A l'écoute de la Parole de Dieu
15ème dimanche du temps ordinaire 14/07/2024
Am 7, 12-15 ; Ps 84 (85) ; Eph 1, 3-14 ; Mc 6, 7-13
Annoncer la Bonne Nouvelle, être prophète, voilà le thème central de ce dimanche.
Dans la 1ère lecture (Amos 7, 12-15), nous assistons à une empoignade entre deux hommes, Amazias et Amos, mais plus encore entre deux hommes fonctions, un prêtre de Bethel et un prophète. L’affrontement entre ces deux statuts est bien antérieur au VIIIe s. av. J.-C. Ils n’avaient pas le même poids social. Le profil de prêtre [1] à Bethel, célèbre sanctuaire royal, pourrait faire penser à celui de certains moines bien en chair de prospères abbayes du Moyen Âge ; le prophète, à un frère prêcheur à la maigre besace. D’un côté, un prêtre, « fonctionnaire » dans un sanctuaire vénéré depuis les origines [2]. En face, Amos, ancien bouvier, métier peu élevé dans l’échelle sociale, un intrus qui a l’audace de protester, au nom de Dieu, contre le sort réservé aux pauvres en Israël : « les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent » On imagine la scène : un recteur de sanctuaire réputé, face à un « prophète », genre Sdf. Le « notable » cherche à le faire fuir. Or Dieu se révèle plus proche de l’ex-bouvier que du fonctionnaire du culte. En ce sens, Jésus tient bien de son !
La deuxième lecture, tirée de l’épître aux Éphésiens [3], approfondit le mystère de l’Église dans le Christ. C’est un hymne ancien rigoureusement construit. Il présente l’ensemble du plan de Dieu pour les hommes dans le Christ. Il s’ouvre sur une bénédiction de Dieu le Père, Fils et Esprit. En Christ, Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs. Les temps marchent vers leur plénitude : récapituler toutes choses dans le Christ. Croire en l’Évangile est le signe que nous sommes marqués par l’Esprit Saint, en vue du salut que nous obtiendrons « à la louange de sa gloire. »
Après cette vision grandiose du salut, l’Évangile (Marc 6, 7-13) décrit les consignes de Jésus aux douze pour annoncer la Bonne : « Ne prenez rien, seulement un bâton, pas de pain, pas de sac, pas de pièce de monnaie dans la ceinture »… Ils partirent et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils « expulsaient beaucoup de démons et guérissaient de nombreux malades ». Comment appliquer ces consignes données dans un temps où le prédicateur, marchant de bourgades en bourgades, était le modèle du prédicateur de la Bonne Nouvelle à une époque où les démons ne sont plus visibles et où le médecin a le monopole des guérisons ?
L’essentiel reste de prêcher la Bonne Nouvelle de l’Évangile, non pas seulement par la parole, mais par ce type de présence qui amène chacun à s’interroger sur le sens de sa vie, une présence qui redonne à chacun le goût de vivre d’une vie non plus centrée sur son ego personnel, mais qui vient de bien plus loin que de nous-même, de l‘Esprit du Dieu de Jésus Christ. Aussi chaque vie humaine a du prix par elle-même, parce qu’elle vient de Dieu.
En cette fête du 14 Juillet, nous pourrions être victimes de la même illusion que les disciples du Christ, quand ils rêvaient de la venue du Royaume de Dieu comme d’une réussite purement matérielle et nationaliste avec l’expulsion des Romains. Aujourd’hui que pourraient être des vœux chrétiens du 14 juillet pour la patrie ? Peut-être de vivre toujours plus selon l’utopie [4] des béatitudes.
Antoine Duprez
[1] Outre une rémunération en nature, le prêtre touchait un don sur chaque sacrifice offert. Ce « châtelain » pourrait faire songer à de gras chanoines aux généreuses prébendes ou à certains recteurs moyenâgeux de sanctuaires vénérés.
[2] Bethel a été fréquenté par les Patriarches Abraham et Jacob qui y combattit avec l’Ange de Yahvé, l’ Arche d’Alliance y séjourna ainsi que le prophète Samuel ; c’est là que fut édifié et vénéré le Veau d’or.
[3] Cette épître tardive, écrite par un disciple de Paul en même temps que celle aux Colossiens, célèbre le mystère du Christ dans l’Église.
[4] Représentation non réalisée ni réalisable, mais qui informe la réalité présente.