La parole (ou le silence) des évêques

Publié le par Garrigues et Sentiers

Nos évêques semblent bien silencieux. Peut-être s’expriment-ils quelque part, mais d’ordinaire il n’est pas besoin de chercher pour les entendre !

Quand il s’agit de l’avortement ou de la fin de vie, on les entend ad nauseam. Et pourtant, à ma connaissance, l’évangile n’en parle pas. Il s’agit de positions morales construites par eux, je ne discute pas leur valeur, mais il me semble que cela n’a pas la même force que les appels de l’évangile.

Quand il s’agit de défendre « l’école libre », ou de s’opposer au mariage pour tous, non seulement ils parlent, mais ils appellent à manifester, ils tancent les fidèles qui ne les suivraient pas bien.

« On ne fait pas de politique » dites-vous. Sauf quand il s’agissait d’interdire aux catholiques de voter communiste... voire socialiste. Et s’opposer à la montée d’un fascisme est-ce « faire de la politique » ? Quand vous participez aux débats de société, vous faites de la politique.

Et là il ne s’agit que de la démocratie, rien que ça ! Eux qui serinent sans cesse la « doctrine sociale de l’Eglise », notion théologique fort discutable, ne pensent-ils pas que la démocratie concerne notre société ?

Il s’agit aussi des valeurs fondamentales de notre société, celles issues directement, elles, de l’évangile. L’attention aux plus pauvres, aux exclus, l’accueil de l’autre, bref ce qu’un certain Jésus appelle l’amour du prochain.

Alors quand tout cela est en cause, ils font profil bas !

Qu’est-ce qui les retient ? Nous ne pouvons pas leur faire l’injure de les taxer de « rassemblement-nationalisme », quoique... certains... pas loin de chez nous... Alors je pense que ce qui les retient est qu’ils ne veulent pas injurier l’avenir. Ils se préparent à devoir compter avec le RN, voire à coopérer. Pour les autres élections, le danger n’était pas imminent, alors ils osaient parler, mais maintenant il faut aussi du courage et de la rigueur.

Ils devraient se souvenir de la position de l’Église catholique allemande lors de l’accession de Hitler au pouvoir, dans les urnes lui aussi, donc légalement. Heureusement qu’il y a eu l’Église protestante (mais pas toute) pour sauver l’honneur. Niemoller, Barth, Bonhöfer sont des noms qui ont sauvé le christianisme. Ils devraient se souvenir des atermoiements de Pie XII pendant la guerre... il voulait protéger les catholiques allemands. Alors, dans cinquante ans, leurs successeurs viendront demander pardon, humblement comme chaque fois !

Je crains qu’une autre raison retienne la parole des évêques. Quelle proportion de catholiques pratiquants votent pour le RN ? Et combien, qui n’aiment pas trop le RN, préfèrent cependant que celui-ci vienne au pouvoir plutôt que la gauche ? Quant au jeune clergé, qu’il soit de Saint-Martin ou d’ailleurs, il vaut mieux ne pas trop gratter. Reste-t-il 10 % de pratiquants qui refusent totalement cela ? Espérons-le. Alors l’institution suit son peuple, surtout ne le brusque pas... par charité. Relisez le texte d’Ezéchiel du dimanche 7 (jour de l’élection) en Ez 2, 2-5 ! Il me semble que lui, comme Jérémie, Isaïe et l’ensemble des prophètes pourrait donner l’exemple ! Mais on les lit « liturgiquement », ça ne mange pas de pain. Et puis un évêque n’est pas un prophète, c’est un administrateur.

Alors administrez, et surtout ne parlez pas d’évangile. Protégez vos « ouailles », gardez-les au chaud. Les autres ont déjà quitté vos églises, et cela ne vous a pas trop affectés, c’étaient des gêneurs. Nouveaux baptêmes, nouvelles ordinations, vous avez triomphé ces temps-ci ! Jésus a parlé de sépulcres blanchis.

