Les mites de la vie spirituelle
Dans mon placard un beau costume, rangé depuis trois ans, attendait que je le porte. Or, quand je l'ai acheté, avant l'opération que j'ai subie, je n'avais pas la même corpulence. Un jour, je l'ai essayé à nouveau, mais je flottais à l'intérieur de la veste et du pantalon. Une retouche s'imposait...
Avec mon habit presque neuf je cours chez le tailleur et lui demande de "reprendre" veste et pantalon. Affaire conclue, rendez-vous dans dix
jours.
Je laisse filer le temps et retourne chez le tailleur pour l'essayage. Déconvenue ! La réparation n'est pas faite. L’artisan m'explique que mon habit tout neuf est devenu tout vieux car les
mites l'ont dévoré et qu'il ne vaut plus la peine de le mettre en état.
Ainsi s'écrit une page d'Évangile. Ne pas se faire de trésor là où la rouille peut ronger et les mites dévorer.
Mais si on réfléchit un peu plus la parabole se développe. Un tissu peut avoir un bel aspect et en même temps être proche de tomber en poussière parce qu'il est intimement ravagé par des ennemis
quasi invisibles qui ont résisté au traitement superficiel de la naphtaline.
Seul le regard expérimenté décèle l'attaque et, avant qu'il ne soit trop tard, facilite le traitement qui remédie aux assauts profonds de l'ennemi sournois.
Ainsi de l'Église. Je redoute que nombre de communautés soient mitées et miteuses, elles ont bon aspect mais ne peuvent pas subir une retouche sans risquer de tomber en poussière.
Ainsi de la vie spirituelle. Beaucoup vivent sur leur élan, participent ici ou là à des pratiques religieuses, se réunissent avec d'autres et parlent de Jésus. Mais profondément la trame et la chaîne de l'étoffe sont déjà atteintes. Ils ne peuvent plus subir une modification pour un nouveau service. Prévus pour un usage ancien, ils ne peuvent subir une adaptation à la modernité. Ils ne sont plus assez solides, leur structure intérieure rongée ne supportera aucune évolution pour aujourd'hui. On peut avoir belle allure et déjà camper au bord de la décrépitude spirituelle. Ainsi peut s'effondrer d'un seul coup ce qui paraît solide.
Cette parabole me fait souffrir et me plonge dans l'appel à la miséricorde de Dieu, avant qu'il ne soit trop tard.
Seigneur de bonté ouvre mes yeux et mon cœur à la compassion. Pendant qu'il est encore temps permets-moi de traiter mon âme et mon comportement.
Libère moi des mites gourmandes qui sapent silencieusement ce que l'on met si longtemps à bâtir.
Ce que l'on n'entretient pas par un service quotidien s'use encore plus vite...
Et il vaut mieux porter ses habits plutôt que les serrer dans une armoire...
Christian Montfalcon