Lumière silencieuse, film de Carlos Reygadas (Mexique)
Voici un film très déroutant, qui a obtenu le Prix du Jury au Festival de Cannes, et qui de fait mérite de retenir notre attention, presque
autant que « le Grand Silence » sur la Grande Chartreuse, en tout début d’année.
Déroutant tout d’abord parce qu’il nous transporte dans une famille mennonite, au Nord du Mexique. Les Mennonites sont une petite communauté protestante née en Hollande au 16e
siècle. Très fermée sur elle-même, elle essaie de garder au maximum la ferveur religieuse et la manière de vivre des temps anciens, tout un groupe s’est
réfugié au Mexique en 1922, où elle continue à parler une langue germanique proche du néerlandais.
Déroutant ensuite par une extrême lenteur. De très longs plans presque fixes, sur la nature, sur des scènes de la vie de famille. C’est un cinéma contemplatif, qui veut nous faire entrer vraiment
dans cet univers rural si différent, et nous faire vivre de l’intérieur, presque sans paroles, les sentiments des personnages.
Déroutant enfin, puisque, comme dans le célèbre film « Ordet » de Dreyer, le film se termine sur une résurrection.
Si l’on accepte ce dépaysement et ce langage propre au cinéma, ayant toujours une portée symbolique, au-delà de la reproduction du réel, on ne peut qu’être touché par ce film, si différent des
deux films précédents de son auteur. Touché par la splendeur éblouissante des images : la scène centrale de la mort de l’épouse sous une pluie violente, au pied d’un arbre, est l’une des plus fortes que l’on ait vue récemment au cinéma. Touché plus encore par le talent exceptionnel du réalisateur pour nous faire vivre l’intensité intérieure du drame
vécu : la dimension religieuse de ces vies simples est présentée avec un respect, une émotion et une force que l’on n’avait pas vus depuis longtemps. Au point que la résurrection finale,
très sobrement évoquée, y apparaît naturellement comme une victoire de l’amour sur la mort. Comme le dit un des enfants, la mort redevient un sommeil, un passage vers la vie.
7 décembre 2007
N.B. Nous n’avons pas eu l’occasion de présenter ici deux des meilleurs films de l’année 2007, qui ont déjà quitté les écrans d’Aix : le dernier film de Woody Allen, « Le rêve de Cassandre », très supérieur à ce qu’en a dit la critique, et « De l’autre côté », de Fatih Akin, prix du Jury Œcuménique à Cannes. Ne les manquez pas si vous en avez l’occasion.