A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

3eme dimanche de Carême 12/03/2023

Ex 17, 3-7 ; Ps 94 (95) ; Rm 5, 1-2 5-8 ; Jn 4, 5-42

L’eau rafraîchissante coule à flots ce dimanche , si actuelle en cette période de sécheresse.                         

Dans la première lecture ( Ex 17,3-7),  le peuple juif est en colère: Dieu l’a fait sortir d’Égypte. est-ce pour le laisser crever de soif dans le désert ? Moïse, craignant pour sa vie, donne un ultimatum à Dieu pour trouver de l'eau. Ces textes sont le début d'une longue série d’épisodes montrant à la fois l’incrédulité du peuple juif toujours prêt à se révolter et la tendresse de Dieu toujours présente.

 

 Dans le psaume 94 , le psalmiste participe à une procession qui monte vers le temple de Jérusalem pour louer Dieu. Il fait une relecture de l’événement précédent et en tire un avertissement pour ses contemporains: « ne fermez pas votre cœur, comme au désert où vos pères m’ont tenté et provoqué.»

 

 

Dans l'épître aux Romains (Rom. 5, 1 – 8), Paul indique la mort de Jésus-Christ et la présence de 'Esprit saint en nos cœurs comme preuve de l’amour de Dieu  pour nous, son peuple.

 

L’Évangile raconte la scène bien connue de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Jésus met fin à son activité baptiste et veut retourner en Galilée. Pour cela, il doit traverser la Samarie, déplacement difficile vu les relations tendues entre juifs et samaritains.(1) Jean, le seul à raconter cet épisode en Samarie, a un intérêt particulier pour les Samaritains, sans doute parce que sa communauté comportait de nombreux membres baptistes. Jusqu’à présent Jésus n’avait rencontré aucun succès auprès des juifs. Ce sera ici le premier vrai succès de sa mission puisque la samaritaine et tout le village « crurent en lui ».

 

Le récit est composé de trois parties :Jésus et la Samaritaine (Jn 4, 1-26 ),Jésus et les disciples (27 – 38) Jésus et les Samaritains (39-42).

 Au départ, une scène doublement insolite  réunit deux personnages que tout sépare : un homme juif qui demande à boire à une femme Samaritaine ; de plus, tous les deux sont dans une situation anormale : il faut être fou pour se promener en plein soleil ou venir puiser de l’eau en plein midi sauf si, pour des motifs personnels, on ne veut rencontrer personne.

Certes, le puits est un lieu essentiel pour la rencontre au Moyen-Orient. Aussi a-t-il une valeur hautement symbolique dans les civilisations sémitiques : c’est un lieu de vie qui est aussi l’espace privilégié des rencontres amoureuses (2)».

Le récit va passer de l’eau naturelle qui étanche momentanément la soif, à l’eau vive du  don et en donateur :  le don de Dieu est celui qui te dit : « donne-moi à boire » Jn 4,14.

Comme pour le récit de Cana,  la rencontre naît  aussi d’un manque humain. Le récit raconte comment une fatigue et une soif de Jésus en pleine chaleur vont être l'occasion d'une rencontre authentique entre Jésus, une Samaritaine qui « a bien vécu" et les gens d'un village, rencontre qui provoquera leur conversion. .

La scène 4, 8-17 est composée comme une pièce de théâtre où les acteurs se succèdent : Jésus et  la Samaritaine,   les disciples reviennent, la Samaritaine part et revient avec des Samaritains. Les disciples disparaissent de la scène . Comme dans un jeu d’orgue ,les  différents thèmes s’appellent . Le point de départ est la soif physique de Jésus qui appelle  l’eau puis , sur un autre plan, l’eau vive, et le donateur. Très habilement, le demandeur est devenu le donateur, car il ne s’agit plus de la même eau. Pourquoi Jésus lui parle-t-il de son mari(3) ?  Rencontrer Jésus-Christ , la source d’eau vive, amène nécessairement à faire la vérité dans sa propre vie. Deux fois  la samaritaine  va chercher une échappatoire dans des questions théoriques qui ne concernent pas sa vie personnelle : « quel est le vrai lieu de culte ?». « Fausse question que celle des temples matériels » lui répond Jésus. Car désormais,  lui-même se révélera comme le vrai, le vrai temple, le lieu de culte qui donne accès pour de véritables adorateurs en esprit et en vérité au Dieu Esprit.

