À l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

Dimanche de l’Épiphanie 5 janvier 2025

Is 60, 1-6. Ps 71 (72). Ep 3, 2-3a.5-6. Mt 2, 1-12.

 

La Révélation de Dieu au monde par son Fils ne commence pas comme on pourrait s’y attendre. Les premiers avertis sont les bergers, autant dire les va-nu-pieds ! Seul Luc en parle. A l’annonce des anges, ils ne tergiversent pas :

 

« Ils vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph, et le nouveau-né dans la crèche. L’ayant vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit de cet enfant » (Lc 2, 16-17).

 

Ces « pauvres », qui dormaient dehors, étaient prêts à recevoir la Bonne Nouvelle, et ils en seront les premiers messagers.


Puis ce sont les Mages, évoqués, eux, par Mathieu. Ils sont des païens, et c’est à eux qu’est faite la Révélation, pas à Hérode. Eux étaient en recherche, en attente, capables de se mettre en route. Hérode était enfermé dans son palais et attendait qu’on vienne à lui...pour le rassurer. Lorsqu’ils auront trouvé l’enfant, qu’ils l’auront reconnu par l’offrande des cadeaux, ils repartiront par un autre chemin, ils n’ont rien à transmettre aux autorités (grands prêtres et scribes dans l’entourage d’Hérode) incapables de recevoir cette Bonne Nouvelle et même décidées à s’y opposer.

 

Ce n’est que plus tard, lors de la Purification, que Jésus sera présenté aux détenteurs de l’autorité religieuse. Il est juif et tout au long de sa vie il sera respectueux de la religion de ses pères tout en prenant ses distances pour bien marquer l’essentiel. Là encore, lors de cette présentation, on cite Syméon et Anne qui n’ont pas d’autorité mais sont pieux, « servant Dieu nuit et jour » est-il dit pour Anne. Ce sont eux qui pourront annoncer la Bonne Nouvelle, l’institution est hors champ.

Jésus retrouvera le Temple deux fois : à l’âge de 12 ans pour respecter la Loi de Moïse, puis juste avant sa Passion (d’après les Synoptiques) pour en chasser les vendeurs. Jean, qui place cet épisode comme une introduction à la mission de Jésus, façon de bien marquer comment il l’envisage, cite à cette occasion la sentence : «  le zèle de ta Maison me dévorera » (Jn 2, 17).
Ainsi Jésus s’inscrit bien dans la religion juive, dans le respect de la Loi, ce qui rend d’autant plus étonnant que la révélation de sa venue soit réservée aux bergers, sorte de parias, et aux Mages, venus du monde païen.

 

Alors les Églises seraient-elles hors-course ? La Révélation s’adresse-t-elle uniquement ou principalement à ceux qui n’en sont pas ou y sont marginaux ? La question mérite d’être posée, même si elle dérange. Rappelons-nous l’affirmation « hors de l’Église, point de salut », qu’on attribue à Cyprien de Carthage, au 3ème siècle. Si elle a du sens, elle exige de définir ce qu’on entend par Église dans ce contexte. C’est bien hors de l’institution religieuse qu’est faite la Révélation !

 

Noël nous a révélé que l’Incarnation est la façon qu’a choisie le Père pour nous sauver. Nous sommes sauvés par le Christ, cela est à la base de notre foi. Par le baptême et par l’Eucharistie (les deux sacrements qui comptent) nous devenons le Corps du Christ, c’est-à-dire fils du Père par l’Esprit du Christ qui vit en nous. C’est cela qui nous a été révélé. Mais l’Église se limite-t-elle aux baptisés, voire aux catholiques ? L’Institution, oui, mais l’annonce aux Mages est là pour nous dire que l’Incarnation concerne tous les hommes, tous les hommes sont sauvés par le Christ, qu’ils le connaissent ou non. Tous les hommes sont appelés à s’ouvrir à l’Esprit qui veut en faire des fils du Père. Quand on dit que Jésus est descendu aux Enfers (et non pas en enfer), on manifeste qu’il est venu sauver tous les hommes, juifs ou pas, puis chrétiens ou pas. Les Chrétiens ne possèdent pas toute la Vérité, qui est dans le Christ, les autres aussi peuvent accéder à une connaissance de Dieu, même en ignorant le Christ. Qui peut dire que l’Esprit leur serait refusé ? Nous, chrétiens, sommes appelés à annoncer le Christ, mais aussi à nous ouvrir à ce que peuvent nous apporter les hommes qui cherchent Dieu par d’autres voies, ou qui simplement, ignorants de Dieu, cherchent à développer leur humanité. Les Mages n’ont pas été forcés, ni même appelés à devenir de bons Juifs, ils sont partis par un autre chemin que celui qui passait par l’institution. Ils n’ont pas revu Hérode ni « tous les grands prêtres et les scribes du peuple » rencontrés à l’aller. Rien n’est dit sur leur façon de croire, seulement leur soif de connaître et leur façon de se mettre en route.

