Civil War : la Guerre civile aura-t-elle lieu ?
La société américaine démocratique vote tous les quatre ans pour élire le président de la fédération des États-Unis d’Amérique en le choisissant soit dans le camp démocrate, soit dans le camp républicain.
En novembre 2024, nous assisterons à une élection entre le Démocrate Georges Biden ou le Républicain Donald Trump ; seulement cette année est grosse d’un conflit latent non seulement entre les deux candidats mais aussi entre deux parties de la population, celle qui se sent intégrée au système c’est-à-dire bénéficiaire de son économie, de sa culture, de sa politique, et l’autre partie qui se sent abandonnée, laissée pour compte et mise en danger par les migrants.
En 2020, une élection les a mis déjà face à face et Biden l’a emporté, sauf que le camp adverse n'a jamais accepté son échec électoral, avec comme conséquence immédiate l’assaut du Capitole à Washington le 6 janvier 2021, qualifié par la commission d’enquête parlementaire de sédition et tentative de coup d’état (1).
Depuis un thème récurrent, obsessionnel s’impose dans le débat public : La Guerre civile aura-t-elle lieu ? Donald Trump a déjà averti : il n’acceptera pas une nouvelle fois sa défaite, traduisez : plutôt la guerre civile que l’échec de son camp.
Un cinéaste, Alex Garland relève le défi, il donne à voir une guerre civile contemporaine, à travers le territoire américain entre New-York et Washington, affrontements dans les campagnes, bataille dans les villes.
Enfoncez-vous dans vos fauteuils, de peur de recevoir une balle perdue car pendant toute la durée du spectacle vous assisterez à une succession de scènes atroces : explosion de véhicule, hommes torturés, charniers, assassinats en tous genres. Dans un espace de plusieurs milliers de kilomètres la caméra filme les affrontements meurtriers entre l’Armée dite de l’Ouest et des centaines de partisans d’un président rebelle. En fait vous ne saurez pas qui est qui, mais ce que vous comprenez c’est qu’il s’agit d’un drame absurde, d’une cruauté terrifiante avec des dialogues dont la violence précède le tir mortel : « Tu es Américain ? » si vous répondez « Je suis de Hong Kong » vous avez à peine émis cette affirmation que vous êtes déjà mort.
Le message de la caméra est clair :« Vous voulez la guerre civile, eh bien vous l’avez, regardez bien ce que vous allez vivre ! Vivre ? pas pour longtemps ».
Civil War montre les USA sous le règne sans partage de la Mort et de ses serviteurs démoniaques mettant en œuvre une violence dégagée de toute contrainte morale, qui n’épargne personne, si vous, vous ne mourez pas, votre ami ou un de vos proches, lui, meurt.
Toutes les valeurs démocratiques s’effondrent sauf une, et c’est assez remarquable pour le souligner : le respect de la liberté de la presse. Ainsi toute l’équipe de journalistes qui traverse les États américains, pour un entretien avec le président rebelle, semble globalement respectée et si certains meurent cela fait partie des risques du métier, de reporter, de photographe de guerre.
Deux femmes incarnent ce métier avec une éthique différente, la plus âgée, fataliste avoue : « Je croyais qu’en montrant l’horreur, l’injustice cela changerait le monde, mais cela ne change rien » ; la plus jeune, nouvelle dans le métier, apparaît plus motivée par la recherche esthétique de l’image que de témoigner pour rendre justice.
Le film se termine sur un président tué d’une balle dans la tête, ce qui en rajoute dans l’horreur et l’absurdité : quoi, pas même un jugement pour un rebelle ? Un jugement devant un tribunal pour dire qu’il existe une société capable de Justice, des institutions capables de discerner entre les irresponsables, les criminels et les victimes ? À moins que le message politique soit le suivant : la guerre civile ne résout rien, elle ne grandit pas la société qui la produit, elle précipite au contraire sa dégénérescence. Une société qui ne désarme pas sa violence par des moyens institutionnels devient le champ social où se vérifie l’adage de Thomas Hobbes : « L’homme est un loup pour l’homme ».
Pour nous, la guerre civile témoigne d’une régression politique et nous partons de la salle de cinéma, bouleversés, avec ce questionnement :
- L’hypothèse d’une guerre civile aux USA est-elle crédible ?
- Civil War est-il un film prophétique ?
- Cette prophétie nous concerne-t-elle ? Notre campagne électorale actuelle n’est pas indemne de ce thème (2).
« Monsieur Alex Garland je vous remercie de m’avoir posé ces excellentes questions. »
Loin de décrire un phénomène anecdotique, le film dévoile comment la haine de l’autre, la haine de l’étranger, la haine de celui qui ne partage pas vos idées s’affranchit des règles électorales d’une société démocratique pour se pervertir dans l’affrontement direct.
Christiane Giraud-Barra
- Nous vous invitons à lire l’excellent dossier sur Wikipedia : « Assaut du Capitole par des partisans de D. Trump » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Assaut_du_Capitole_par_des_partisans_de_Donald_Trump). C’est très long, très détaillé avec les résultats des commissions parlementaires mais cela met en évidence la gravité des faits et la dangerosité d’un candidat comme Donald Trump, dépourvu de toute éthique politique et qui est prêt à tout pour avoir le pouvoir (exemple : le scandale Trump-Raffenberger).
- Marianne n° 1422 du 13 au 19 Juin, p .17 : Le risque d’une campagne « guerre civile ».