Deuxième échappatoire cherchée par la femme  : « qui est le vrai Messie ?». La réponse de Jésus est foudroyante: « C’est moi qui te parle ». Suit la scène avec les disciples  : on les imagine avec leur colis de nourriture(4). Ils sont restés aussi au niveau de la nourriture matérielle. Jésus les fera passer aussi d’acheteur de provisions de Supermarché à  une  autre dimension, celles de moissonneurs de de missionnaire. Car la « moisson est là » bien qu’ils n’y soient pour rien , avec la Samaritaine et les Samaritains qui « croient en Jésus ». C’est , chez Jean, la première conversion collective de Jésus.

 Que pouvons retirer de ces rencontres « plein soleil » ?

 Profiter des handicaps naturels  : la fatigue de Jésus a été pour lui l’ occasion d'une véritable rencontre avec la Samaritaine et les Samaritains en dépassant le qu'en-dira-t-on. Cette rencontre me rappelle un épisode vécu récemment. Opéré peu de temps avant , et marchant   encore difficilement, fatigué, j'ai dû m’arrêter en centre-ville ,sur un banc public occupé par une SDF qui occupait tout l’endroit avec ses paquets .Je lui ai demandé une petite place pour m’asseoir ce qu’elle fit spontanément, et s’asseya à côté de moi . Nous nous sommes parlé en toute vérité de nos fatigues comme jamais je n’avais pu le faire avec une SDF : nous ne trichions pas avec nos fragilités.

            Quelles sont nos soifs et nos faims?  En ce temps de carême, désencombrons-nous de nos faims et soif physiques (alcool par exemple) pour creuser nos faims et soif d’eau vive et du don de Dieu. Jésus Christ est-il pour nous la source qui nous rafraîchit ? Désencombrons nous de nos habitudes pour découvrir de nouvelles relations

Quels sont nos puits et temps de ressourcement dans nos vies bousculées.? Profitons de ce temps de carême pour nous ressourcer, par exemple un temps de récollection.

           

Rafraîchis et nourris, comme la Samaritaine qui a été témoigner aux gens de son village nous pourrons être, des sources pour ceux qui nous entourent. Quels sont les groupes avec lesquels nous pouvons partager cette faim et cette soif, ces moissons qui sont sous nos yeux et que nous ne voyons pas ?

« Seigneur donne-moi de ton eau pour que je n’aie plus soif. Fais de nous de vrais adorateurs du Père en esprit et en vérité, sans plus chicaner sur la supériorité de nos lieux de culte ou de nos cultes avec la querelle des purs et impurs.

Antoine Duprez    

 

(1) - Les relations entre Samaritains et Palestiniens sont complexes : le royaume du Nord avec sa capitale Samarie tombe en 721. Le peuple samaritain naîtra d'un mélange entre les habitants de Mésopotamie, des juifs restés la, ceux du retour d'exil. Les relations vont se gâter. Les juifs refuseront aux Samaritains de reconstruire le temple (2 R. 17,24 – 41), les soupçonnant de paganisme. Ceux-ci le construiront sur le mont Garizim, ce qui consacrera le schisme. Les relations vont empirer confer (Sir 50,25-26) vers 180 :« Voici les nations que mon âme déteste ainsi que le peuple stupide qui demeure en Samarie. En 6 av. J.C, des Samaritains rendent impur le temple en y répandant des ossements quelques jours avant la fête de Pâque. En Mt.10,5, Jésus déconseille aux disciples d’entrer dans une ville de Samaritains, prescription que Jésus ressuscité abrogera.

(2) - cf Gen.24  Gen. 29 ; Ex. 2, 15 – 22)[2]

 

(3) - Deux explications sont avancées ; la 1ere , en continuité avec le puits symbole de la Loi et l’alliance ; pour profiter du don de Dieu , il faut,être en règle avec la Loi, ce que n’est pas la femme[1] ; La 2ème a une signification plus anthropologique : la femme aspire à l’eau vive, car quelque chose dans sa vie ne va pas ; ses 5 maris seraient le signe d’une instabilité fondamentale.

 

 

 (4) - on notera que ce n'est pas Jésus qui fait les courses. Les disciples doivent être aussi fatigués

 

 

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