A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

16e Dimanche du Temps ordinaire 21/07/2024

Jr 23, 1-6 ; Ps 22 (23) ; Eph 2, 13-18 ; Mc 6, 30-34

Après des élections hasardeuses, et par là dangereuses, cette «méditation» peut s’offrir le luxe de ne pas intervenir directement dans les choix politiques particulièrement difficiles, encore moins de suggérer les bons. Pourtant les textes de ce jour parlent des relations entre les brebis et leurs pasteurs !

Les dernières semaines nous ont confrontés à des problèmes de conscience, certains anciens, d’autres nouveaux, tant dans le domaine politique que dans la gouvernance de notre Église. En lisant au second (ou au troisième) degré les textes de la liturgie de ce jour, on peut trouver, avec prudence, un éclairage pour aujourd’hui, ce qui n’est pas rare quand on lit attentivement les Écritures, où tous les cas de conscience se retrouvent à un moment ou à un autre.

Dieu, à travers Jérémie, condamne les mauvais pasteurs qui dispersent ou même égarent les brebis ; il leur promet de «s’occuper d’eux» ! Oui, mais si l’on comprend que les brebis, c’est nous, qui sont les mauvais bergers au bercail ecclésial ? Pour les intégristes, ce seront les héritiers du concile Vatican II, lequel a failli secouer le cocotier ecclésial et bouleverser des traditions obsolètes confondues avec La Tradition. Pour les «progressistes», les responsables des blocages à une réforme, nécessaire et urgente, de l’institution-«Église» sont les conservateurs qui, pour «garder le trésor de la vraie foi» (et leur pouvoir ?), l’enterrent, le stérilisant comme le mauvais serviteur qui n’a pas fait fructifier le talent que le maître lui avait confié (Mt 25, 15, 18 et 24- 28).

Le bon pasteur est comme «un vrai roi» (Jr 23, 5), qui «agit avec intelligence, et exerce dans le pays le droit et la justice». Voilà un idéal qui, pour le coup, ne nous éclaire pas beaucoup sur les choix politiques à faire, car tous les candidats jureront la main sur le cœur qu’ils sont intelligents et dirigeront les affaires selon le droit et avec justice. Il ne serait pas loyal de supposer que, dans ce débat, tous ne sont pas sincères et honnêtes ; pas davantage d’être assuré que tous feront ce qu’ils disent. Quel critère pour les départager ?

Le psaume 22 précise la fonction du bon pasteur : il «conduit» ses brebis, les fait reposer «sur des près d’herbe fraîche», il les nourrit, et les mène vers des eaux tranquilles où elles pourront s’abreuver en toute sûreté. Pour traduire ces promesses dans les termes des revendications d’aujourd’hui, on dira que les responsables politiques doivent offrir à leurs concitoyens en priorité : moyen de vivre et sécurité. Cette dernière, rappelons le, est à la racine du contrat social justifiant les abandons de liberté que nous concédons à l’État. Mais, que ce soit dans la Nation ou dans l’Église, ne sommes-nous pas de simples brebis, ce que pensait le pape Pie IX (Cf. Encyclique Quanta cura du 8 décembre 1864, §1) ?

Certains évêques proposent un autre moyen pour être capable d’élire nos dirigeants : la prière (Cf. La Croix du 26/06/2024). Pour souligner la puissance de celle-ci, Léon Bloy n’hésita pas à écrire que : « telle bataille napoléonienne avait peut-être été gagnée par la prière dune petite fille, et non par les armées et les stratèges» (L’âme de Napoléon, 1912). Certes, un croyant doit toujours revenir à la prière. Mais, ici, pour demander quoi ? Le nom du bon candidat ? L’assurance que celui que l’on choisit sera un bon berger ? L’élu de Dieu, selon Isaïe :« annoncera la justice aux Nations. Il ne criera pas sur les places publiques» (Is 42,1-2) : adieu les meetings musclés ! Quant au choix de nos responsables religieux, c’est plus simple : nous n’avons aucune «voix au chapitre».

Paul trace un programme politique clair et irénique, qu’on peut trouver optimiste ou naïf, mais qui mérite qu’on s’y arrête : « C’est … le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa Chair crucifiée, Il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine […]. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, Il a voulu créer en Lui un seul Homme Nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la Croix ; en sa personne, Il a tué la haine» (Eph 2,.14-16). En élargissant cette perspective, pourrait-on rêver, par exemple, à une suppression de la haine entre Juifs et Arabes au Proche-Orient, et aussi, en Europe, entre Russes et Ukrainiens, et même (pourquoi pas ?) à un apaisement dans toutes les confrontations politiques sur notre propre sol et dans le monde ? Il y a bien longtemps que l’on prie pour obtenir la paix, sans grand succès, peut-être parce que nous ne nous impliquons pas suffisamment dans les exigences du processus et sans prendre notre part dans son établissement.

Dans tous les cas, il faut, dans le calme, prendre le temps de la réflexion. « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu» (Mc 6, 31), conseille Jésus aux disciples «surbookés». Peut-être que nos hommes (et femmes) politiques devraient se reposer un peu, et … nous reposer. Quant aux pasteurs de l’Église, il est des moments où l’on aimerait, au contraire, qu’ils se surchargent un peu plus du souci d’une réforme urgente et efficace de l’institution ecclésiale.

Marcel Bernos

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