À l'écoute de la Parole de Dieu
27ème dimanche du temps ordinaire 6/10/2024
Gn 2, 18-24. Ps 127 (128). He 2, 9-11. Mc 10, 2-16
À première vue les textes de ce jour sont choisis pour conforter l’indissolubilité du mariage, il y a là un relent d’utilisation « politique » de la liturgie. Nous laisserons cela aux disputes entre canonistes, l’Écriture est un tout, situé culturellement parmi les mille années qui ont précédé le Christ. On ne peut jamais à partir d’un ou deux petits textes décider d’une discipline de façon autoritaire. La question est bien trop sérieuse pour être traitée par quelques phrases définitives, qui ont de plus le défaut d’occulter la richesse de ces textes.
Mais il y a bien autre chose dans ces textes. Le centre en est peut-être l’épître, tirée de la lettre aux Hébreux. Là encore, ne nous laissons pas aveugler par l’évocation de la nécessité de la souffrance, voulue par Dieu. L’auteur de cette lettre, qui est bien postérieur à Paul, est certainement un personnage très « classique » et pétri de la culture juive du temps : Dieu « tout-puissant » envoyait de la souffrance pour corriger son peuple. Cette vision est à rebours de la démarche de Jésus qui apporte la joie, « je vous ai dit ces choses afin que ma propre joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite » (Jn 15, 11).
Revenons aux textes. L’épître nous présente Jésus couronné de gloire à cause de sa Passion et de sa mort. C’est le mystère pascal qui est au cœur de la personne de Jésus, qui est alors « à l’origine du salut ». Cela lui permet de faire de nous ses frères, car Dieu « voulait conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire ». C’est à la lumière de la personne de Jésus, de sa relation à nous devenus ses frères « par grâce de Dieu », que les autres textes peuvent être lus.
Le passage de la Genèse nous annonce le don de Dieu : toute la création. « L’homme donna donc leurs noms à tous les animaux », ce qui signifie qu’ils lui ont été donnés. Puis Dieu donne son humanité à l’homme. Adam, terme générique pour dire « l’humain », est incomplet. L’humain doit être relation comme Dieu est relation. D’où la création d’Ève à partir de la chair d’Adam, c’est dire à quel point ils sont liés, mais différents, ish et ishsha. L’homme (le mâle) ne sera plus seul, dépendant de son père et de sa mère qui ne peuvent être cet « alter ego » qui fait relation avec lui, mais il s’attachera à sa femme. Il est alors relation, cette relation fonde leur humanité, et donc ils ne feront qu’un.
Le psaume chante ce don de Dieu qui fait le bonheur des hommes, bonheur comme le concevaient les personnes de ce temps. Mais là encore il faut dépasser la simple description d’une famille parfaite qui fait le bonheur du père. La vigne généreuse, les plants d’olivier sont le signe de la fécondité, la vigne et l’olivier sont les deux plus importantes cultures du pays qui lui donnent vie (1). Le bonheur de l’humanité est d’être féconde, d’engendrer avec Dieu. Le couple, parce qu’il est relation de l’un à l’autre, est capable d’engendrer de la vie, en tous les sens du terme (pas uniquement biologique).
Dans l’évangile nous est contée une nouvelle diatribe entre Jésus et les pharisiens. Jésus ne répond pas à leur question qui était sans intérêt mais un simple piège. Il en profite d’une part pour dépasser la loi de Moïse sur la répudiation. Elle tempérait la pratique très injuste qui permettait à un homme de se débarrasser de sa femme dans une civilisation où la femme avait une statut inférieur. En donnant un acte de répudiation, on lui permettait de recommencer une nouvelle vie, elle était en règle, mais de fait abandonnée. Jésus condamne donc cette pratique. Mais il ne se contente pas d’interdire cette répudiation (le divorce par consentement mutuel n’avait pas été inventé!), il en profite pour remettre Dieu au centre. C’est Dieu qui a permis à l’humain de s’humaniser en devenant relation, c’est Dieu qui en a fait un couple, alors ne détruisons pas l’œuvre de Dieu, le don essentiel de Dieu. Ne renvoyons pas l’homme ou la femme à sa solitude dans l’absence de la relation qui est au cœur de leur être. Ce don de Dieu est bien trop précieux.
Puis il précise, en mettant sur le même pied l’homme et la femme (ce qui n’était pas le cas de la question des pharisiens) : celui ou celle qui a renvoyé l’autre pour en prendre un ou une autre devient adultère, c’est dire l’importance de protéger le don de Dieu.
Enfin on change de sujet, du moins en apparence. De même que Jésus a profité d’une dispute avec les pharisiens pour remettre Dieu au centre de ce qui fait nos vies, de notre être d’hommes et de femmes, il termine cette séquence en nous rappelant que tout cela, qui dépasse la loi de Moïse, a du sens parce que le Royaume de Dieu est là, et que nous devons l’accueillir. Jésus est dans l’économie du Royaume, c’est à partir de la venue du Royaume que son enseignement prend sens.
Marc Durand
(1) Il est caractéristique que lorsque les colons israéliens veulent chasser les Palestiniens de leurs terres, ils arrachent vignes et oliviers, ce qui, dans cette contrée, est signe de mort.