A l'écoute de la Parole de Dieu
Troisième dimanche de Carême. 03/03/2024
Ex 20, 1-17. Ps 18 (19). 1Cor 1, 22-25. Jn 2, 13-25.
Dans le Décalogue, Yahvé annonce ses exigences. Il commence en précisant sa légitimité à le faire. Il est le protecteur, le sauveur de son peuple, il peut alors exiger que celui-ci lui reste attaché. Ne pas chercher le bonheur ailleurs, vers d’autres dieux.
La vie avec Yahvé introduit des exigences éthiques qui se ramènent toutes au respect des autres. Dieu aime son peuple, vivre sous sa protection exige de respecter ceux qu’il a choisis, de vivre en harmonie avec tous. Pas de morale individuelle dans ce décalogue, dans cette racine de la Loi. Simplement ne pas spolier les autres pour vivre avec eux (1).
Plus tard la Loi sera détaillée, il faut bien organiser la société...et la religion ! Mais l’essentiel est dit là, avec cette exigence de faire un peuple uni à Dieu qui en prend la direction : honorer Dieu (le sabbat), respecter le prochain. C’est le minimum pour assurer une relation avec Dieu, l’exigence d’amour, qui est d’un autre ordre, viendra plus tard.
Le psaume dit tout le bien de cette loi, « la loi du Seigneur est parfaite ». Le répons, emprunté à Jean, en donne la raison : « Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68).
Nous sommes en marche vers le dénouement de la mission de Jésus. Après nous avoir rappelé la première exigence pour avancer sur cette route, la loi de Moïse, la liturgie nous fait se tourner vers la fin : la Croix. Les Corinthiens, issus du paganisme, étaient très tentés par divers courants de pensée qui recouvraient l’essentiel, sagesse grecque, courants de sagesse orientale. Ils découvraient aussi le judaïsme qui était à la recherche constante de Dieu à travers la Loi, et attendant un messie victorieux. Ils réclamaient des signes, dit Paul, c’est-à-dire que Dieu leur montre comment il allait les libérer « à la force de son bras ». Alors Paul répond : ni la sagesse, ni l’espoir en un messie glorieux ne nous amènent à Dieu. Jésus a renversé les valeurs, c’est sur la Croix que Dieu se révèle, par sa prise en compte de la souffrance des hommes et de leur péché, par la fidélité sans faille qui peut mener, et mène, à la mort. C’est sur la Croix que nous découvrons la puissance de Dieu attendue par les Juifs, sa sagesse recherchée par les Grecs. « La folie de Dieu est plus sage que les hommes » et « sa faiblesse est plus forte que les hommes ». Il faut d’abord passer par le scandale, la folie de la Croix qui contredit toutes ces attentes de sagesse ou de victoire pour entrer dans la sagesse de Dieu qui nous est donnée par l’Esprit. Paul y viendra plus loin. Mais si haute est la sagesse, et elle est de tous les temps, partout sur la Terre les hommes recherchent la sagesse qui fonde leur humanité, si haute est notre religion qui demande à Dieu de se manifester comme le « vrai Dieu » qui va confondre ses et nos ennemis, si hautes sont-elles, elles ne mènent pas à Dieu. Il ne se trouve pas au bout de nos efforts de connaissance. Il faut d’abord s’engager pour reconnaître la Croix, c’est sur la Croix que Dieu se révèle et révèle sa « puissance de salut ».
L’évangile relate l’épisode du temple, lorsque Jésus chasse les vendeurs. Jean le met en tête de son évangile, manifestant d’entrée le combat de Jésus contre une religion sclérosée faite de recherche d’intérêts particuliers, utilisant Dieu au service des hommes. Il s’oppose ainsi violemment aux tenants de ce pouvoir religieux; les autres évangélistes placeront cet épisode peu avant la Passion, signifiant que c’est bien cette lutte contre le pouvoir religieux d’alors qui précipite l’élimination de Jésus. Après l’insistance sur le sérieux de la Loi fondamentale pour le peuple de Dieu, après l’insistance de Paul sur le sens de la Croix qui s’oppose à notre sagesse et nos désirs de puissance, notre confort dans la religion, cet évangile insiste sur l’essentiel : la passion de Jésus envers son Père qui passe donc par l’amour de son Temple purifié de toutes ses scories. « L’amour de ta maison fera mon tourment. » Cet évangile va même plus loin. Jean annonce que désormais c’est Jésus qui remplace le Temple :
« Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. »
Parole incompréhensible alors, ce n’est que plus tard que les disciples la comprendront.
Ainsi ces trois textes font une unité, donnant sens à la marche du Carême. Pas un iota de la Loi (on ne parle pas de la foule de préceptes rajoutés!) ne sera supprimé, elle est la condition minimale pour appartenir au peuple de Dieu. Si l’on veut avancer avec Jésus, c’est la proclamation de la Croix qui doit nous guider et non nos sagesses. Enfin il nous faut dépasser tous les faux-semblants religieux pour nous fixer sur la personne de Jésus...crucifié. Nous sommes le Corps du Christ.
Marc Durand
(1) On peut remarquer que l’ordre de ne pas convoiter la femme de son prochain n’est pas une exigence de morale sexuelle, mais celle de ne pas spolier son prochain en lui volant sa femme, voire son serviteur...ou encore son âne !