple de l'hospitalité de l'Égypte peut nous aider à réfléchir au rôle d'une ville comme Marseille qui depuis longtemps déjà est une grande terre d'accueil, tout spécialement pour les chrétiens d'Orient.

Pensons tout particulièrement à l'accueil massif des Arméniens par notre ville dans les années 1915-1920, après les grands massacres perpétués contre les chrétiens, tout spécialement contre les Arméniens, mais aussi contre les Chaldéens et les Syriens. En Orient, si vous rencontrez un Arménien et si vous lui dites que vous êtes de Marseille, cela évoque tout de suite chez lui le bel accueil que la France leur fit dans cette ville à l'époque si dramatique de leur histoire.
Il y a près de 100.000 Arméniens à Marseille et la rue Armeny nous le rappelle, ainsi que les nombreuses églises arméniennes de la ville, apostolique sur le Prado par exemple, ou rue Cibié à la Plaine, pour les catholiques. Typique à ce sujet est le film autobiographique d'Henri Verneuil intitulé « Mayrig », qui nous décrit l'arrivée à Marseille d'une famille arménienne vers 1920 et son installation progressive à Marseille. On y voit une magnifique évocation de la grandeur de l'Église d'Arménie et aussi l'horreur de ses fidèles dans les  déserts de Syrie.

Quelques mots sur la langue arabe

Si la langue arabe est à la fois la langue sacrée pour les musulmans et la langue d'une région de l'immense monde musulman, elle est aussi l'une des grandes langues du christianisme.

Le monde musulman est une immense réalité humaine, géographique et religieuse de plus d'un milliard de personnes dont une minorité seulement est arabe. Il y a les musulmans turcs, pakistanais, bengalis, malaisiens, indonésiens, chinois, africains, qui ne sont pas arabes.
C'est au milieu du VIIe siècle que les conquêtes musulmanes ont fait passer l'Orient chrétien sous domination musulmane (dès 641 pour l'Égypte) et ont développé dans plusieurs pays d'Orient la langue arabe qui y était déjà présente.
En Orient, des millions de chrétiens sont de langue arabe et prient en arabe, disent la messe et l'office canonial en arabe et toutes encycliques de papes et les textes de l'Église (ceux du concile de Vatican II par exemple) sont traduits et publiés en arabe et diffusés au Liban, en Syrie, en Irak, en Palestine, en Égypte, en Jordanie. Il faut beaucoup insister sur cela et bien réaliser cette réalité, donc cette vérité culturelle : le christianisme a une excellente inculturation dans le monde et la langue arabes.

Pour illustrer l'importance du monde arabe chrétien, j'évoquerai nos Patriarches catholiques orientaux dont la place est si importante puisqu'ils sont juste après le Pape et avant même les Cardinaux dans la hiérarchie catholique. Et bien sûr, tous ces Patriarches sont de nationalité arabe : égyptienne, syrienne, libanaise, irakienne, palestinienne.
Oui, vraiment, le monde arabe chrétien est bien représenté dans l'Église catholique, et bien sûr aussi dans les Églises orthodoxes orientales. Tous ils excellent dans la connaissance de la langue et de la culture arabe, ils écrivent et composent des livres et des encycliques dans l'arabe le plus parfait.

Lorsque l'on parle du Monde arabe, on parle d'un monde qui est à la fois chrétien et musulman. À Paris, l'Institut de Monde arabe, l'IMA, veille à faire toujours sa place au monde arabe chrétien dans sa présentation  de ce monde.

Jean-Marie Mérigoux, o.p.


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