A l'écoute de la Parole de Dieu
6eme Dimanche ordinaire Année B 11/2/2024
Lev13, 1-2.45-46 ; Ps31 ; 1Co10, 31-11, 1 ; Mc1, 40-45
Ce dimanche, le dernier avant le mercredi des Cendres et l’entrée en Carême, est centré sur la maladie, la guérison et le pardon des péchés.
La 1ère lecture (Lev 13,1-2.45-46) tirée du Lévitique, daté du 5ème siècle av. JC, reprenant des éléments plus anciens, donne le point de vue de l’Ancien Testament sur la maladie. À l’époque, la peste était une des maladies les plus répandues et les plus redoutées pour sa contagion et ses conséquences souvent mortelles. Jusqu’à la découverte du vaccin en 1884 par Pasteur, la seule protection était l’exclusion radicale des malades, d’autant plus douloureuse, que, du fait des conceptions de l’époque, toute maladie était censée liée à un péché. C’était pour le malade la double peine, l’exclusion et la culpabilisation. Le Lévitique, relativement aux écrits contemporains est relativement modéré : certes, le malade doit se présenter au prêtre pour un diagnostic, ce qui est normal à l’époque, car le médical était du ressort du religieux, donc du prêtre. Le malade devra se déclarer impur et habitera à l’écart, hors du camp : exclusion terrible à l’époque où chacun résidait à l’intérieur d’un camp, condition de survie, à cause des animaux sauvages et des bandes de brigands, les résidences individuelles réparties sur de grandes distances n'existaient pas encore. Mais le Lévitique est relativement modéré ; il ne culpabilise pas le malade et l’exclusion est temporaire, tant que durent les symptômes d’infection.
Le psaume 31(32) insiste sur le lien entre la faute et le pardon : « Heureux l’homme dont la faute est enlevée. » Par qui ? seul le Seigneur peut pardonner le péché. Il n’est pas question de justice réparatrice, de pardon de l’homme offensé (1). Le psaume se termine par la joie du pardon : « Que le Seigneur (qui a enlevé la faute) soit votre joie ».
Paul, dans l’épître (1 Co, 10,31-11,1) inverse complètement le point de vue : non plus comment se faire pardonner en cas de faute, mais comment imiter le Christ, en ne cherchant pas son intérêt personnel mais celui de la multitude.
L’évangile tiré de Marc 1, 40-45 montre Jésus guérissant un lépreux. Celui-ci s’est jeté à ses genoux, ce qui était déjà illégal, ne respectant pas la distance prescrite. Jésus, lui aussi, enfreint les règles sanitaires : « Ému de compassion » (2), il le touche et lui parle : « Je le veux, sois purifié. » Le lépreux est guéri instantanément. Mais Jésus ne se laisse pas aller à l’émotion ; il le renvoie avec fermeté : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre ». Il observe les prescriptions de la loi. C’est le prêtre qui aura le mérite de la guérison l La conduite de Jésus est étrange : pourquoi tant de discrétion et de respect de la loi ?C’est bien dans la ligne du « secret messianique » de Marc, où Jésus ne veut pas qu’on le proclame comme Messie, à cause des équivoques de ce titre (3). Mais le guéri ne l’entend pas ainsi et on le comprend. Tout à la joie de sa guérison, il proclame à tout le monde ce qui lui est arrivé. Du coup, Jésus devient une star poursuivie par les ancêtres des paparazzi, ce qui est totalement contraire à sa vocation. Jusqu’à ce qu’il devienne lui-même sur la croix l’exclu maudit et rejeté par tous, mais accueilli par son Père.
En ce dimanche de la santé, fête des malades et des aides-soignants, pensons à tous les malades que nous connaissons. Si nous n’avons pas le charisme de guérison, nous pouvons tous aider les malades à ne pas se sentir exclus par un signe de présence à inventer, physique, coup de téléphone, e-mail ou carte-postale. Ce signe signifiera au malade qu’il fait toujours partie de la famille humaine. Et cette expérience peut contribuer à sa guérison.
Antoine Duprez
(1) Cf sur ce thème le très beau film de Jeanne Herry « Je verrai toujours vos visages. »
(2) Splagknistheis, « ému jusqu’aux tripes »
(3) Le messie attendu était essentiellement un messie guerrier et politique.