Toussaint 2023

Publié le par Garrigues et Sentiers

Ap 7, 2-4.9-14. Ps 23 (24). 1Jn 3, 1-3. Mt 5, 1-12a.

 

Tous saints, ou tous les saints ? De toutes façons Dieu seul est saint, la sainteté est l’attribut de Dieu. Alors, que nous nous réjouissions d’être tous saints, ou que nous célébrions nos prédécesseurs qui sont saints, cette fête est d’abord une action de grâces au Père qui nous invite tous à partager sa sainteté, c’est-à-dire sa Vie (avec un grand « V » car elle est d’un autre ordre que la nôtre ici-bas). Le « sanctus » est l’hymne qui correspond le mieux à cette fête.

 

A qui est offerte la sainteté ?

 

Aux Juifs d’abord, nous dit Saint Paul. Ils sont le peuple choisi par Dieu pour se révéler aux hommes, le peuple sur qui Dieu comptait pour qu’ils Le révèlent : « c’est à eux qu’ont été confiés les oracles de Dieu » (Rm 3,2). Cela a réussi, c’est par les Juifs que nous avons connu notre salut, et après Jésus cela a été continué par ceux qui l’ont suivi. Les Juifs, aujourd’hui, sont encore les témoins de Dieu parmi les peuples. Ils sont encore appelés à devenir saints, même s’ils n’ont pas su reconnaître le Messie en Jésus.

Puis la sainteté est offerte aux païens, à toute l’humanité, l’immense foule dont parle l’Apocalypse. La Loi du Sinaï n’est plus le critère de sélection des sauvés, le salut est pour nous tous. Mais « ce n’est qu’en espérance que nous avons été sauvés » (Rm 8, 24), il nous reste donc encore du travail avant que le salut soit effectif.

 

Rappelons la parabole des noces royales (Mt 22, 2-14). Les premiers invités ont refusé de se rendre aux noces, alors ce sont tous ceux que les serviteurs trouvèrent aux croisées des chemins, « les mauvais et les bons » qui sont conviés. Ils vont constituer le peuple des saints. Il y a cependant une condition, un critère de sélection, autre que d’être mauvais ou bon. Saint Paul ne cessera de le répéter, la sainteté est offerte à tous et pour la recevoir il faut l’accepter, ouvrir son cœur à l’amour qui nous est proposé. Il n’est pas question de loi (« les mauvais et les bons ») mais d’ouverture à ce qui nous est proposé. Le malheureux qui n’a pas revêtu la robe nuptiale, qui est resté fermé au Royaume proposé, celui-là est jeté dehors. N’essayons pas de savoir de quel bord nous sommes. Manifestement Mathieu, en mettant cette parabole dans la bouche de Jésus, se référait au conflit d’alors entre les chrétiens et les Juifs qui n’avaient pas suivi. Mais ce texte vaut pour aujourd’hui et nous sommes tous des deux bords, de ceux qui accueillent la Parole et de ceux qui s’y ferment. Et la parabole finit par cette phrase exprimant la désillusion de Jésus peu avant sa Passion : « il y a beaucoup d’appelés mais peu sont élus ». Cela ne dit rien de ce qui attend l’humanité, mais ici et maintenant cette parole prend en compte la réalité. Il y en a peu qui répondent vraiment à l’appel, peu parmi nous, qui peut prétendre y répondre ?

 

Comment se rendre capables d’accueillir l’amour de Dieu ? En purifiant notre cœur. Ce n’est pas une question de morale, mais de disposition d’esprit. Le baptême de pénitence de Jean-Baptiste était un appel à un retournement, une conversion qui rende capable de recevoir Dieu. « Je suis une voix qui crie dans le désert : aplanissez le chemin du Seigneur » (Jn 1, 23). Jean-Baptiste reprend l’appel d’Isaïe lors de la libération d’Israël de la captivité (Is 40, 3). Jésus, en recevant ce baptême manifestait cette nécessité de se mettre à la disposition du Père, qui l’a alors reconnu en lui envoyant son Esprit. Abraham, le « père des croyants », a cru, a été ouvert à l’appel de Yahvé, c’est cela et rien d’autre qui lui a été compté comme justice. Il ne suffit pas de se dire fils d’Abraham pour entrer dans la sainteté de Dieu, « car, je vous le dis, Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants d’Abraham » (Lc 3, 8). Dieu qui est à l’origine de la multitude des enfants d’Abraham est le même qui ramène Jésus à la Vie et, par Lui nous fait enfants d’Abraham. Nous sommes appelés à suivre cet exemple de foi, à donner foi à la Parole et à la suivre. Donner cette foi signifie suivre le Christ. C’est la condition de la sainteté pour nous.


Au-delà de l’action de grâces, cette fête nous demande de nous retourner sur notre relation à Dieu. Pas sur la liste des prières que nous faisons, mais sur cette relation fondée au plus profond de notre être. Quand nous nous retournons sur nous-mêmes pour saisir ce qu’est notre vie, au-delà de toutes nos actions, de toutes nos relations, pour atteindre le fond du fond, y trouvons-nous Dieu ? C’est là que nous pouvons le rencontrer, tout le reste (prières, liturgies, etc.) n’est qu’un chemin pour L’atteindre à cette profondeur, pour le connaître en vérité.
Tout cela pourrait nous décourager si nous sommes conscients de ce que nous sommes, de ce dont nous sommes capables. Mais , contrairement à une interprétation classique et pessimiste de l’épître aux Romains, c’est dans cette lettre que Paul nous donne la clé, source d’optimisme :
« Il n’en va pas du don de la grâce comme de la faute. Car si la faute d’un seul a entraîné la mort de tous les autres, à plus forte raison la grâce de Dieu et le don gracieux obtenu par un seul homme Jésus-Christ, se sont-ils répandus en abondance sur tous les autres » (Rm 5, 15), ou encore « Où le péché avait abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). C’est la grâce de Dieu qui nous sauve, et elle abonde. Il nous donne son Esprit qui nous fait dire « Abba, Père ».

En cette fête de la Toussaint, célébrons la sainteté de Dieu qui inonde tous nos prédécesseurs et qui nous attire dans son intimité, ce qui nous est promis dans l’espérance. Célébration de Dieu et action de grâces.

 

Les Béatitudes, qui closent les textes de ce jour ont alors toute leur place. Leitmotiv du bonheur : Heureux, heureux, heureux...répété 9 fois avant de finir par « réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse ». C’est le bonheur que le Christ est venu nous proposer, il est au bout du chemin et si nous décidons de le suivre ce bonheur est déjà là, pour nous, maintenant. Il vaut la peine de Le chercher au cœur de nos vies.

 

Marc Durand

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