1er mai, fête de ce qui travaille en nous
Que fêtons-nous en cette « Fête du Travail » ? Bien plus qu’on ne pourrait le croire...
En premier lieu les travailleurs. Qu’ils défilent ou non, ils nous rappellent combien ils ont contribué de façon éminente au bien commun. Toutes les richesses de l’année écoulée, ce sont les leurs, qu’elles soient comptabilisables ou non. Ce jour-là, nous associons dans un même « merci » celui ou celle qui contrôle nos billets de train (toujours fort aimablement !), celui ou celle qui ramasse nos poubelles (même quand vous roulez juste derrière !), et celui ou celle qui visite une personne malade ou âgée. Tous ensemble, dans un même éloge.
Mais se fête aussi le travail en lui-même, le geste, la main, l’esprit, les muscles parfois, qui l’accomplissent. Regardons sur le schéma d’un écorché les 639 muscles qui composent un corps et pensons aux 86 milliards de neurones qui s’agitent dans notre cerveau…. Un jour par an, ne méritent-ils pas d’être remerciés de leurs bons et loyaux services ?
Aux chrétiens, le 1er mai lance un clin d’œil particulier. Non pas qu’il y ait une fête liturgique qui lui soit associée, mais il y a une évidence à saluer. Une religion qui fête la venue de Dieu dans un corps d’homme ne peut que fêter le travail, car, à travers lui, elle fête les corps et les esprits. Tout l’agir humain, toutes ses créations, tous ses loisirs même, sont ici célébrés.
Et force est de reconnaître que la fête est trop souvent assombrie par quantité de malheurs : corps ou esprits malades, mauvaises conditions de travail, manipulations, harcèlements, mensonges, innombrables asservissements, physiques, symboliques, idéologiques. Scandale du travail mal rémunéré, de la prostitution, de la traite des migrants, des abus de toutes sortes sur les corps et les esprits...
Chaque 1er mai est, à juste titre, un jour de militance à 200% pour que les corps et les esprits soient plus libres, que les conditions de travail, dans leur acception la plus large, soient bonnes. Pas de 1er mai sans mobilisation, la formule syndicale est puissante.
Mais les raisons de fêter ce jour ne sont pas épuisées. Fêter le travail implique de fêter aussi ce pour quoi nous travaillons. Tout d’abord, un salaire. Salaire qui se reçoit, se dépense, car il est fait pour être donné. Pour notre famille, nos proches, notre propre personne. Salaire dont nous mesurons chaque jour l’importance. Salaire qui est la clé de la liberté et de la dignité. Salaire dénoncé s’il est trop bas et contribue à exclure celui qui le reçoit. Salaire volontairement refusé dans le bénévolat, quand nous travaillons par libéralité, par amour, d’une cause, d’un projet, d’une ambition. Ces élans, ces tentatives de gratuité se fêtent aussi.
Parfois, la balance du pour quoi nous travaillons penche vers la peine plus que vers la joie. Subirions-nous notre métier ? « Alors, comment rendre à tout travail sa part de création ? Peut-on ne pas accabler les travailleurs de « process » qui les dépossèdent de leurs initiatives ? Autant de questions qui affleurent le 1er mai.
En somme, ce jour est une vaste récapitulation de toute l’œuvre accomplie pendant l’année écoulée, que nous soyons apprenti, salarié, bénévole, retraité, écolier ou étudiant... Il est la suite du 7e jour de la création, quand le Créateur s’est reposé et a contemplé toute l’œuvre qu’il avait faite (Livre de la Genèse 2, 3).
Décidément, ce 1er mai…
Mais ce n’est pas tout. Il reste encore à fêter ce qui travaille en nous, cette part du pauvre à laisser toujours dans nos pensées et dans nos actes. Ce qui travaille en nous, c’est ce que nous ignorons, mais qui arrive, après ce temps que l’on croit perdu, après ces méditations sans rime ni raison, après ces rencontres et ces discussions que l’on mâchouille ensuite par devers soi. Et un beau jour ce qui travaille en nous a fait son œuvre : surgissent des pensées et des attitudes nouvelles... Un beau jour, la séparation, le deuil sont traversés, des conflits paralysants sont surmontés, des existences se reconstruisent. « Tu m’as mis au large » dit le psaume. Et ce qui travaille en nous accomplit la plus salutaire des tâches : nous voilà heureux avec nous-mêmes, en notre propre compagnie ! Notre conscience s’élargit, s’affermit, s’expose au débat, elle peut accueillir des pensées troublantes qui ne troublent plus.
La foi donne un nom à Celui qui travaille en nous : c’est le Christ, qui habite en celui qui l’accueille. Le Christ créateur qui fait toutes choses nouvelles. Le Christ travailleur, avec nous, pour nous, en nous. Cela vaut bien un coup de chapeau au 1er mai, non ?
Anne Soupa