Un petit chaperon rouge iranien
Une fresque énigmatique
En cette fin d’année remplie de bouleversements je vous propose un photomontage à partir d’une œuvre de Street Art d’un artiste qui signe « Little chaperon rouge », sur les murs de Paris dans le 20e arrondissement, auquel une main anonyme a ajouté le slogan de la révolte des femmes iraniennes ; enfin Catherine Barra a réalisé le collage, sur la photo du mur, de la forme d’Ahou Daryaei.
Comment déchiffrer le sens du tableau réalisé : qu’est-ce-qui se donne à lire dans cet ensemble disparate : un dessin, une inscription, un collage ?
Little chaperon rouge a dessiné une frêle jeune fille accoutrée d’oripeaux bleu-blanc-rouge porteuse d’un bonnet phrygien (1) armée d’une lance, accompagnée d’un loup immense qui incarne une force sauvage. À rebours du conte de Charles Perrault il protège le chaperon rouge. Contre qui ? Un sens révolutionnaire se dégage des éléments choisis mais de quelle révolution parlons-nous ? À n’en pas douter il s’agit de la révolte des femmes iraniennes dont le slogan : « Femme, vie, liberté » connu du monde entier prend place sur le mur. Troisième élément, l’ombre d’Ahou Daryaei, dernière incarnation des révoltées iraniennes. Cette jeune femme dévêtue, celle qui a ôté ses vêtements lorsqu’elle a été agressée à l’université Azad de Téhéran par la police des mœurs, pour voile mal porté (2).
Déchiffrer la fresque
Une logique se déploie écrite avec ces symboles.
La révolte des femmes iraniennes a accouché d’une révolution qui a contaminé l’ensemble de la société, si cette révolution progresse elle n’a pas encore renversé le régime théocratique chiite iranien. Nous le savons les Iraniens descendent dans les rues de la capitale et crient leur détestation du régime en place : la foule iranienne est-elle représentée par la force sauvage du loup ?
Nous aurions tendance à le croire, la destinée des révolutions, leur possible aboutissement pacifique ou sanglant n’est pas toujours prévisible. Des forces vont à l’affrontement, celles du régime qui joue sa survie avec la branche armée des Gardiens de la Révolution contre celles de d’opposition, ses différents courants peuvent-ils s’unir et créer une force déterminante qui fasse autorité sur l’ensemble de la population : le loup sera-t-il maîtrisable ? Tel que représenté le loup ne nous invite pas à y croire, la vengeance et le ressentiment peuvent se déchaîner et prendre le pas sur la Justice, d’autant plus que le régime des Ayatollahs, loin de jouer la carte de l’apaisement n’arrête pas les pendaisons contre les opposants.
Du sens artistique au sens politique
La révolution iranienne est en marche, l’effondrement de l’arc chiite des « proxis » de l’Iran, Hamas – Hezbollah libanais – Syrie crée une opportunité pour les opposants : il leur reste à démontrer qu’ils peuvent passer d’une révolte culturelle à une nouvelle organisation politique de la nation iranienne : si l’énigme artistique est déchiffrée, elle ouvre sur l’énigme politique !
Christiane Giraud-Barra
(1) Depuis l’époque romaine le bonnet phrygien symbolise l’affranchissement de la servitude, il a été porté par les Révolutionnaires français.
(2) Son tour du monde sur les réseaux sociaux l’a protégée car après un bref séjour en clinique psychiatrique elle a été libérée et aucune plainte n’est requise contre elle. Le régime fait preuve d’une mansuétude exceptionnelle car : « elle est malade » !