Prophète dans un peuple
Souviens-toi, Seigneur,
que je me suis tenu en ta présence
pour te parler en leur faveur,
pour détourner d’eux ta colère.
(Jérémie 18,20)
Le Seigneur avait dit à Jérémie :
« Je fais de toi un prophète. Ne dis pas, je ne suis qu’un enfant. Tu iras vers tous ceux à qui je
t’enverrai ; tu diras tout ce que je t’ordonnerai. Ne les crains pas… » (Jérémie 1,
1-4)
« Pauvre » Jérémie ! Pauvre prophète !
Fichu métier que d’être « porte parole.
Jérémie est un ‘obéissant’ et pas un ‘soumis’, il a entendu, il comprend, il intériorise, il fait confiance, il accepte, il
avance…
Le zèle de Dieu le dévore. La violence de son tempérament déborde pour crier de toutes ses forces les avertissements de Dieu. Il ne peut
pas se taire, tout hurle en lui. Il aime trop le peuple dont il est solidaire pour le laisser s’enliser dans les fausses alliances. Il a compris que le Dieu exigeant est un Dieu
d’amour.
Il ne s’embarrasse pas des difficultés, il va.
Il puise en lui ce que Dieu lui suggère, il fait sien le message. Il s’attire incompréhensions, haine, voire sévices, mais il
va
Dieu dit, alors lui le commissionnaire qui a digéré la Parole, VA.
Il a vécu le message avant de le transmettre. Il s’est laissé « éprouver par le Seigneur » Il ne se cache en rien.
D’ailleurs il n’a rien à cacher ; offert et simple, il est un des « pauvres du Seigneur », sa confiance est parfois tourmentée mais elle est sans faille. Il
VA.
Il avance.
Veilleur. Il ne
rêve pas. La lucidité le tient les yeux ouverts et le cœur disponible sur la vie concrète du peuple de Dieu au milieu des nations. Il a trop d’amour pour ne pas regarder la
réalité en face. S’il en souffre, tant pis pour lui. La vérité exige la parole. Il ira jusqu’au bout. Il « passera » la nuit.
Courageux. Il n’a pas peur de prédire
la fin d’un monde et la nécessité de retrouver une manière d’être beaucoup plus dépouillée, dans une relation simple et confiante envers le Dieu qui ne renie jamais sa promesse d’alliance. L’exil
est une épreuve difficile mais il est en même temps une chance. Ce temps purifie, assouplit, reconduit à l’essentiel. Le retour en terre promise est d’abord une démarche intérieure. Avec
le peuple il reviendra. Il se convertira sans cesse.
Jérémie n’est pas « un dur », ni un tendre. Il est un humain normal de tous les
jours. Le désir de fuite, l’envie de se sauver tout seul et de laisser tomber le tenaillent. Il ne veut plus penser aux autres.
D’abord le Seigneur l’a enjôlé, la bataille trop risquée, les moqueries trop virulentes l’écrasent… il aurait mieux valu mourir… Pendant qu’il est encore temps il est préférable d’arrêter ce
métier de prophète qui consiste à ouvrir des chemins que presque personne ne désire prendre. Être étrange suffit ! Pourtant, malgré tout, il continuera, il traversera. Avec humilité et
détermination. Il persévère.
Messager de la nouvelle alliance.
Dieu ne retire pas sa promesse, il ne déchire pas son pacte avec son peuple et l’humanité…ce qui a été conclu au temps d’Abraham,
de Noé et de Moïse garde toute sa pleine vigueur, mais il faut encore aller plus loin dans l’intimité de Dieu. Le fondement de l’Alliance repose sur l’engagement des cœurs. Celui du Seigneur ne
change pas, il est total et irréversible, celui du peuple est un désir toujours à vérifier, à approfondir, à purifier, à ajuster aux circonstances, à rendre constant… Pèlerin avec le peuple et au
milieu de lui, le prophète, rappelle sans cesse à Dieu (!) et au peuple leurs engagements réciproques. Prière et Mission.
On pourrait poursuivre à l’infini cette méditation sur le rôle du prophète au sein de la relation de Dieu et de l’humanité, elle est au
cœur même de la foi. Jésus, le Messager, sera lui-même l’Alliance et le Signe de l’Alliance. Depuis l’Incarnation, beaucoup d’hommes et de femmes dans l’intimité du Christ Ressuscité acceptent
par amour d’être plus particulièrement prophètes à la manière de Jérémie.
Christian Montfalcon