Marc Durand

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J
Cette réflexion met les points sur les i : choisir le moindre mal c'est toujours choisir le mal; <br /> il parait qu'en 2022, trois millions de catholiques français ont voté pour Mme Le Pen. <br /> Ne les condamnons pas mais demandons-nous si l'enseignement du petit prophète de Nazareth , son souci des pauvres, des exclus, des étrangers ... (Mt 25) a été tout simplement jeté aux oubliettes par une bonne partie du peuple chrétien ?
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R
Le texte de Marc Durand me parait quelque peu réducteur<br /> <br /> Si dans le passé il était simple de trancher entre les démocraties libérales ouvertes et les régimes dictatoriaux stalino-maoïstes, la situation est dramatiquement plus complexe aujourd'hui. <br /> Les Evêques et bien d'autres sages nous ont mis en garde depuis longtemps Vs les extrêmes.<br /> Mais depuis longtemps aussi on assiste à la montées des craintes et des exaspérations devant la perte d'autorité de l'Etat, le laxisme généralisé, les menaces et actes violents des islamistes fanatiques, le wokisme rampant, la difficile maitrise de l' immigration, l'auto-flagellation permanente engendrant un sentiment d'humiliation...et la crise économique et de l'Emploi pour couronner le tout.<br /> Cet état de fait a progressivement épongé et neutralisé les groupes politiques modérés de l'échiquier politique central pour donner la vedette à 2 partis, 2 leaders , proposant des mesures plus radicales et autoritaires.<br /> Contrairement au choix de M.Durand, on n'est pas devant le choix du Bien et du Mal mais devant choisir le moindre mal. <br /> Ce faisant, le rédacteur fait mine d'oublier que le leader du Front de Gauche qui réclame le pouvoir gouvernemental encourage ouvertement <br /> des groupes terroristes fanatiques, fait monter la haine antisémite, occulte la montée du racisme anti-Blancs.<br /> Il fait mine de confondre le geste évangélique d'accueillir le marchand étranger de passage à sa table avec la progression prévue d'un milliard d'habitants d'Afrique au cours des prochaines décennies...<br /> <br /> <br /> Les citoyens sont donc devant un choix déchirant qui peut engager notre avenir pour longtemps malgré la Constitution démocratique de la Ve République.<br /> Les Evêques respectent notre LIBRE ARBITRE, fruit de notre sensibilité, notre bon sens, notre passé historique....malgré les mauvaises humeurs de M.Durand.<br /> <br /> Robert Kaufmann
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L
Un "J'ACCUSE" est toujours la dernière, et la plus indispensable, des armes dont disposent les consciences qui disent "NON".<br /> Un "NON" qui s'adresse d'abord aux "sépulcres blanchis", qui ne leur envoie pas dire autre chose que ce qu'ils ont à entendre :<br /> "Ils devraient se souvenir de la position de l’Église catholique allemande lors de l’accession de Hitler au pouvoir, dans les urnes lui aussi, donc légalement. Heureusement qu’il y a eu l’Église protestante (mais pas toute) pour sauver l’honneur. Niemoller, Barth, Bonhöfer sont des noms qui ont sauvé le christianisme. Ils devraient se souvenir des atermoiements de Pie XII pendant la guerre... il voulait protéger les catholiques allemands. <br /> "Alors, dans cinquante ans, leurs successeurs viendront demander pardon, humblement comme chaque fois !".<br /> Ce que ne salueront plus alors que de jeunes ordonnés en soutanes, et ce qui ne souciera plus que les catholiques pratiquant la pensée-Bolloré, laquelle aura de longue date pris possession de tous les médias pour y dispenser sa parole d'évangile.
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M
J'ai été effarée d'entendre à la radio, lors d'une interview à la sortie d'une messe en région parisienne, une catholique déclarer que le RN était la formation politique la plus proche de l'Église catholique... Notre pauvre Église !
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C
Grand merci Marc. Que vos mots réchauffent le coeur. L'Evangile libérateur, ainsi l'appelait un ami cher qui savait ce qu'était de résister...avec toute mon amitié fraternelle <br /> Catherine
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M
Oui, tout à fait , le mot "liberté" est celui qu'il faut invoquer, car tous ces supporters de la haine, même masquée-et qui hélas semble se démasquer rapidement cette semaine- sont enchâinés par leurs rejets et leur violence. Merci à Marc Durand.