Inauguration de Notre Dame en la fête de l’Immaculée Conception*

Publié le par Garrigues et Sentiers

Depuis quelque temps les informations nous bassinent avec la réouverture de Notre Dame, à Paris. Le statut de cet édifice est particulier. Édifiée du 12ème au 14ème siècle, elle est un symbole de la grandeur de la France, bâtiment mondialement connu. Elle est l’œuvre du peuple de France et à ce titre il est normal que l’État la considère comme sienne. Les Français, croyants (bien peu) ou non sont les « descendants » (au sens figuré) de ces bâtisseurs, l’édifice leur appartient. Alors sa destruction a été une catastrophe nationale et le monde entier a ressenti ce que la France a subi. La réaction du chef de l’État a été la bienvenue, nous ne pouvions pas abandonner ce symbole de ce que nous sommes, ni envers nous ni à la face du monde. Il s’est engagé à ce que l’édifice soit remis en état dans les cinq ans et cette promesse a donc été tenue. Le Président est très fier et se désigne comme le leader ce cet exploit.

 

Petite difficulté : pour bien marquer la laïcité de l’État il a été décidé que celui-ci ne donnerait pas un sou, seules les contributions privées seraient sollicitées. Mais alors quelle légitimité a le Président pour s’estimer le maître d’œuvre de cette réhabilitation ? Si le bâtiment est un symbole de la grandeur de la France, ce sont bien les pouvoirs civils qui devaient d’abord contribuer aux dépenses ! Le peuple a participé, mais justement en dehors des institutions qui le gouvernent. Cette réhabilitation est l’œuvre du peuple, hors ses représentants. Ils n’ont aucune légitimité lorsqu’ils prétendent que c’est leur œuvre ! A vouloir être bêtement laïque (1), la République s’est mise hors jeu.

 

Il est aussi une autre petite difficulté. Les pouvoirs publics n’ont de cesse d’insister sur le fait qu’il s’agit de la « cathédrale » de Paris, d’où son importance. Mais être cathédrale est du ressort de l’Église catholique, rien de plus. Le bâtiment, cathédrale ou pas, appelé Notre Dame ou pas, est confié à l’Église pour son culte, point. Pour le reste l’État est hors jeu. S’il a estimé devoir refuser toute contribution au nom de la Séparation, comment peut-il parler de « cathédrale » en lui donnant tout son poids qui, à ce titre, est strictement du ressort de l’Église catholique ? Il semble bien qu’on assiste là à un retour du sacré...laïque et républicain. Cet édifice est sacralisé, tous les détails qu’on nous donne sur sa reconstruction ne sont pas tellement destinés à nous faire admirer telle ou telle technique, mais à nous faire pénétrer dans une œuvre et une démarche sacrées, laissant de côté tout ce qui est du ressort de la foi alors que la destination du bâtiment est bien d’être un lieu d’expression de la foi. Le Président peut alors arpenter « sa cathédrale » en se pensant grand-prêtre du sacré. Ne nous laissons pas égarer par ces palinodies.

 

Et rappelons que cette cathédrale s’appelle « Notre Dame ». La première église de France, la cathédrale de Paris, est dédiée à Marie, sous un vocable un peu pompeux, « Notre Dame », rappelant que Marie est pour nous la personne centrale dans l’économie du salut. Dans le flot d’informations écrites, parlées, télévisées sur le sujet, personne ne signale qu’elle ré-ouvre pour la fête de l’Immaculée Conception. Cela nous oblige à mieux cerner le sens de cette fête afin que cette « inauguration » de « Notre Dame » ait un retentissement dans nos vies de foi.

