Peut-on vraiment croire à la résurrection des corps ?
« Ce n’est pas uniquement le Moi tout nu de l’homme qui est sauvé à travers la mort…
La résurrection des corps veut
dire que l’histoire d’une vie
et toutes les relations faites au cours de cette histoire parviennent
à leur achèvement et appartiennent définitivement à l’homme ressuscité. »
Franz Joseph Nocke
La croyance en la résurrection des corps fait partie de la foi de l’Eglise, mais comment y croire ? Quand on est mort, on est mort. On veut à bien à la rigueur penser à une sorte d’immortalité de l’âme, mais la résurrection des corps ? Qui peut croire sérieusement que les tombeaux vont s’ouvrir ? Ou qu’on va être emporté au ciel ? Nous aborderons ces questions en deux temps en questionnant l’histoire, puis en nous interrogeant sur le sens de cette annonce.
La mort de Jésus
La croix a dû apparaître aux contemporains de Jésus de Nazareth comme la ruine absolue. Aucun homme, ni juif, ni grec, ni romain, n’aurait imaginé conférer un sens religieux à la croix qui est l’élément le plus spécifique du christianisme dans le concert des religions : Jésus est mort jeune, torturé, rejeté par les autorités civiles et religieuses, trahi et renié par ses disciples, abandonné des hommes et de son Dieu. Il est difficile d’interpréter spirituellement ce fait qui dépasse notre compréhension. Au moment où Jésus est déposé dans le tombeau, personne n’aurait parié dix centimes sur l’avenir de la petite fraternité qu’il a initiée. Et pourtant… Pourtant de cette ruine absolue est né le mouvement qui a le plus influencé l’histoire de l’humanité de ces deux derniers millénaires. Que s’est-il passé ? Après sa mort, ses disciples se sont levés, ils ont commencé à prêcher et se sont rassemblés pour donner naissance à l’Eglise. Ils ont partagé une bonne nouvelle avec des hommes et des femmes, des juifs et des Grecs, des esclaves et des hommes libres. En l’espace de trois siècles, ils ont conquis l’Empire romain sans verser une seule autre goutte de sang que celle de leurs martyrs, malgré l’opposition des autorités civiles et religieuses. Lorsque la question est posée à ces disciples, ils répondent : « Celui qui était mort, nous l’avons revu vivant, celui que vous avez crucifié, Dieu l’a ressuscité. »
Le sens de cette histoire
En relisant ces faits, l’historien Henri Guillemin en arrive à la conclusion suivante : « Le constat de l’Histoire ne peut pas être : le Nazaréen ressuscita, car nul ne sait au juste ce qui s’est passé. Mais l’Histoire se doit d’enregistrer comme un fait établi, indéniable… que les disciples de Jésus ont cru, comme on croit à une vérité d’évidence, avoir revu vivant celui qui venait d’expirer. » Si on considère comme un fait historique que les disciples ont été convaincus de la résurrection du Christ, ils en ont logiquement conclu que cet événement avait une portée qui dépassait la simple personne de Jésus. Ils l’ont interprété comme une victoire sur la mort. Ils ont formalisé cette espérance en parlant de résurrection des morts, ou résurrection des corps, ou résurrection de la chair…
Si nous voulons traduire ces termes dans nos représentations actuelles, il faudrait parler de résurrection de la personne. À la différence de la pensée indienne qui dit que le sujet disparaît en Dieu comme une goutte d’eau dans la mer, la résurrection de la personne dit que c’est notre être, avec son histoire et ses constructions, ses rencontres et ses cicatrices, qui ressuscite en Dieu. Cette espérance nous libère de la peur de la mort et de sa radicalité : une fresque d’une ancienne église à Constantinople montre Jésus qui descend aux enfers et qui saisit par les poignets Adam et Ève afin de les arracher à leurs tombeaux.
Hans Küng a écrit : « La foi en la Résurrection n’est pas un supplément de la foi en Dieu mais une foi devenue plus radicale… sans preuve strictement rationnelle mais avec une confiance pleinement raisonnable, l’homme se laisse convaincre que le Dieu du commencement est aussi le Dieu de la fin et que le créateur du monde et de l’homme est aussi celui qui les accomplit » (Hans Küng, Etre chrétien, Seuil, 1978, p. 41).
La foi en la Résurrection est symétrique de la foi en la création. Elle nous assure que, de même que Dieu est au commencement de notre histoire, c’est lui qui nous accueille au terme de notre pèlerinage. Cette espérance nous appelle à la vie, à ne pas rester enfermés dans nos tombeaux et dans nos peurs, mais à accueillir dans notre marche un Christ, crucifié et ressuscité, qui était à nos côtés avant que nous le sachions et qui nous attend au-delà de ce que nous comprenons.
Cet article est une reproduction de : La foi en la Résurrection nous renvoie à la foi en la Création. Dieu est tout à la fois notre origine et notre accomplissement, par Antoine NOUIS (Revue Réforme, N°3226, 31 mai-6 juin 2007)