Pourquoi je reste dans l’Église ? À la marge ou au centre ?
Cette question a-t-elle un sens pour moi ? Suis-je dans l’Église ? Hors de l’Église ? Ou comme le dirait J. Derrida à la marge ? Mais pour délimiter une marge encore faudrait-il délimiter un espace précis où l’Église catholique est située. Vous allez me répondre : et Rome, le Vatican, le pape, la hiérarchie, les paroisses… Mais ceci n’est qu’une partie d’un ensemble dont il est difficile de discerner le centre et ses marges qui vivent d’un récit et de l’histoire mouvementée de ce récit, transmettant l’évènement de l’avènement de Jésus Christ depuis plus de 20 siècles.
La question m’embarrasse aussi, parce que je vis l’Église catholique en implosion (vis et non pas vois) et comme toutes les institutions aux prises avec le morcellement ou pour parler comme Christoph Théobald aux prises avec un mouvement diasporique, pose le problème : à quel morceau d’institution, à quel mouvement je me rattache ?
Vous voyez cela devient limpide !
Vous pensez que je me dérobe à la question et que je donne dans la langue de bois du genre : « C’est tellement compliqué que je ne peux vous répondre » ? Non ! Il est difficile de traduire son appartenance dans un mouvement d’implosion qui emporte tout sur son passage, un peu comme les flots d’un fleuve qui déborde de son lit et où je survivrais en repérant et en rejoignant un courant porteur.
Ce que je tente d’exprimer dans cette image c’est que la maîtrise des évènements que nous vivons dans l’Église se révèle en grande partie impossible car surdéterminée par une pluralité de facteurs dont témoignent les nombreuses publications actuelles sur le thème : le catholicisme, sa fin ou sa survie…
De mon histoire personnelle émergent malgré tout des certitudes que je ne peux éluder :
- Une première certitude et ses conséquences résident dans mon éducation chrétienne. A l’âge de quatre ans j’ai été élevée dans un pensionnat religieux catholique où j’ai bénéficié outre d’un enseignement religieux, d’une excellente éducation, et dans les temps actuels je précise que je n’ai pas été maltraitée mais respectée. J’ai été imprégnée dès l’enfance par les valeurs évangéliques, par le goût de l’étude et le travail au service des autres. Cela m’a dotée d’un squelette catholique, que malgré toutes les péripéties de ma vie, de ma capacité à ex-sister au sens de Heidegger, capacité à se mettre à distance de soi-même, à se renouveler, à se métamorphoser, se révèle au fil des temps plus solide que mon squelette osseux !
- Autre certitude, c’est en compagnie d’autres chrétiens que je chemine de concert, même langage, même valeurs partagées, possibilités de pratiques communes, pour agir vers plus de justice sociale et la construction d’un espace politique (au sens de la vie de la cité) commun.
Puis-je conclure ce billet ? Être chrétienne de tradition catholique c’est vivre un paradoxe permanent :
- Être, tout à la fois une héritière d’une tradition plurimillénaire qui trouve son origine dans l’évènement christique et son histoire, en être dotée d’un legs de foi, de liberté, de responsabilité
- Et vivre les valeurs transmises dans un combat permanent contre une Église qui condamne l’être post-moderne que je suis (divorcée, remariée, médecin militante des Droits des femmes…).
Bref « on » ne s’en sort pas… de la réponse à la question posée !
Christiane Giraud Barra
Membre du comité de rédaction de G & S