Homo viator 3. Découvertes au camping : du parc d'attraction à la zone
Dès la fin août les campings se vident des estivants, comme la mer se retire et découvre le sable du rivage, apparaît alors une nouvelle population, celle des travailleurs, saisonniers, smicards, personnels logés pour un temps déterminé par leur société ou tout simplement ceux qui n'ont pas accès à un logement. Ce jour sous une grande tente une jeune femme m'interpelle, seule elle a visiblement envie de parler et sous prétexte de me rendre service elle commence par m'expliquer le fonctionnement des divers services du camping, puis de fil en aiguille me raconte pourquoi elle vit là. Le récit est des plus confus et révèle en creux un personnage à la dérive : " Je travaille, mais pas ici, je ne suis là que de passage car je suis d'Auvergne région que j'aime par-dessus tout, mais je viens rendre service à un ami, remarquez que ce n'est pas vraiment un ami, mais c'est quand même un ami car nous avons travaillé ensemble pendant 15 ans dans la même boîte, et voilà qu'il a obtenu un CDI ici mais sa femme l'a quitté, en fait elle l'a viré et il faut qu'il déménage, donc je dois l'aider à déménager..." Tout aussi extravagant que le discours elle me montre une tortue de mer dans une caisse remplie d'eau : " C'est Jacqueline ma tortue elle a 37 ans, en fait ce n'est pas ma tortue c'est celle de mon ami, qui n'est pas mon ami, vous voyez ce que je veux dire..." Le soir je vois son ami qui a trouvé un CDI dans la sécurité, un magnifique chien l'accompagne. Le soir le couple s'alcoolise consciencieusement en compagnie d'un tenancier cachectique vêtu comme un cowboy de pacotille, à ses côtés une femme d'une soixantaine d'années qui parle de la vie chère et des problèmes à tenir le camping.
Autre découverte de ces travailleurs qui vivent en camping, lors d'un arrêt pour un soir dans un emplacement rempli de bungalows où nous ne voyons pas d'autre personne qu'un vieux japonais venu à pied de la capitale autrichienne : au matin une dizaine d'enfants tout beaux, propres, cartables sur le dos en partance pour l'école, après discussion avec le gardien j'apprends que toute une population réside en permanence ici car nous sommes en banlieue de Toulouse. Du travail il y en a mais des logements accessibles ?
En déambulant dans les allées d'alignement des mobil-homes je tombe sur un bungalow de sdf, un grand chien apathique le garde sans conviction, la porte est grande ouverte et laisse échapper des caddies de centre commercial vides, des tas de détritus, alentour l'espace est vide, personne ne veut être en proximité d'un tel lieu. Je me dis que le propriétaire doit payer son loyer à moins qu'il soit sous une mesure d'expulsion !
Si des campings se transforment en parc d'attractions basés sur l'exploitation du filon soleil - eaux des piscines ou de la mer – toboggans, d'autres concentrent les personnes aux prises avec des problèmes sociaux.
Christiane Giraud-Barra