A l'écoute de la Parole de Dieu
4e Dimanche de Pâques (année B) 21/04/2024
Ac 4, 8-12 ; Ps 117 (118) ; 1 Jn 3, 1-2 ; Jn 10, 11-18
«Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle» (Ac 4,11). L’expression «pierre d’angle», également présente dans le psaume 117 (118), 22, est souvent utilisée dans le Nouveau Testament : Luc 20,17 ; 1 Corinthiens 3,11 ; Éphésiens 2, 20-21 ; 1 Pierre 2, 6-7.
Dans une construction, la pierre angulaire se trouve à l’angle de deux murs, elle a donc une fonction essentielle pour la solidité du bâtiment. Couramment employée symboliquement, pour parler de Jésus-Christ, elle souligne son rôle fondamental (mais en est-il le fondateur ?) dans l’édification de l’Église. Pierre insiste ici sur le fait que tout le «bien» que peuvent accomplir ses disciples ne peut l’être qu’en son nom. On sait la puissance du nom dans les civilisations traditionnelles, il a en lui-même une puissance dont on ne saurait faire un usage quelconque. Rappelons-nous que les Juifs ne prononçaient pas celui de Dieu, ils se référaient à lui par une périphrase. Ici, le nom de l’enfant à naître est donné par Dieu, le Père, s’adressant à Joseph (père nourricier) et lui prescrit de nommer son fils «Jésus» («celui qui sauve»). Dans l’épître aux Philippiens, Paul exalte le nom de Jésus (Phi 2, 9-10). Pierre, qui vient d’accomplir la guérison d’un «infirme de naissance», dit la puissance thaumaturgique de ce nom (Ac 3,16) : «Tout repose sur la foi dans le nom de Jésus Christ : c’est ce nom lui-même qui vient d’affermir cet homme que vous regardez et connaissez ; oui, la foi qui vient par Jésus l’a rétabli dans son intégrité physique, en votre présence à tous». Et encore Ac 4,8-12, deuxième lecture de ce jour, et Ac 16,18.
C’est parce que Jésus-Christ est cette pierre, ce roc (autre image fréquente dans les psaumes), que «Mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur que de compter sur les hommes» (Ps 117 (118), 8).
Saint Jean ne se laisse pas «saisir» facilement. Une phrase de sa première épitre (1Jn 3, 2) mérite qu’on s’y arrête : «dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est». Paul avait déjà entrouvert cette perspective : « nous gémissons du fond du cœur en attendant d’être pleinement établis dans notre condition de fils adoptifs de Dieu quand notre corps sera délivré. Car nous sommes sauvés, mais c’est en espérance» (Rom 8,23-24). Comme si l’adoption filiale restait virtuelle jusqu’au retour de Jésus-Christ, c’est à dire à la fin des temps. Est-ce le sens exact de ces affirmations ?
L’évangile du jour montre une autre image d’un Dieu sur lequel on peut compter pour être protégé et guidé : celle du «Bon pasteur». Il est le berger qui connait ses brebis et que ses brebis connaissent, qui est prêt à donner sa vie pour leur sauvegarde. Jésus déclare qu’il n’y a pas que des brebis «élues» : «J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise […] il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Cette phrase un peu mystérieuse, a parfois été interprétée par l’Église romaine comme son devoir de «rapatrier» les croyants d’autres Églises sous sa houlette, même si celle-ci s’est montré souvent peu prévenante et peu fraternelle dans cette mission.
Pourtant Jésus parle de «conduire» ces autres brebis, et non de les «contraindre à entrer», expression que l’on trouve en Luc 14,23. Saint Augustin a utilisé cette référence contre les donatistes, justifiant en quelque sorte l’emploi de la force contre les schismatiques, afin de préserver l’unité de l’Église. Cette manière de considérer l’Église romaine comme seule interprète totalement fidèle et véridique de l’Évangile a, hélas, longtemps inspiré les théologiens et les autorités catholiques, jusque récemment (Cf. la déclaration Dominus Jesus, 6 août 2000). Dépasser cette manière de voir semblerait indispensable à un œcuménisme authentique. En effet, Jésus, loin d’être «relativiste», s’en tenait à n’user que de la voix pour les rassembler, après les avoir persuadées en vérité.
Marcel Bernos