A l'écoute de la Parole de Dieu
7e Dimanche du temps ordinaire (année A) 19/02/2023
Lv 19, 1-2.17-18 ; Ps 102 (103) ; 1 Co 3, 16-23 ; Mt 5, 38-48
Pour aimer son prochain, d’après le Lévitique, il vaut mieux, d’abord, «ne pas le haïr», ne pas chercher vengeance. En même temps, il faut rester lucide sur lui et, si besoin est, se permettre de «réprimander son compatriote» quand il a commis une faute. Le ramener dans le droit chemin est aussi une expression de notre amour pour lui. Quant à l’ «aimer comme soi-même», ce n’est pas si facile, soit que l’on s’aime trop pour aimer autant autrui, soit que l’on n’arrive pas à s’aimer suffisamment soi-même pour mille raisons liées à l’histoire de notre vie ou aux effets tardifs ou secrets de notre histoire de famille. S’aimer sainement soi-même suppose un travail de discernement et de générosité.
Face à nos difficultés d’aimer, «Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour». Cette phrase si belle du psaume 102, que l’on retrouve à l’identique au psaume 144, est une révélation sur la nature de Dieu-Amour ; elle est donc bien présente dans l’ «Ancienne alliance». Elle est une occasion d’espérance chez les scrupuleux qui craignent sans cesse de rester en procès avec le Seigneur. La «mémoire» de nos péchés souvent vive en nous — comme pour le roi David avouant : «Ma faute est devant moi, sans relâche» (Ps 50,5) — est diamétralement à l’opposé, en Dieu,«comme l’Orient l’est de l’Occident», non par faiblesse de sa part, mais par tendresse. paternelle.
L’insistance de Paul sur le «sanctuaire» habité par l’Esprit de Dieu que nous sommes, résonne comme un écho à l’appel d’Isaïe : «Soyez saints». La sagesse humaine, qu’elle soit scientifique ou morale, ne sert à rien, dans notre relation avec Dieu, car on en repère vite les limites et la vanité, la folie parfois. L’unique connaissance à avoir, pour Paul, c’est Jésus, «messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes»(1 Cor 1,23), mort et ressuscité (Ac 2,24 et 36), car sans la Résurrection, la mort sur la Croix n’aurait pas le même sens. Aurait-elle même un sens ?
L’évangile de Matthieu, lu ce jour, est une réinterprétation de traditions bien établies dans le monde juif. On peut y trouver le signe précieux qu’une tradition, la plus «juste» et la plus ancienne soit elle, nécessite d’être relue lorsque changent les circonstances qui existaient au moment où elle fut établie. Ainsi la loi du talion («œil pour œil…»), que Jésus invite à dépasser, était déjà un progrès par rapport à l’antique vengeance personnelle ou clanique, qui risquait de maximiser la peine imposée à celui qui avait commis un acte répréhensible en exigeant parfois une vie pour un œil crevé ou un vol, et de pérenniser les actes de vengeance et contre-vengeance.
Cependant Jésus y ajoute un «conseil» humainement bien difficile à admettre : «aimer ses ennemis». Ne pas se venger d’eux, peut-être, mais les aimer ? On devrait donc souhaiter ou procurer du bien à celui qui nous a voulu du mal ? Cela apparaît contre-nature. Dans la réalité des cas, pourtant, le témoignage de victimes d’agression ayant réussi à pardonner à leur agresseur insiste sur la libération psychologique que leur a procuré ce pardon.
D’ailleurs, Dieu a donné l’exemple. Rappel banal, si l’on veut, mais qui a figure d’un constat : «votre Père qui est aux cieux […] fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes» (Mt 5,45), manière de dire que nous vivons dans le même monde, que le soleil de la grâce rayonne sur tous les humains, à chacun d’accueillir ou non cette lumière et cette chaleur vivifiante. Il faut dépasser les réactions naturelles qui amènent à «aimer ceux qui nous aiment», pour accéder à un amour de qualité supérieure, si l’on peut dire, un amour réellement «divin», Dieu aimant tous les hommes, sans acception des personnes (Cf. entre autres :Ac 10,34 ou Ga 2,6).
Marcel Bernos