Les communautés chrétiennes du monde arabe d’Orient
Ces communautés sont présentes dans les pays suivants :
- les Terres Saintes: Palestine et Israël
- le Liban
- la Syrie
- la Jordanie
- l'Irak
- la Turquie, où bien des chrétiens sont de langue arabe.
La langue arabe, une grande langue chrétienne
Les Actes des Apôtres nous disent que le jour de la Pentecôte, il y avait à Jérusalem des Arabes qui adoptèrent la foi des Apôtres (Actes 2,11). L'histoire des pays de l'Orient arabe nous révèle, aux alentours du VIIe siècle, une présence massive du christianisme qui fait d'eux, encore aujourd'hui, des terres chrétiennes selon la triple tradition syrienne, copte et byzantine.
Dans l'article « Arabiyya » de l'Encyclopédie de l'Islam, on peut lire que l'alphabet arabe fut inventé par des missionnaires chrétiens, et que l'on peut localiser cette invention à Hira ou à Anbar. Cet alphabet naquit par le truchement de l'alphabet nabatéen. La langue arabe, langue sacrée des musulmans est aussi une grande langue chrétienne, riche de toute une littérature théologique, scripturaire, liturgique, canonique, philosophique, morale et spirituelle. Elle touche profondément la sensibilité chrétienne orientale arabe.
La langue araméenne avait été, depuis le VIe siècle av. J.-C, la langue officielle de la région occidentale de l'Empire perse et elle s'était progressivement répandue dans tout le Proche-Orient, là où précisément le christianisme allait se développer et faire sienne cette langue. L'arrivée de l'Islam provoqua en Orient un phénomène d'extension de la langue arabe et d'islamisation, qui ne fut pourtant ni général ni partout couronné de succès.
La Mésopotamie, berceau du christianisme araméen
Dans une conférence de Carême faite à Notre-Dame de Paris, le Père Jean-Louis Bruguès, aujourd'hui évêque d'Angers, avait invité ses auditeurs à « découvrir l'enchantement des visages de l'autre ». C'est bien à cela, à cet enchantement, que je voudrais vous inviter en évoquant certains des visages de l'Église et en particulier la Mésopotamie irakienne, syrienne et turque,lieu par excellence de son visage araméen.
Le monde araméen existait bien avant l'arrivée du christianisme en Mésopotamie, mais il en fut le berceau. Abraham, qui était araméen appela, par sa foi en Dieu, cette évangélisation. La tradition attribue à l'apôtre saint Thomas l'évangélisation de cette région qu'il traversa en venant d'Antioche et d'Edesse et où il laissa deux de ses disciples Addaï et Mari pour l'évangéliser, allant lui même évangéliser l'Inde. La Mésopotamie devint alors la patrie du christianisme araméen avec de grands centres comme Edesse, Nisibe et Ninive.
Le christianisme araméen a deux pôles : à l'ouest, Antioche et à l'est, Séleucie-Ctésiphon et Babylone.
Le pôle d'Antioche
Il a son centre occidental dans la ville historique d'Antioche, ancienne capitale de la Syrie (mais actuellement en Turquie) et point de départ de l'évangélisation du monde. C'est la ville où, pour la première fois, les disciples de Jésus-Christ furent appelés « chrétiens ».
De nos jours, cinq patriarches possèdent le titre de « patriarche d'Antioche et de tout l'Orient ». Trois sont catholiques : ce sont les patriarches maronite, syrien catholique et grec catholique. Deux ne le sont pas :
- le patriarche syrien orthodoxe - ici, « orthodoxe » signifie « non chalcédonien » ou « jacobite »,
- le Patriarche grec orthodoxe : ici le mot « orthodoxe » a un autre sens, car il fait allusion au schisme de 1054.
Cependant, la ville de Beyrouth, capitale du Liban, joue avec Damas, capitale de la Syrie, le rôle de « Nouvelle Antioche », puisque tous les patriarches d'Antioche résident dans l'une de ces deux villes.
Le pôle mésopotamien
L'autre pôle est la Babylonie, centre de l'empire qui eut Nabuchodonosor comme roi, celui-là même qui déporta les Hébreux en Mésopotamie. C'est aussi le pays de Babel, ou Babylone, connu par sa ziggourat, la tour de Babel, tout à la fois observatoire et temple comme en possédaient toutes les cités de la plaine mésopotamienne, mais qui resta célèbre par son inachèvement, signe de son orgueil et cause de la confusion des langues.
La Babylonie se subdivise en deux centres :
- Le premier se trouve à 35 km de Bagdad, sur les bords du Tigre, à Séleucie-Ctésiphon, c'est l'ancienne capitale de l'Empire perse.
C'est le cœur historique de « l'Église de l'Orient », couramment appelée de nos jours « Église assyrienne », ou nestorienne.
- Le second site est, lui, symbolique : c'est Babylone, située à 120 km au sud de Bagdad sur l'Euphrate. Le pape Eugène IV emprunta le nom de cette ville pour le donner, au moment du
concile de Florence, à la communauté nouvelle des Nestoriens qui firent alors leur entrée dans l'Église catholique et qui constituèrent dès lors le « Patriarcat de Babylone pour les
Chaldéens ».
Ces Églises de traditions araméennes peuvent donc être classées en « syriennes occidentales », ce sont celles qui sont du
groupe d'Antioche, et en Églises « syriennes orientales », qui sont mésopotamiennes.
