Quel avenir pour l’Europe ?
L’Europe démocratique est menacée de l’intérieur par la montée dans divers pays des mouvements d’extrême droite, et spécialement en France par la montée du Rassemblement National. Elle est aussi menacée de l’extérieur par le régime de Poutine qui ne lésine pas avec ses campagnes de désinformation, ou par Tik Tok, instrument de la politique chinoise (1).
En définitive nous sommes confrontés à un immense défi entre des régimes dictatoriaux, comme la Russie actuelle et la Chine de Xi JinPing, et les pays démocratiques considérés par Poutine comme décadents. C’est donc un énorme défi que nous avons devant nous avec comme enjeu la question de savoir si ce sont les régimes dictatoriaux qui sont l’avenir ou les démocraties. N’est-ce pas le régime de Poutine qui est décadent ?
Au cours de la dernière décennie, l’extrême droite a progressé dans l’ensemble des pays européens. Et les sondages annoncent une large avance de Bardella tête de liste du R.N. sur les autres listes. Si le parti de Marine Le Pen, instruit par l’expérience de la Grande Bretagne, n’envisage plus de sortir de l’Europe, il est à craindre que les partis d’extrême droite « ne cherchent plus à quitter l’Union européenne mais à la transformer de l’intérieur ». Ces partis « ont tendance à coopérer sur les sujets d’identité, d’immigration et d’islam, sur lesquels ils sont d’accord » (2). Et si l’extrême droite progresse au Parlement à la suite des élections du 9 juin, elle influencera la prochaine Commission européenne et le Conseil européen qui réunit les chefs de gouvernement des États membre.
En lien avec la question d’identité, qu’entend-on par souveraineté ? Les partis d’extrême droite font grand cas de la souveraineté nationale. Céline Spector, spécialiste notamment de Montesquieu et de Rousseau, interroge la notion de souveraineté nationale à la lumière de l’Union européenne (3). Elle considère que la souveraineté nationale est une illusion, compte tenu notamment de l’inscription de chaque nation dans un tissu de nombreuses contraintes et de la mondialisation des économies, compte tenu aussi des GAFAM qui rivalisent avec la puissance des États. Pour Céline Spector l’Europe serait le bon niveau à condition qu’elle apprenne le langage du pouvoir, qu’elle devienne une puissance « vouée à entrer dans le champ des rivalités avec la Russie, la Turquie, l’Iran, la Chine, voire les États-Unis ». Et Céline Spector, avec d’autres, décrit l’évolution souhaitable des institutions européennes pour que l’Europe n’apparaisse pas comme un pouvoir lointain et bureaucratique qui favorise l’abstention aux élections. Cela passe par un renforcement de la place du Parlement européen chargé « d’animer un espace public européen : il n’est pas de démocratie sans lieux de formation des opinions politiques, sans arène médiatisée d’échanges rationnels » « Peut-on clarifier l’identité de ce que le député européen représente : sa circonscription, son parti, son pays, le demos européen tout entier ? ». Il s’agit de « personnaliser » le Parlement européen pour en faire le véritable gardien des intérêts du peuple » (…) « Aussi faut-il accroître le budget du Parlement, conférer à l’Union des ressources propres et lui donner le droit de lever un impôt progressif ». « D’un point de vue institutionnel, il faut (…) contrer le démantèlement de l’État social et amorcer « une révolution fiscale » à l’échelle européenne destinée à financer la transition écologique ».
Les analyses du dossier « Le projet européen à l’épreuve » du dernier numéro de la Revue Esprit convergent avec le numéro de la revue L’économie politique de février 2024 qui a pour titre « Quelle Europe face au désordre mondial ?» L’éditorial s’intitule « Donnons à l’Europe les moyens d’agir » et différents chapitres analysent ce qui permettrait à l’Europe de progresser avec cette inquiétude : « L’Europe politique risque de s’affaiblir davantage au moment où nous avons le plus besoin d’elle ».
Guy Roustang
- Voir Le Monde du 28 avril 2024, p. 28.
- Article de Hans Kundnani in Esprit, avril 2024, p. 75.
- Voir son interview sur son livre No Demos dans le cadre des conférences de la librairie Mollat qui peut être écoutée en podcast. Céline Spector a écrit avec la directrice de la Revue Esprit l’éditorial du numéro d’Esprit d’avril 2024 et a écrit également un article dans ce numéro. Dans son livre elle s’interroge sur la notion de souveraineté à la lumière de l’Union européenne.
Source : https://www.eccap.fr/article/quel-avenir-pour-leurope