Être divorcé remarié aujourd’hui

Publié le par Garrigues et Sentiers


Être divorcé remarié aujourd’hui, c’est une douloureuse banalité ; être catholique et divorcé remarié, c’est devoir jouer les équilibristes en permanence.
Je dirai pire : l’Église catholique, en ce domaine, par les objectifs contradictoires qu’elle poursuit et les paradoxes qu’elle fait subir, situe les divorcés remariés dans une pure schizophrénie.
 
* La solution préconisée d’abord par l’Église catholique, c’est l’examen d’une éventuelle nullité. Ah ! Que ce serait bien : on efface tout et on recommence ! Mais à quel reniement conduit-on ?… Veut-on gommer 10, 20 voire plus d’années construites de bonne foi et avec amour ? Doit-on aussi renier les enfants ? Doit-on les classer dans la catégorie des « enfants du péché », comme on disait autrefois ? Le droit canon a bon dos !
Ne peut-on simplement reconnaître que la vie a changé et que l’amour s’en est allé, non seulement comme sentiment, mais comme condition et support pour progresser ensemble – et en famille – sur la voie de l’accomplissement de soi ? Comme si remettre en cause un amour défaillant, et une union parfois déstructurante, nuisible, mortifère, c’était remettre en cause l’amour pour Dieu…
Certes, la fidélité à l’engagement du mariage ne doit pas être remise en cause à tous les tournants de la vie ; ce serait trop facile… Mais, à vrai dire, qui serait en mesure de juger qu’il y a, ou non, abus, et sur quels critères ? Critères moraux ou sociaux ? Qui peut avoir la légitimité d’affirmer qu’il y a lieu, ou non, d’accorder le droit de changer ?
Et puis l’Église accepte de délier ce qu’elle a lié dans de nombreux autres cas, à commencer par les engagements pris au cours de l’ordination sacerdotale ; le mariage serait-il plus indissoluble que le sacerdoce ?
Enfin, les Églises orthodoxes et protestantes admettent l’échec et donnent une nouvelle chance : seraient-elles moins fidèles au Christ pour ce motif ?
 
Ainsi, pour ceux qui refusent l’hypothèse de la nullité, il n’y a pas d’ouverture : un nouveau mariage dans l’Église catholique n’est décidément pas envisageable.
Enfin… une fois épuisée la liste des « trucs » honteux trouvés pour faire comme si !
Il y a les non mariés « religieusement » : ceux-là ont une totale virginité ! Il y a les mariés avec des non baptisés : quand on n’est marié avec « personne », tout est possible encore… Même chose pour les mariages mixtes… Paradoxe ou hypocrisie ?
 
* Il y a pourtant des chrétiens pour ne pas vouloir quitter l’Église et la vie paroissiale, chrétiens jusqu’alors souvent très pratiquants et très impliqués auxquels les paroisses ne veulent pas renoncer (le temps n’est plus ou l’on aurait pu se passer de quelques brebis, ou de tant de brebis !) À ceux-là, que dit-on : qu’il faut être en état de pénitence, car il y a eu faute… On n’est là que par la mansuétude de la communauté ; être en situation de servir d’accord, mais pas de conduire.
 
* À ceux-là, surtout, on refuse la communion. Drame pour un chrétien que d’être privé de la consommation du pain de l’eucharistie. Là est le double signe de l’appartenance au Christ et de l’appartenance à la communauté ; l’exclusion est encore plus visible.
À moins que, paradoxe ou hypocrisie, on aille communier « ailleurs », où personne ne saura votre situation de « réprouvé » de l’Église ! Ou que l’on communie « en conscience », ce qui donne à chacun le jugement sur lui-même et est en contradiction avec tout le système de l’autorité hiérarchique catholique (on devient protestant, en quelque sorte). À propos de conscience, rajoutons que l’Église accepte volontiers de renvoyer à la conscience de chacun de graves questions personnelles comme la pilule ou même l’avortement ; elle absout aussi volontiers les « crimes sociaux » (Pinochet avait-il droit à la communion ?). Ne peut-on penser qu’en sanctionnant le divorce, l’Église prend plutôt une position sur un conformisme social ? Si tel est le cas, alors le divorce est un tel fait social qu’elle n’aura même plus cet alibi !
 
Alors, pour un couple de chrétiens qui veulent rester partie prenante de la vie de l’Église et ne pas se réfugier dans une relation intime et intimiste avec le Christ, parce que cela leur semble antinomique avec leur foi telle qu’enseignée et vécue depuis les origines, il faut 3 vertus :
- la ténacité, pour s’affirmer, toujours présent et fier de l’être
- la sérénité, pour glisser sur toutes les contradictionsons
- le bonheur, pour montrer que l’amour est toujours gagnant.
Avec l’espoir que les choses changeront le plus vite possible… pour que les moins tenaces, les moins sereins, les moins doués pour le bonheur ne choisissent pas la désespérance et la fuite.
 
Danielle et Philippe MAUGER-NIZIEUX
VANVES (92)

Publié dans Signes des temps

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