Les Églises syriennes occidentales sont celles des « Syriens catholiques » et des « Syriens orthodoxes » et les Églises syriennes orientales sont les catholiques
« Chaldéens » et les « Assyriens » ou « Nestoriens ».
Le christianisme araméen en Turquie
La Turquie, avec ses 70.000.000 d'habitants, n'a pas plus de 140.000 chrétiens. Et la Turquie chrétienne a deux visages, l'Ouest
« byzantin » et l'Est « syriaque ».
Vu de l'Irak, ce pays fut comme un réservoir, une source pour bien des chrétiens qui se trouvent aujourd'hui en Irak : Diarbekir, Séert, Mardine sont des lieux d'où ils sont
originaires.
Depuis quelques années, à cause des troubles et l'insécurité, les chrétiens ont quitté en masse les grands centres chrétiens qui étaient à
l'Est : Médiate, Mardine, Diarbekir. Le nombre des chrétiens araméens de cette région est aujourd'hui fort réduit, ils se trouvent à Mediate et à Mardine. Mais la majorité d'entre eux se
trouve à Istanbul ou dans les pays d'émigration : Suède, Hollande, Allemagne...
À Istanbul, les Syriens orthodoxes ont reçu une belle hospitalité dans les églises latines pour y célébrer habituellement leurs liturgies.
Le patrimoine syriaque aujourd'hui
Au temps où toute la Syrie était devenue chrétienne, évangélisée à partir d'Antioche sa capitale, le terme de « Syrien » en vint à désigner tout simplement un « chrétien » et la culture araméenne et sa langue devinrent l'expression de ce christianisme local que l'on appela dès alors habituellement « syriaque », c'est-à-dire «de Syrie ». Pour reprendre une expression du professeur Guillaumont, éminent syriacisant, « le syriaque, c'est l'araméen devenu chrétien ». Parmi les historiens contemporains des Églises syriaques, on peut citer par exemple Mgr Adaï Cheir qui fut archevêque chaldéen de Turquie et mourut martyr en 1915, le père Bedjan, lazariste d'Iran, le cardinal Tisserant, le père Jean Maurice Fiey, dominicain, le Père Albert Abouna d'Irak...
La langue araméenne, ou syriaque
La langue araméenne nous fascine car ce fut la langue que parlaient Jésus et les Apôtres. On l'étudie de plus en plus pour les études bibliques et, par exemple au Caire, elle est étudiée dans toutes les Universités, y compris à al-Azhar, la grande université musulmane.
Elle fait partie des langues sémitiques et ses langues sœurs sont l'hébreu et l'arabe. Elle est toujours très parlée en Irak, avec quelques variantes locales. Elle est parlée aussi en Syrie, en Turquie, en Iran et en diaspora, soit sous sa forme appelée soureth, c'est-à-dire le « syrien », appelée aussi al-masihy, c'est-à-dire « le chrétien » ou la forme appelée le toroyo et qui est la langue du Tur Abdine, dans l'Est de la Turquie.
La majorité des chrétiens d'Irak parlent toujours l'araméen dans une forme dialectale appelée le soureth. Beaucoup de chrétiens
d'Iran, de Turquie, de Syrie aussi. Du fait de l'exode de beaucoup d'entre eux vers des pays d'accueil, cette langue est maintenant parlée et connue aussi en Australie, au Canada, aux États-Unis
et dans bien des pays et villes d'Europe : Istanbul, Bruxelles, Stockholm, Amsterdam, Paris, Sarcelles, Marseille, Lyon, Toulouse.
Cette langue leur est très chère : ils l'appellent « notre langue » (lichanné). C'est la première langue des chrétiens de la Mésopotamie, la langue la plus
maternelle, celle de la chrétienté « mère » ; elle est la langue de l'intimité, précieux héritage que l'on tient à transmettre aux enfants. C'est une forme de la langue araméenne
très proche de celle que devait parler Jésus.
Tout un peuple prie donc en langue araméenne au cœur de la France et dans d'autres régions du pays. Dans beaucoup de familles irakiennes ou turques des pays d'émigration, si la pratique de l'arabe ou du turc cède progressivement la place à la langue française ou à autre langue européenne, c'est bien toujours le soureth, qu'à la maison, en famille, on transmet aux enfants et que l'on aime parler chaque fois que c'est possible.
La langue soureth reste le moyen de communication unique avec les autres membres de la famille qui se sont américanisés, germanisés ou sont passés au flamand ou au suédois. C'est le langage unique du téléphone et des vidéos cassettes et des retrouvailles familiales par delà les frontières.
Je me trouvai un jour dans une famille irakienne de Marseille à l'heure où les enfants rentraient de l'école et je fus témoin de la manière
dont ceux-ci saluaient leurs parents :
- Chlâma-lo-khône !(La paix pour vous !)
- Deikhitône ?(Comment ça va ?)
- Rannda ! (Très bien).
Chez ces nouveaux Marseillais, l'arabe reste connu et pratiqué par la génération des parents, les jeunes parlent soureth et français.
À Marseille, plusieurs des rites catholiques orientaux sont présents : Grecs melkites catholiques, Maronites, Arméniens catholiques, Chaldéens. Mais il y aussi plusieurs Églises orthodoxes. Je me rappelle avoir visité, il y a quelques années, le Père Cyrille Argentis, curé des Grecs orthodoxes. C'était un vrai pasteur, très œcuménique et très conscient du passé grec de sa ville.
Jean-Marie Mérigoux, o.p.