A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

3eme Dimanche de Pâques

Ac 2, 14.22b-33 ; Ps 15 ; 1P 1, 17-21 ; Lc 24, 13-35

 

Le livre des Actes des apôtres introduit la résurrection du Christ dont David dit : « Il n'a pas été abandonné à la mort et sa chair n'a pas vu la corruption ». Nous avons souvent peine à y croire car nous savons que nous laissons notre corps mortel et qu'il finit en décomposition dans un cercueil.

 

Nous connaissons bien cet évangile des pèlerins d'Emmaüs et je n'en ferai ressortir que deux modalités. Ces pèlerins sont un homme et une femme, un couple. Cette femme se trouvait près de la croix de Jésus dans l'évangile de Jean, c'est Marie femme de Clopas ou Cléophas, c'est le même nom mais ce n'est pas signalé car depuis le début des évangiles les femmes ne sont pas crédibles et sont tenues à l'écart des faits importants. Après les événements dont cette Marie a été témoin, ils rentrent chez eux à Emmaüs à environ 8 à 9 kilomètres de Jérusalem et Marie parle tristement de tout cela avec Cléophas son mari qui, sans avoir été témoin de l'exécution de Jésus, (et pour cause à part l'apôtre Jean il n'y avait que des femmes près de la croix) en a entendu parler

D'autre part ce couple préfigure la nouvelle alliance, un midrash (1) de la Création dans la Genèse. Adam et Eve quittent le Paradis pour aller vers la vie du monde réel, c'est la première alliance avec Dieu. Cléophas et Marie sa femme ont reconnu Jésus, ils laissent tomber leur tristesse et leur vieil et faux espoir de voir la délivrance d'Israël, ils se lèvent, quittent leur maison et retournent à Jérusalem, vers les onze apôtres pour témoigner de la vraie vie qui est la Vie éternelle. Le fait de repartir vers Jérusalem, c'est un nouveau départ que prend l'humanité, on pourrait ajouter c'est une recréation de l'humanité.

Dès cette reconnaissance, Jésus disparaît c'est pour nous signifier que la Résurrection nous échappera toujours en grande partie et que seuls certains signes resteront révélateurs.

 

Et pourtant !

Plusieurs d'entre nous connaissent Eric-Emmanuel Schmitt auteur de nombreux ouvrages dont « La nuit de feu » (2) qui relate une expérience spirituelle qu'il a faite dans le Hoggar. Il est alors âgé de 29 ans et professeur de philosophie athée étant né et élevé dans une famille athée. Dans cette expérience il découvre l'existence de Dieu, l'absolu du sens mais pas spécifiquement chrétien. Suite à cette expérience, quelques années plus tard il lit les évangiles et devient chrétien par adhésion. Mais la question : « Qui était vraiment Jésus ? » reste en suspens et ses doutes subsistent dans son livre : « L'évangile selon Pilate » dans lequel la question que beaucoup de chrétiens se posent  : « Jésus était-il vraiment mort ? N'était-il pas tombé dans un coma profond pris par les autorités de l'époque pour un arrêt cardiaque et n'était-il pas revenu à lui dans le tombeau le troisième jour de sa mort ?

Pour Eric-Emmanuel Schmitt Dieu existe. Il a choisi le Dieu des chrétiens mais ce Dieu pourrait aussi bien être celui des juifs ou celui des musulmans pour lesquels Jésus n'était qu'un prophète et n'était pas mort sur la croix.

Dernièrement un appel téléphonique d'un haut responsable du Vatican lui disant que le saint siège appréciait sa foi et sa liberté, l'invite à un pèlerinage en Terre Sainte en lui demandant de revenir avec un carnet de voyage, et la matière d'un livre.

Ce voyage se fera en trois temps : premier temps avec les autres pèlerins puis deuxième temps, seul et troisième temps par les rencontres. N'étant jamais allé à Jérusalem il accepte l'offre et il se trouve mêlé à un groupe composé de réunionnais, de caucasiens, de quelques asiatiques ayant une foi des plus populaires. La première étape c'est Nazareth une ville toute aussi ordinaire qu'au temps du Christ mais dit-il :  « l'unique berceau de l'extraordinaire, c'est l'ordinaire ». Puis le voyage le mène au mont Thabor, au lac de Tibériade à Capharnaüm, au mont des béatitudes. Ces lieux sont pour lui l'occasion de réfléchir à certains épisodes des évangiles et au fond le sens compte plus que la pierre ou le lieu. Mais se confronter à la dévotion populaire n'est pas sans tension et lui le voltairien se moque de ce besoin de toucher, de ces embrassades, de ces génuflexions, de ces achats de chapelets.