 

Le texte d’Isaïe de ce jour proclame la joie de Jérusalem qui, à l’heure actuelle, doit être la joie de tous ceux qui reçoivent la Bonne Nouvelle du Salut. N’en déplaise à certains, Jérusalem n’est plus le lieu où Dieu se tient, cf. Jésus à la Samaritaine : « crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père » (Jn, 4, 21). Si, de par son histoire, Jérusalem nous concerne, en avoir fait un lieu sacré est contraire au message de Jésus.

 

Dans l’Épître aux Éphésiens, celui qui écrit au nom de Paul nous donne le sens de cette manifestation de Dieu aux hommes :

 

« Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.»

 

Réjouissons-nous de cette manifestation de Dieu et de son Salut adressés à tous les hommes. Cela nous engage à l’annoncer au monde (comment ? c’est un autre sujet!) et à chercher, dans l’Église et hors de l’Église à nous ouvrir à la Révélation de Dieu. *

 

Marc Durand

 

* En ce début d’année permettez-moi de présenter tous mes vœux à vous, lecteurs. Que la joie et l’espérance célébrées en ce jour de l’Épiphanie nous habitent pour les offrir au monde, au travers de toutes les vicissitudes qui nous attendent. 
Car cette année s'annonce sombre pour bien des populations. Déjà ici en France, vous et moi sommes des privilégiés ; le fait que mes lecteurs - s'ils me lisent - et moi soyons tous des privilégiés pose déjà question, est-il possible de s'adresser aussi aux "pauvres"? Pourquoi mes textes ne peuvent pas les intéresser, les concerner ?
Mais combien vont souffrir ! Les "pauvres" sont, comme toujours, la variable d'ajustement des politiques... Cette année, de plus, avec la connivence Justice-Intérieur (une première depuis la sortie de la guerre) ce sont tous les discriminés qui vont en prendre plein la figure, demandeurs d'asile, Roms, sans-papiers, étrangers qui doivent régulièrement redemander leurs autorisations de séjour, chômeurs (ces "profiteurs" qui "ne savent ou ne veulent pas travailler"!). Alors je vous souhaite, je nous souhaite une bonne année de travail pour essayer de les aider, de les aimer.

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G
La pauvreté est un problème théologique et politique complexe particulièrement dans notre pays ou la réversion des revenus est à nul autre pareil avec les piliers : santé-éducation gratuites, mais au lieu de discourir avec des généralités je vous propose deux exemples concrets de pauvreté, en lien direct avec mon expérience.<br /> 1° une population gitane dans mon quartier : elle vivait dans une cité d'urgence qui avait perduré, depuis deux ans elle a été transférée dans une très belle cité sur la colline, vue sur la mer imprenable et plein soleil. Cette population vit des allocations+ des trafics en tous genres ( drogue, ferraille, des vols) les riverains de la cité se plaignent de "disparitions", j'ai moi-même pu constater le vol récurrent des plaques d'égouts (qui ne peuvent plus être remplacées !) et qui peuvent être des causes d'accidents de personnes et de véhicules: souvent invisibles dès la nuit tombée.<br /> 2° en marchant le long d'un bd d'Aix-en-provence j'ai été interpellé par un homme qui m'a demandé de l'écouter, il y avait un tel désespoir dans cette voix que je me suis arrêtée, il proposait la vente de bonbons des Vosges, en fait il s'agissait d'un artiste de cirque ( petits cirques ambulants qui traversent les villages de France), ce cirque a fait faillite car ils avaient quelques animaux et la vox populi les a empêché de travailler en créant des émeutes à chaque spectacle, il me dit " on aimait nos animaux et nous avons été obligés de s'en séparer. mais même après nous n'avons plus travailler. Pour avoir hébergé chez moi des artistes de cirque je sais la qualification qu'exige ce genre de travail. Cet homme est réduit à la quasi mendicité car mystère de la pile de nos allocations-indemnités il n'a droit à rien.<br /> 3°une jeune femme éducatrice spécialisée que j'ai bien connu traverse une mauvaise passe à cause de son divorce, elle se retrouve seule avec deux enfants et se résigne à aller voir une AS pour bénéficier d'une aide pour une période donnée. Elle travaille, elle gagne 1500e/mois. Dans la salle d'attente elle rencontre une jeune femme et elles discutent de leurs situation réciproque pour faire court je vous donne la conclusion que m'a rapporté l'éducatrice " comme je travaille je n'ai pas eu droit à une aide mais par contre l'autre femme qui ne travaille pas, seule avec deux enfants m'adit que je ne savais pas me débrouiller, car elle sans jamais travailler dispose de revenus aides diverses+allocations de 2000e et comptait bien recevoir une nouvelle aide !"<br /> <br /> je voudrais attirer l'attention sur le mot pauvre qui recouvre des situations concrètes très différentes et qui donne lieu à des interprétations-exploitations idéologiques, politiques très différentes et qui alimente des affrontements politiques qui impactent la société dans son ensemble, notamment avec le rejet sans nuances des migrants. <br /> <br /> Christiane
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