A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

11eme dimanche 18/06/2023

Ex 19, 2-6a ; Ps 99 (100) ; Rm 5, 6-11 ; Mt 9, 36 – 10, 8

 

«Vous serez pour moi un royaume de prêtres» (Ex, 19, 6). En Israël, les pères de famille étaient en quelque sorte les prêtres de leur communauté familiale, même s’il s’est trouvé, très tôt avec Aaron, un «grand-prêtre», et dans le Temple des «sacrificateurs» pour tout le peuple.

 

Mais, au début de l’Église, que sont les «presbyteroi» au delà de cet état d’«anciens», référents religieux quotidiens pas très bien précisés ? Une définition précise serait utile et importante, car, actuellement, le «prêtre» appartient à une catégorie de croyants, vivant à part, sinon en marge de la communauté avec des fonctions d’enseignements et de culte spécifiques, à eux réservées, et inaccessibles aux autres fidèles.

 

Le CNRTL (1) donne en première définition du prêtre : «Celui [ne faudrait-il pas dire aujourd’hui : «ou celle»] qui est chargé d'une fonction sacrée et qui accomplit les actes essentiels d'un culte religieux». Ce dictionnaire ajoute : «Celui qui a reçu le sacrement de l’ordre». Voilà donc bien posé le dilemme catholique. D’un côté, la mise à part, par un sacrement spécifique, d’un corps social aux caractéristiques étroitement déterminées à la fois par le Code de droit canonique et une tradition pluri-séculaire, en particulier sa masculinité et son mode de vie imposé, le célibat ; d’autre part, un «peuple de Dieu» composé de «prêtres, de prophètes et de rois», comme l’assure au chrétien de base la liturgie du baptême : « Désormais vous faites partie de son peuple (2), vous êtes membre du corps du Christ, et vous participez à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi ». Mais encore ? Qu’en est-il concrètement ?.

 

Le Code de Droit Canonique de 1983 confirme, au § 1 du canon 204 : « Les fidèles du Christ sont ceux qui, en tant qu'incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en peuple de Dieu et qui, pour cette raison, faits participants à leur manière à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, sont appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l’Église pour qu'elle l'accomplisse dans le monde ». Suit, dans le discours de l’institution, une gymnastique rhétorique pour ne pas nous expliquer clairement la « manière» et la «condition propre» de la «prêtrise» du simple laïc, qui n’est pas celle de l’ordonné : à statut différent, fonction différente. On pourrait dire : «peu importe !», il y a là, déjà, une reconnaissance de la dignité du chrétien, fût-il laïc, déduite de sa proximité avec le Seigneur. C’est un net progrès par rapport au destin ovin qui lui était proposée par le pape Pie IX, lequel voyait dans le peuple chrétien un «troupeau d‘agneaux et de brebis». Encyclique Quanta cura, 1864)

 

La Constitution apostolique Lumen Gentium (21 11 1964) était revenue (chap. II, «Le peuple de Dieu»,§ 10) sur ce qu’est le «sacerdoce commun». «Le Christ Seigneur, grand prêtre d!entre les hommes (cf. He 5, 1-5) a fait du peuple nouveau, «un Royaume, des prêtres pour son Dieu et Père» (Ap 1,6 ; 5,9-10). Les baptisés, en effet, par la régénération et l'onction du Saint-Esprit, sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint, de façon à offrir, par toutes les activités du chrétien, autant d'hosties spirituelles, en proclamant les merveilles de celui qui, des ténèbres, les a appelés à son admirable lumière (cf. 1 P 2, 4-10).[…]

 

«Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, bien qu'il y ait entre eux une différence essentielle et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l'un à l’autre : l'un et l'autre, en effet, chacun selon son mode propre, participent de l'unique sacerdoce du Christ (3). Celui qui a reçu le sacerdoce ministériel jouit d'un pouvoir sacré pour former et conduire le peuple sacerdotal, pour faire, dans le rôle du Christ, le sacrifice eucharistique et l'offrir à Dieu au nom du peuple tout entier ; les fidèles eux, de par le sacerdoce royal qui est le leur, concourent à l'offrande de l'Eucharistie et exercent leur sacerdoce par la réception des sacrements, la prière et l'action de grâces, le témoignage d'une vie sainte, et par leur renoncement et leur charité effective».

 

Le travail missionnaire (sacerdotal ?) des apôtres, tel qu’il se trouve exposé dans l’évangile du jour, semble insister davantage sur les «signes» à donner pour justifier leur envoi à travers le monde, que sur l’enseignement détaillé de la Bonne Nouvelle, et par là «authentifier» celle-ci : « Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux est tout proche. / Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons» (Mt 10,7-8). C’est presque mot à mot ce que Jésus a proclamé de sa propre action, lorsque les disciples de Jean lui demandèrent s’il était celui que l’on attendait (Mt 11,5). Pourtant, c’est bien à l’origine l’annonce de la Parole qui est au cœur de la fonction sacerdotale sans qu’il y ait mention de la présidence eucharistique, ni du rôle de sacrificateur de «prêtre» ordonné. C’est ce qu’atteste la réaction des apôtres lorsqu’il fallut créer les diacres au service de la communauté des fidèles : «il n'est pas convenable que nous laissions la parole de Dieu pour servir aux tables […] nous, nous continuerons à nous appliquer à la prière et au ministère de la parole» ( Ac 6, 2 et 4).

 

Le statut du prêtre ordonné, et son mode de vie devenu difficile, mériteraient peut-être un examen historique ; le «sacerdoce» du laïc un réexamen fonctionnel.

Marcel Bernos

 

1. Centre national de Ressources Textuelles et Lexicales

2. Celui du Père éternel.

3. Décidément, on tient à la distinction stricte des statuts différents de cet «unique sacerdoce» !

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