Cependant c'est au Saint-Sépulcre que ce qu'il appellera « ma deuxième conversion » a véritablement lieu. Il suit une file qui se dirige vers le Saint-Sépulcre le lieu du Golgotha. Il se sent particulièrement ironique et voltairien ce jour-là car il commence à être agacé par tous ces gestes de foi populaire.

En se mettant à genoux devant ce bout de pierre, il sent soudain un regard posé sur lui, une odeur, une chaleur d'homme, 2000 ans s'effacent et cet homme est près de lui. « Je sens concrètement la présence de cet être, c'est très physique, je me fais renverser dans mon cynisme » dira-t-il. L'émotion est trop forte, il se lève et s'enfuit pour se mettre à l'écart et pleurer. Il mettra plusieurs jours à s'en remettre. « Cette réponse de Jésus Dieu incarné et arrivée ainsi par amour alors que ma foi n'était que spirituelle, c'est très violent. Je voyageais avec mon corps et beaucoup plus avec l'esprit et d'un coup cette incarnation m'a frappée d'une humilité nécessaire et m'a fait comprendre qu'on pouvait être touché par la simplicité des gens dans leur foi ainsi manifestée. »

Eric vient de découvrir la dimension communautaire de la foi en Jésus-Christ. Pour lui Jésus Fils de Dieu est devenu une certitude et non plus une simple adhésion.

Ce n’est que plus tard qu’il a réalisé les changements que ce moment de grâce a provoqué en lui : "Ça fait habiter la vie différemment, avec encore plus de confiance, d’enthousiasme, de sérénité. Ça donne confiance dans l’amour qu’on peut essayer d’apporter aux autres", dit-il

Quelques unes de ses paroles pour notre temps :

« J'ai eu un éprouvé pas une preuve, ce n'est pas de l'ordre de la raison mais de l'ordre de l'expérience. Je n'ai plus de doute de l'ordre de l'éprouvé ».

« Il y a certainement beaucoup de nos contemporains qui ont des révélations mais ils les mettent dans leurs poches par peur des conséquences. J'ai mis 25 ans à écrire la nuit de feu car j'ai fait un peu de même mais je faisais aussi un cheminement avec la lecture des évangiles ».

« Aux yeux de beaucoup, exclure le christianisme une fois pour toutes satisfait le bon sens, ainsi la raison ne se critique pas et étouffe toute velléité de curiosité qui pourrait finir par lui ôter la certitude de sa supériorité autant frileuse que dédaigneuse, elle se tient à l'écart de la Révélation »

Ce n’est que trois semaines plus tard qu’Éric-Emmanuel Schmitt a fait connaissance avec le pape François. "Il m’a écouté comme si j’étais intéressant. Son écoute fait sortir le meilleur, parce qu’elle est aussi profonde que sa parole", commente-t-il. Ému par l’humilité du souverain pontife et riche de sa "deuxième rencontre" avec Dieu, Éric-Emmanuel Schmitt s'est mis à écrire dès son retour : "Quand il se passe des mouvements spirituels, on a intérêt à les communiquer aux autres, non pas pour leur parler de soi mais pour leur parler d’eux et leur ouvrir des portes."

Son livre : « les défis de Jérusalem » est paru le 4 avril aux éditions Albin Michel. Il sera présenté le mercredi 26 avril à 21h sur France 5 dans l'émission « la grande librairie »

L'apôtre Paul avait entendu une voix, Marie de Magdala l'avait reconnu à l'intonation de sa voix en prononçant son nom, pour Marie et Cléophas cette reconnaissance s'est faite par le geste de la fraction du pain, pour Thomas en voyant ses plaies, Eric a senti une présence physique. Hier comme aujourd'hui des signes concrets de la résurrection du Christ existent. D'autres signes sensibles font surface dans notre vie de tous les jours, ils sont moins marquants mais pas moins réels, c'est à nous de les trouver et d'en être reconnaissants.

 

Avec le psaume nous pouvons dire : Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance. Tu m'apprends le chemin de la vie.

 

Christiane Guès

 

(1) Un midrash c'est une copie ou une comparaison mais qui dépasse en ampleur l'original (lire de René Guyon : chemin d'Emmaüs, chemin d’Éden )

 

(2) La nuit de feu

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