Découvrir l’Orient chrétien à Marseille
J'étais comme perdu. Les chants étaient en arabe et en syriaque. Au-dessus de l'autel étaient inscrites en syriaque les paroles de la consécration : Hono dén ithao paghro dyl - hono dén ithao kosso dedém, « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ».
Dans un acte de foi, je franchis les frontières de ma latinité et de mon dépaysement. Je reçus le corps et le sang du Christ d'une manière nouvelle pour moi. Ce jour là, j'avais fait, je crois, un vrai bond en avant dans la découverte et l'amour de mon Église qui était désormais, pour moi aussi, orientale.
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Un jour d'été, en 1990, l'année de mes vingt-cinq ans de sacerdoce, alors que je me prépare à célébrer la messe dans l'appartement d'une famille irakienne dans la banlieue de Marseille avec un petit groupe de chrétiens chaldéens, des voix imaginaires, mais bien connues, m'agressent intérieurement face à cette merveilleuse assemblée :
- Ah bon, il y a des chrétiens en Irak ?
- Des convertis de l'Islam sans doute ?
- Ce sont sûrement des orthodoxes puisqu'ils ne sont pas latins ?
- Des Chaldéens ! Mais croient-ils au Pape ?
Devant ces questions ou réactions je reste patient. N'y a-t-il pas en effet beaucoup de choses à assimiler, à étudier, à voir, des gens à rencontrer, pour découvrir et comprendre l'existence, l'identité de ces chrétiens d'Orient que sont les Chaldéens catholiques et les Assyriens d'Irak ? Que savais-je jadis de l'Irak chrétien ?
Ces questions sont, malgré tout, des sortes d'injures inconscientes, des offenses involontaires faites à la fidélité héroïque de ces chrétiens,
descendants de ceux qui nous ont apporté la foi en Jésus-Christ, précisément à partir d'Antioche et de l'Orient.
- Eh bien, oui : "Ils sont chrétiens orientaux et pas orthodoxes, ils sont arabophones et pas musulmans, ils sont catholiques et pas latins ".
Notre Église catholique est comme cela, plus riche et plus variée qu'on ne le pense souvent, et il faut beaucoup de temps pour en faire le tour. Nous la connaissons finalement fort mal. Toute une
partie d'elle-même est orientale et non latine, il y a les Chaldéens et les Syriens catholiques, comme le sont la plupart des familles qui sont là ce matin.
Alors ce matin-là, j'avais envie de crier sur les toits ce qui allait se passer ici : "Une communauté de chrétiens originaire du nord de l'Irak - de Bagdad et d'autres villes encore - parlant la langue de Jésus, l'araméen, et aussi l'arabe et le kurde, va célébrer la messe dans votre ville, la bien nommée « Porte de l'Orient ».
Jean-Marie Mérigoux, o.p.