A l'écoute de la Parole de Dieu
22ème dimanche du temps ordinaire 03/09/2023
Jr 20, 7-9 ; Ps 62 (63) ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21 – 27.
Les textes de ce dimanche peuvent être lus comme une ouverture sur l’intimité de Jésus, sur ce qui irriguait sa vie, profondément, ce qui l’accompagnait dans ses pensées et sa prière..
Jérémie commence par une « jérémiade », c’est un peu sa marque de fabrique. Il s’est trouvé à un moment clé de l’histoire d’Israël terminé par la déportation du peuple à Babylone, et quant-à lui, accusé de trahison et de défaitisme, par son enlèvement pour être déporté en Égypte. Une lecture, au premier degré, nous relate cet attachement au Seigneur de sa part et sa souffrance. Mais nous pouvons aussi le lire comme un texte applicable à Jésus qui méditait tous ces prophètes au cours de ses nuits au désert.
« Seigneur, tu m’as saisi et tu as réussi »,
mais aussi, à la suite :
« A longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie ».
Pensons à Jésus dans la synagogue de Nazareth, en butte à ceux qui le connaissaient bien, Jésus en face des scribes et des Sadducéens, ou encore avec les soldats de Pilate puis sur la Croix :
« Toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même ! » (Mt 27, 40).
C’est son attaque du Temple, essentielle pour marquer le retournement que provoquait la venue du Règne, qui a été la goutte d’eau le menant au supplice. C’est sur la Croix qu’il essuiera les dernières moqueries devant son échec.
A travers cette souffrance, cette incompréhension, Jésus a pu aussi prier son Père avec le psaume proposé :
« Dieu, tu es mon Dieu...mon âme a soif de toi...ton amour vaut mieux que la vie... »
et à la fin :
« Oui, tu es venu à mon secours...mon âme s’attache à toi. »
Le texte de Paul nous exhorte alors à nous donner à Dieu, à lui présenter notre « personne toute entière ». Il nous invite à nous transformer en renouvelant notre façon de penser. Si le Règne advient, tout ce qui est « du monde » est transformé, nos vies ne sont plus fondées sur les critères du monde. Invitation à entrer dans l’attitude de Jésus vis-à-vis du monde et vis-à-vis de son Père.
Enfin l’Évangile nous montre un Jésus conscient de ce qui lui arrive. Comme pour Jérémie, le moment est dramatique et se déroule en une période très troublée dans un pays occupé par l’ennemi romain (qui va l’exécuter), quelques années à peine avant la destruction du temple. Destruction du temple en 70, destruction du « Temple de son Corps » sur la Croix en 30. Celle du temple marquera la fin du judaïsme dans les formes qui duraient depuis des siècles. L’événement de la mort du Christ, du « Temple de son Corps », sera la source d’une transformation radicale du Judaïsme pour ceux qui le suivront.
Dans ce drame, Jésus va affronter directement ses ennemis, et ne s’en sortira pas humainement. Il le pressent, il le sait, il vit douloureusement ce chemin qui le mène à la Croix. On attendait qu’il chasse l’occupant mais, comme Jérémie, il a déçu car sa mission était autre. Et c’est par l’occupant qu’il sera exécuté, à la demande de ceux vers lesquels il avait été envoyé. Il le pressent, et refuse d’en être détourné :
« Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » dit-il à Pierre.
Jésus ne semble pas là tellement sûr de lui ! Pourrait-il chuter ? Trop facile, après coup, d’en affirmer l’impossibilité. Jésus doit se prémunir pour ne pas chuter lui-même. Mais il sait que « celui qui veut sauver sa vie la perdra » et qu’il n’y a pas d’avantage à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie (la vraie vie qui sera appelée éternelle). On peut imaginer son angoisse qui explosera à Gethsémani, sa déréliction qui rappelle celle de Jérémie, et en même temps sa volonté d’avancer pour être fidèle au Père, pour faire advenir le Royaume :
« toute ma vie je vais te bénir » chante-t-il avec le psaume. Nous sommes ainsi témoins de ce qui animait les pensées, les sentiments de Jésus. Nous le découvrons au-delà de son enseignement, au-delà probablement de ce qu’en comprenaient les disciples qui ont mis des dizaines d’années à assimiler ce qu’a pu être la vie de Jésus. Par sa propre intimité Il nous touche au plus intime de nous-mêmes.
Nous sommes ainsi invités à entrer dans la prière de Jésus, de marcher avec lui, maintenant. Ce qu’il a vécu nous accompagne dans nos vies actuelles, nos difficultés, nos souffrances, et aussi nos joies lorsqu’elles sont fondées sur l’espérance qui l’a soutenu. Revenons au psaume :
« Oui, tu es venu à mon secours : je crie de joie à l’ombre de tes ailes.
Mon âme s’attache à toi, ta main droite me soutient. »
Marc Durand