 

Oublions les termes d’un dogme qui s’appuie sur la notion de péché originel, inventée par Saint Augustin pour se sortir des apories où le menait sa conception du mal. Ce qui reste est l’affirmation que Marie ne participe pas au péché du Monde, que par sa fidélité sans faille, par sa disponibilité, elle a manifesté qu’elle était sans tâche. Il me semble que cela est reconnu par tous les chrétiens. Mais pourquoi cette situation privilégiée ? Et pourquoi la louer ainsi pour cela ? L’Immaculée Conception ne peut se comprendre que dans le « plan de Dieu ». L’étoile qui nous guide, c’est l’Incarnation. L’Immaculée Conception est la première pierre de l’édifice. On doit y ajouter l’Annonciation, racontée dans un texte lumineux, d’une simplicité désarmante : « je suis la servante du Seigneur », et tout est dit. Ces deux fêtes mariales sont bien différentes de toutes les autres qui célèbrent Marie pour telle ou telle raison. L’Immaculée Conception et l’Annonciation sont les deux étapes nécessaires à la venue du Christ parmi nous. Nous sommes appelés à célébrer l’amour de Dieu qui veut s’incarner parmi nous, nous le faisons la nuit de Noël mais en fait c’est la même réalité que nous célébrons le 8 décembre et le 25 mars, en y associant Marie. Il est heureux d’ailleurs que le 8 décembre se trouve pendant la période de l’Avent, le temps qui nous appelle à méditer le phénomène inouï de la venue de Dieu parmi nous et à l’appeler alors à vivre en chacun de nous.

 

Ces deux fêtes sont liées à la Nativité, qui prend sens dans la Parousie contée dans l’Apocalypse. L’évangile ne peut être lu qu’à la lumière de cette « fin des temps ». L’Incarnation n’aurait pas de sens sans la Parousie. Dieu vient parmi nous pour nous emmener avec lui comme ses fils, il ne s’agit pas d’une simple visite pour nous révéler sa bonté, son amour, pour nous convertir. Marie est présente dans cette économie du salut, depuis sa naissance jusqu’à la « fin du monde ». Née immaculée, c’est-à-dire dans le pur amour de Dieu (elle a probablement dû faire bien des efforts pour rester ainsi fidèle), elle a été sollicitée par l’ange de l’Annonciation, puis au pied de la Croix. On la retrouve encore à la naissance de l’Église, et enfin l’Apocalypse, en l’identifiant à l’Église, le célèbre au moment de la Parousie. Notre vie de foi est accompagnée tout au long par cette présence de Marie. Elle marche avec nous pour nous permettre de suivre son Fils.

 

Ainsi, l’« inauguration » de Notre Dame, ce 8 décembre, sera une fête de louange à Dieu qui a voulu visiter son peuple pour l’attirer à lui, une reconnaissance du rôle essentiel de Marie dans cette marche vers lui. La cathédrale Notre Dame est pour nous, catholiques français, la pierre, en dur, très concrète, sur laquelle nous bâtissons notre reconnaissance de l’amour que Dieu nous a manifesté en venant parmi nous ainsi que notre prière avec Marie sur ce chemin. Pour tous les chrétiens elle peut aussi rester ce symbole, protestants, orthodoxes, catholiques, nous sommes les descendants de ceux qui, avec leur foi de l’époque, ont bâti cet édifice.

Et pour tous les autres, cette cathédrale peut être le signe d’une spiritualité qui nous transcende tous.

 

Marc Durand

 

* Je ne pensais pas écrire un commentaire pour cette fête mariale, mais le déferlement d’informations sur une inauguration qui occulte l’essentiel pour nous m’a incité à rédiger ces quelques lignes.

 

(1) Je suis farouchement laïque et partisan de la Séparation. Cela n’interdit pas de réfléchir quelque peu et de reconnaître qu’il est des domaines où la République, laïque, et l’Église Catholique sont quelque peu imbriquées. Et cela ne peut nous offusquer, les catholiques, eux aussi, sont des citoyens que l’État doit considérer comme il doit considérer et reconnaître bien d’autres regroupements, tout en restant libre vis-à-vis d’eux, et sans s’immiscer dans leur fonctionnement.

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