Jeudi Saint 2023

Publié le par Garrigues et Sentiers

 

Le Jeudi Saint est un jour très spécial. Le premier verset du texte de Jean annonce la couleur:

"Jésus, sachant que son heure était venue [...], ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'à l'extrême" (Jn 13, 1).

Les chapitres 13 à 17 vont dérouler la pensée profonde de Jésus, juste avant sa Passion qui sera le point d'orgue de sa mission, dans laquelle il va vivre totalement ce qui a été sa raison d'être parmi nous. D'où la grande importance de ces textes qui devraient guider notre méditation pendant le temps pascal.

 

Mais commençons par la Cène, que Jean, lui, ne mentionne pas. Il s'agit du mémorial de la Croix. Jésus représente ce qui va se passer pour en exprimer le sens, pour nous demander de le "rejouer" "en mémoire de moi" ( "Tout cela je vous l'ai dit en figures, l'heure vient où je ne vous parlerai plus en figures" (Jn 16, 25) , ce sera dans la réalité de la Croix).

Le "sacrifice de la Croix" annihile tous les autres sacrifices. Jésus dit :

" Tu n’as pas voulu ni agréé les sacrifices [...], ceux que la Loi prescrit d’offrir.

Puis il déclare :
«Me voici, je suis venu pour faire ta volonté».
(He 10, 8).

 

Ce sacrifice est unique (nous ne faisons que le remémorer), les prêtres qui sacrifiaient n'étaient que des ersatz et leurs sacrifices simplement des annonciateurs du seul sacrifice: le don de Jésus à son Père, sacrifice non marqué par la torture ou la mort sanglante mais par le don du sang qui est celui de la vie. Jésus n'est pas prêtre parmi les prêtres juifs, mais il l'est

"selon l'ordre de Melchisédech" (He 6, 20)

Melchisédech apporta du pain et du vin, il était prêtre du Dieu Très Haut"

(Gn 14, 18).

 

Melchisédech est un prêtre qui transcendante tous les autres, il n'est pas affilié à une religion, il est universel. Son sacrifice n'est pas sanglant, mais offrande à Dieu. Jésus, comme lui, apporte le pain et le vin pour signifier son offrande au Père. Le pain ("fruit du travail des hommes") représente notre corps, c'est-à-dire tout ce qui constitue notre être (l'âme et le corps ne sont pas séparés chez les Juifs, le vin représente cette vie elle-même. En partageant le pain, Jésus nous intègre à son Corps (exemple de la vigne donné un peu plus loin, "je suis la vigne, vous êtes les sarments" (Jn 15, 5) ...si nous demeurons dans son amour). Son Corps, c'est son humanité, ce qu'il est comme homme lié au Père, par le vin il offre sa vie, par le partage du pain, de son Corps dont nous sommes désormais membres, il nous offre avec Lui. Et désormais nous devenons fils comme Lui :

" Vous êtes tous fils de Dieu, par la foi, dans le Christ Jésus" (Gal 3, 26)

ou encore

"comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous" (Jn17,21).
Ainsi le déroulement de la Cène nous donne le sens de ce qui va se dérouler le lendemain et nous permet de le réitérer pour nous y associer. Jésus fait de sa mort un chemin vers le dernier des hommes (comme le larron, aussi
"Père pardonne leur"). Il détruit définitivement l'idée du sacrifice d'expiation. Les disciples ont ressenti sa mort comme une source de délivrance et de vie.

 

Le texte de Jean va nous permettre de saisir le cœur de ce qui anime Jésus, de son enseignement. Et il commence par le lavement des pieds. Cet acte, qui inaugure la Cène, est donc fondamental aux yeux de Jésus, il est un enseignement pratique qu'il devra cependant expliquer:

"vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres" (Jn 13, 14).

Il dit le souci que chacun doit avoir de l'amélioration de l'autre. Laver n'était pas essentiel ("vous êtes purs..." au verset 10), mais le service. A celui qui ne rentrerait pas dans cette économie du service (de la charité), Jésus dit que "tu n'auras pas de part avec moi" (Jn 13, 8). Ses disciples ne s'aimaient pas spécialement entre eux et l'ont montré de nombreuses fois (ils étaient tellement différents! un collecteur d'impôts, des pêcheurs, un zélote, des Galiléens et un Judéen, etc.). En ce moment fatidique, c'est au service mutuel, et à l'amour qu'il les appelle solennellement:

"Je vous donne un commandement nouveau, vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres" (Jn , 34).

Ainsi, le Corps partagé mentionné par les autres évangélistes, est chapeauté par cette exigence du service mutuel, expression de la charité qui doit animer les disciples (que nous prétendons être).

Avant de terminer, Jésus insiste pour que la tristesse ne l'emporte pas car

"Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite." (Jn 15, 11)

 

Et le chapitre 17, qu'il faudrait relire avant de célébrer, se présente comme le testament de Jésus avant sa mort: il a achevé sa mission, sur la Croix il va entrer dans la Gloire, c'est dire que le Père sera avec Lui. Et il se préoccupe d'y associer ceux pour qui il est venu offrir le salut, l'humanité représentée par les disciples.

 

Marc Durand

 

 

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F
"comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous" (Jn17,21).<br /> Dans ce passage, je comprends l'article "en" comme dans l'expression "le couteau est EN fer" , nous sommes tous des dieux, nous faisons tous partie de Dieu notre Père<br /> François Nugues
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