A l'écoute de la Parole de Dieu
22ème dimanche du temps ordinaire
Dt 4, 1-2.6-8 ; Ps 14 (15) ; Jc 1, 17-18.21b-22.27; Mc 7, 1-8.14-15.21-23.
Les textes de ce dimanche nous invitent à méditer sur le sens et la pratique de la Loi. Rappelons que Jésus n’est pas venu « abolir », mais « accomplir » la Loi, « tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé » (Mt 5, 18). Mais rappelons aussi Paul qui remplace la Loi par la Foi, les œuvres ne pouvant pas nous sauver. Nous devons nous immerger dans ces contradictions pour découvrir (enlever la couverture pour approcher la vérité) ce qu’il en peut être.
Le peuple d’Israël, installé dans la vallée de Péor, s’apprête à pénétrer en terre promise, c’est le moment pour Moïse de lui annoncer la Loi de Dieu qui doit lui permettre de vivre. C’est toujours la vie que Dieu veut donner, la Loi est justifiée parce qu’elle donne la vie. Le peuple doit choisir qui il veut suivre, c’est la demande que leur fera Josué un peu plus tard, à Sichem, à la fin de la conquête (Josué chapitre 24). Cela était relaté dimanche dernier. Pour le moment déjà, ceux qui se sont tournés vers le Baal de Péor ont « été exterminés d’au milieu d’eux ».
La Loi forme un tout qu’il faut mettre en pratique, elle est leur « sagesse » et leur « intelligence ». Elle n’est pas faite d’un amas de prescriptions destinées à corseter la vie, elle est un chemin de libération offert par Dieu « qui est proche de nous ». On comprend l’attachement des Juifs à la Torah et la colère de Jésus au vu de ce que certains en avaient fait.
Le psaume célèbre celui qui se conduit selon la Loi. « Il fait ainsi demeure inébranlable ».
Jacques rappelle à ses frères que les vrais dons viennent d’en haut, la Parole est don de Dieu qui « a voulu nous engendrer pas sa parole de vérité ». Et manifestement il pense à la Parole de Dieu qui donne la Loi : « Mettez la Parole [la Loi] en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter ». Et il donne deux exemples : la charité et se garder sans tache au milieu du monde.
Tout au long de son Épître, Jacques insiste sur la nécessité des œuvres pour être sauvé, ce qui semble l’opposer à Paul pour qui la Foi seule nous sauve. En fait la contradiction n’est qu’apparente. Jacques met en cause une foi qui ne serait pas suivie des œuvres, elle serait vaine en ce sens qu’elle serait fausse. Alors il pousse l’expression au plus loin en osant écrire : « c’est par les œuvres que l’homme est justifié et non par la foi seule » (Jc 2, 24). Mais dans tout ce texte il maintient la nécessité de la foi. Il écrit que c’est par les œuvres que la foi d’Abraham « fut rendue parfaite … et cela lui fut compté comme Justice». On sent l’opposition à Paul qui insiste sur la foi seule : « Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas par les œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier » (Eph 2, 8-9) (1). On ne peut nier une certaine opposition, les expressions sont différentes, mais le cœur reste le même : la Loi (mais laquelle?) est don gracieux de Dieu nous permettant de vivre notre foi par laquelle nous sommes sauvés.
L’Évangile vient alors à point nommé pour remettre les pendules à l’heure sur la Loi. Les Pharisiens étaient des hommes pieux dont Jésus était probablement assez proche. Ce n’étaient ni les Sadducéens, ces riches mécréants, ni la caste des Grands Prêtres dont le pouvoir et la richesse étaient dominants. Ceux-là auront Jésus au tournant, quand ce sera le moment, et ils ne le rateront pas, ils ne viendront pas ergoter sur les lavages de mains.
Les Pharisiens étaient ces hommes pieux, bons Juifs, qui s’attachaient à respecter la Loi, mais quelle Loi ? Ils oubliaient la loi d’amour, la seule qui intéresse Jésus, pour appliquer les règles ajoutées et surajoutées au fil des siècles. Ces règles étaient tout sauf libératrices, elles élevaient des carcans qui s’imposaient au peuple, cela au nom de la Tradition. Comme le dit Jésus, « les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains ». Ils étaient de bonne foi probablement quand ils pensaient que Jésus marchait hors des clous, ils en étaient scandalisés. Alors ils en ont un peu rajouté pour être certains de mettre Jésus en difficulté et le contraindre à rentrer dans la tradition. D’où l’invective de Jésus qui les traite d’hypocrites. Ils n’avaient même pas la foi sans les œuvres, comme le craignait Jacques dans son épître, ils avaient le culte, la religion, sans les œuvres, et donc sans la foi. Ils étaient dans les croyances qui devaient les sauver, pensaient-ils.
...Toute comparaison avec des personnes, des groupes actuels serait bien évidemment un fruit du hasard…Qui d’entre nous peut ne pas se sentir un peu visé ?
Pour terminer, Jésus nous avertit. Ce qui compte, c’est ce qui sort de nous, ce que nous produisons. Quant à lui, il a été clair, la Loi, ce sont les deux premiers commandements, l’amour du prochain ancré dans l’amour de Dieu. Ce n’est pas rien. Il n’y a pas que les chrétiens ou les Juifs qui sont appelés à aimer leur prochain. Dans les grandes religions ou sagesses on trouve des exhortations constantes à aimer l’autre, à recevoir le malheureux, l’exclu. La différence est que c’est dans l’amour de Dieu que nous aimons les autres (quand nous les aimons!), c’est l’amour de Dieu qui est en nous qui aime notre prochain. Quand on y réfléchit, on ne peut qu’être confondu : Dieu, le Tout Autre, vient en nous pour nous permettre d’aimer le prochain en vérité.
C’est toute la Loi dont on ne retirera « pas un iota, pas un tiret ».
Marc Durand
(1) En fait il s’agit d’une « disputation » entre les disciples de l’un et de l’autre, tant l’épître de Jacques que celle aux Éphésiens n’ont pu être écrites par les deux Apôtres, mais bien plus tard par des disciples.