« Choses vues (ou entendues) 16 : Dieu bénit-il les intégristes ?
ll y a chez les intégristes, quelle que soit leur religion, deux choses qui étonnent et, à vrai dire, semblent profondément illogiques.
1. S’ils veulent, dans leur cas par la force, imposer leur dieu à tous, c’est qu’ils pensent qu’il est le meilleur, le plus grand, qu’il faut non seulement lui obéir sans tergiverser, mais encore l’aimer jusqu’à la mort (en l’occurrence celle des autres)… Mais est-ce bien la meilleure manière pour convaincre de le suivre que d’emprisonner, torturer ou tuer ceux dont on aurait voulu, peut-être, faire des adeptes ? Les victimes vont-elles adhérer de tout cœur à un dieu qui est pourtant dit « miséricordieux », mais si l’on en croit le comportement de ses séides, n’est qu’un juge inflexible, un peu pervers, et finalement rabaissé au rôle de surveillant pénitentiaire de ses fidèles ?
2. Si leur dieu est le tout puissant qu’ils révèrent, n’est-ce pas lui faire injure que de prétendre se substituer à sa justice ; de manquer de confiance en sa force au point de ne pas lui laisser la liberté de régler ses comptes lui-même en confondant et punissant ceux qui contreviennent à ses lois ? Rappelons en outre que celles-ci sont généralement écrites par des hommes, donc forcément transposées dans leur culture du moment, et qu’il est peut-être un peu prétentieux de les interpréter de façon définitivement absolue.
Je n’ai pas assez lu le Coran pour savoir ce qu’il en est dans l’Islam, mais pour le christianisme, il y a des exemples où des disciples voulant faire un zèle excessif sont remis à leur place par un homme de Dieu.
Dans l’Ancienne Alliance déjà : «Deux hommes étaient restés dans le camp ; l’un s’appelait Eldad, et l’autre Médad. L’esprit reposa sur eux [et] ils se mirent à prophétiser. Un jeune homme courut (l’)annoncer à Moïse […] Josué, fils de Noun, auxiliaire de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole :’Moïse, mon maître, arrête-les !’ Mais Moïse lui dit : ‘Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes !’ » (Livre des Nombres 11, 25-29).
Quant à Jésus, lorsqu’il envoie ses disciples annoncer la « Bonne nouvelle », c’est avec des instructions précises : « Lorsqu'on ne vous recevra pas et qu'on n'écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds » (Mt 10, 14). Ils doivent donc passer leur chemin sans représailles contre les impénitents. Bien plus, « (sur) la route de Jérusalem, (Jésus) envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir […]. Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : ‘Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ?’ Mais Jésus, se retournant, les réprimanda ». (Lc 9, 51-56). Alors se posent des questions, dont celle-ci : les disciples en Samarie, les « Croisés », les Inquisiteurs, tous les « fous de Dieu »… ne cherchent-ils pas, avant tout, consciemment ou non – car, malheureusement, ils peuvent être sincères – un pouvoir ? N’est-ce pas en contradiction avec les « desseins » du Créateur ? Car Dieu, en créant l’homme « à son image », lui a abandonné l’essentiel de son pouvoir en lui confiant ce qui le caractérise lui : la Liberté.
Jean-Baptiste Désert