Homo viator 2. Aperçu d'un village

Publié le par Garrigues et Sentiers

Il s'agit d'un village d'Occitanie blotti sous son église forteresse, une belle construction ocre remaniée au fil des siècles. Une employée municipale tient un camping peu fréquenté hormis par les cyclistes impénitents comme nous, elle est très sympathique mais nous ne partageons pas les mêmes critères sur l'hygiène et les sanitaires laissent à désirer !

 Dans l'unique alimentation à proximité nous nous ravitaillons en produits indispensables quand une odeur infecte se répand dans le magasin, je cherche d'où elle provient et je me trouve en vis-à-vis d'un homme sans âge, obèse, cheveux blonds hirsutes avec une face marquée de tous les stigmates de l'alcoolisme. L'odeur est insoutenable, mélange d'urine, de crasse d'un corps qui ignore les soins quotidiens depuis... Il achète et paie (je suppose des conserves) et la caissière encaisse sans sourciller.

Le soir dans l'unique bar restaurant, attablés devant la pizza, unique menu, nous participons au spectacle sur grand écran d'un match de rugby qui soulève l'adhésion d'un public masculin de tous les âges et une ferveur unanime à chaque coup marqué par les français. Quand leurs adversaires marquent, des gémissements remplissent l'espace.

Nous visitons l'église d'un vide abyssal comme toutes celles rencontrées sur notre chemin – ni prêtres ni fidèles – et qui témoigne de la disparition d'une civilisation chrétienne, et je me pose la question : si la religion du sport, religion de la performance, de l'endurance, parfois de l'esprit d'équipe, réunit les foules dans les stades ou dans les bars, peut-elle remplacer la religion qui porte une attention à l'autre, à celui qui souffre de maladie, du handicap, de la solitude ? Pour le dire concrètement : qui dans ce village va s'inquiéter d'une personne en pleine dérive pour ne pas dire en plein pourrissement ?

Christiane Giraud-Barra

Publié dans Réflexions en chemin

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