A l'écoute de la Parole de Dieu
Le Christ roi de l'univers 24/11/2024
Dn 7, 13-14 ; Ps 92 (93) ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33b-37
Ces mots de Roi, royauté, règne nous gênent aujourd'hui alors que nous sommes depuis longtemps en République, à tel point que dans ma paroisse, à la fin du Notre-Père, au lieu de dire « A toi appartiennent le règne, la puissance et la gloire pour les siècles des siècles » nous disons : « car tu es la Vie, l'Amour, et la Joie jusqu'à la fin des temps », une petite entorse à la liturgie dogmatique mais qui nous rapproche singulièrement de Dieu.
Le prophète Daniel introduit le terme de « Fils de l'Homme » qui sera repris par Jésus pour se désigner lui-même. Il en est de même pour le terme de « royauté », Daniel signale une « royauté qui ne sera pas détruite », Jésus dira que son « royaume n'est pas de ce monde ».
Jésus se défend d'être appelé roi. Il s'est toujours défendu d’être proclamé roi au sens où les gens comprennent ce terme c’est-à-dire un monarque avec des sujets, des esclaves, une armée pour le défendre et un pouvoir terrestre sur le peuple« Si ma royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux juifs » dira-t-il à Pilate.
Après la Multiplication des Pains de l’Évangile de Jean, Jésus s’enfuit tout seul dans la montagne car la foule voulait le faire roi (Jean 6,15). En cela, Jésus suit la ligne des prophètes. Ainsi dans le premier livre de Samuel, le peuple demande un roi comme il y en a dans toutes les nations, pour se croire sécurisé et pour manifester sa puissance aux yeux du monde. Mais il rejette ainsi les patriarches, Moïse, les juges et surtout la protection et le soutien de Yahvé.
Jésus n'utilisera jamais pour lui-même ce titre de roi. Même les légions de démons diront de lui « Tu es le saint de Dieu ». Jésus se définira toujours comme le « fils de l'homme ».
Donc cette royauté est présentée comme une royauté très différente d’une quelconque royauté terrestre, c’est une royauté projetée dans l’Éternité, en cela elle est universelle et se comprend en terme de vérité.
Cette royauté prend sa source dans la mort et la Résurrection de Jésus, elle est faite d’un amour absolu pour l’humanité, un degré d’amour jamais atteint par aucun être humain sur cette terre ni par aucun souverain de toutes les nations et qui ne sera jamais atteint par personne dans les siècles à venir.
Pourtant les apôtres même après la Résurrection ne comprendront toujours pas :
Actes 1,6 « Seigneur est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir la royauté en Israël ? » demanderont-ils à Jésus.
A la question de Pilate « Es-tu le roi des juifs ? » Jésus ne refuse pas ce titre qui pour lui est exact dans sa dimension de Vie Éternelle mais il veut savoir si Pilate en a l’intuition ou s’il répète l’information que lui ont transmis ses subalternes. Aussi lui demande-t-il : « Dis-tu cela de toi-même ou bien parce que d’autres te l’ont dit ?» Dans le « Est-ce que je suis Juif moi ? » Pilate répond qu’en fait n’étant pas juif il ne peut avoir l’intuition de cette royauté.
Jésus tente alors d’aider Pilate à entrevoir que cette royauté n’est pas d’ordre humain : « Ma royauté ne vient pas de ce monde.. »
Mais le niveau d’intériorité de Pilate ne peut s’élever jusque là. Il tourne autour d’une royauté terrestre et s’enfonce davantage dans son erreur : « Alors tu es roi ? »
Jésus fait alors une dernière tentative : « C’est toi qui dit que je suis roi » c’est-à-dire l’image que tu te fais de la royauté ne correspond pas à la mienne.
Jésus décrit alors son parcours comme le ferait le plus simple des mortels : « je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité » refaisant ainsi le chemin inverse d'une royauté terrestre. Il n'est pas venu pour revendiquer une couronne royale et devenir un des puissants de ce monde mais pour rendre témoignage à la vérité, il se dira porteur de cette vérité « je suis la vérité » cette vérité qui est sa mission sur terre.
Cette dernière Parole nous invite à nous demander : Faisons-nous quelquefois mémoire en nous-mêmes du sens de notre vie ? Nous posons-nous la question : Pourquoi sommes-nous là sur cette terre, dans quel but, pour quelle mission, pour quel avenir qui franchit le passage de la mort ?
Le texte d’Évangile ne va pas jusqu’à la célèbre question de Pilate : « Qu’est-ce-que la Vérité » ? à laquelle Jésus ne répondra pas car pour rendre témoignage à la vérité il doit passer par la mort qui le conduira à la Résurrection et il ne peut dire ça à Pilate qui tente de le sauver.
La vérité pour Jésus ce n'est pas le réel de cette terre mais le réel de la transcendance, un réel qui défie la mort mais qui prend racine dans le concret de ce monde.
Le Christ consent à cette mort la plus infamante et la plus cruelle de la crucifixion pour témoigner de cette Vérité de la Résurrection par amour pour l'humanité. En cela il devient roi dans le sens le plus profond pour sauver son peuple du péché, le peuple des humains, cette royauté étant une royauté spirituelle.
Nous posons-nous la question de savoir où se situe notre vérité ?
Recherchons-nous inlassablement dans nos vies à atteindre cette vérité ultime de l’amour ? Car cette vérité c’est jour après jour qu’il nous faut la rechercher, elle n’est jamais acquise une bonne fois pour toutes. Et nous devons souvent nous remettre en question.
Et comment rendons-nous témoignage à cette vérité de l’amour ? Souvenons-nous que par notre baptême, nous sommes tous appelés à devenir prêtres, prophètes et rois, de cette royauté à la manière du Christ en devenant serviteurs par amour des plus petits, des plus démunis, des plus méprisés car notre vie peut être donnée jour après jour en pratiquant le partage, la solidarité, en œuvrant dans le sens de la Paix et de la justice.
Réjouissons-nous en ces temps de violence, de guerre, de rejet de l'autre d'appartenir aux forces d'amour qui sont vraiment celles du règne de Dieu. Comme dit le psaume : « le Seigneur a revêtu sa force...dès l'origine ton trône tient bon...tes volontés, Seigneur sont vraiment immuables, la sainteté emplit ta maison pour la suite des temps. »
La fête du Christ-roi s'ouvre sur les dimanches de l'Avent dans l'attente de l'incarnation de ce Dieu qui s'est fait simplement homme sous les traits d'un nouveau-né.
Christiane Guès
AELF - Messe - 24 novembre 2024
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