Pourquoi je reste dans l’Église romaine ?
Je suis un converti, à l’âge de 23 ans, après une laborieuse recherche et un long parcours. Celui-ci a commencé à partir d’un livre d’enfant ? Contes et légendes d’Égypte, que l’on m’avait offert quand j’avais 10 ou 11 ans. Ces « contes » donnèrent au petit athée, fruit de l’exemple paternel, une première approche du « divin ». Ensuite, je suis passé par un hindouisme, où l’approche personnelle de Dieu l’emportait sur les dogmes. Un jour, je me suis retrouvé chrétien - « confirmé » !
Je fréquentais à l’époque à la fois une association catholique d’étudiants et la « Fédé » des étudiants protestants de ma ville. Il fallait bien choisir une Église, car elle reste, pour moi, à la fois le lieu de rencontre des disciples de Jésus-Christ et un passeur de l’Évangile. Pourquoi avoir choisi l’Église catholique romaine ? Peut-être parce qu’en historien, j’ai opté pour une référence de longue durée, malgré tout ce qui me hérissait en elle. Mes butoirs étaient moins les Croisades ou l’Inquisition – critiques sans cesse rabâchées par les anticléricaux, alors qu’on pouvait avec justice reprocher à ces pratiques d’avoir épousé, sans filtre réellement évangélique, les mœurs brutales de leur époque – qu’une organisation pyramidale de l’institution, ses dogmes figés et auto-justifiés, ses rites multiples, pompeux et parfois un peu idolâtres, ses dévotions à l’occasion outrées…
Ces rejets, je les garde toujours et, si j’essaye d’être fidèle à la messe dominicale, c’est parce que j’y vois l’occasion d’un rendez-vous avec Jésus-Christ, une discipline par rapport à un engagement pris et réfléchi, et une manière d’affirmer mon attachement – fût-il parfois infidèle – à celui qui est la Voie. En revanche, je n’ai toujours aucun attrait pour les pèlerinages, les processions, les dévotions collectives, l’encens (sauf pour les cérémonies funèbres parce que la fumée s’élève)… Quant aux dogmes, ils me semblent pour la plupart « superfétatoires » et surtout n’être souvent que l’expression d’une recherche de « vérités » partielles à un moment de l’histoire, dans un contexte circonstancié par les connaissances incertaines et les modes de vie datés, qui peuvent être devenu obsolètes. Il est sûr que les récentes révélations sur les « abus » (doux euphémisme) de certains clercs n’ont pas contribué à assurer la respectabilité de l’institution.
Cependant, si l’Église de Rome a d’énormes défauts, constatons que les autres traditions chrétiennes en ont également : « variations des Églises protestantes », parfois leur flou doctrinal (telle Église acceptant à la communion des non-baptisés…), débordements politiques de certains évangéliques, fréquente dépendance des Églises orthodoxes par rapport aux pouvoirs politiques, etc. Les autres Églises sont composées, elles aussi, par des hommes et qui sont, comme tous les hommes, des pécheurs.
Je ne suis pas sûr que je serais resté dans l’Église romaine si elle avait gardé l’intransigeance qu’elle a longtemps manifestée, sans reconnaître jamais ses imprudences ni ses erreurs. Vatican II a été un moment d’espoir ; le pape François aussi, lui qui tente désespérément de réformer un « mammouth », dont les forces d’inertie et même de réaction semblent impossibles à dépasser. Je ne crois pas, sauf « miracle », que l’Église romaine ou ses membres seront capables d’une réforme profonde et totale. Ma ligne est d’y demeurer tant qu’elle ne me mettra pas dehors. « Ni sortir, ni se taire », comme dit la Conférence des baptisés.
Ma foi, faible et négligente, y trouve, malgré tout, un utile soutien, d’abord grâce à un bon « enseignement » initial donné par le père jésuite (loué soit-il !) qui m’a mené à Jésus-Christ. Ensuite parce qu’elle me permet la fréquentation de groupes vivants et fraternels, où l’on peut partager et penser sa foi, entre autres dans ma paroisse. Et encore, dans cette Église comme dans d’autres, on rencontre de grands modèles de vie évangélique : non seulement les « saints » catalogués (François d’Assise, Thomas More, Vincent de Paul, François de Sales, les Thérèse carmélites…), mais aussi ceux et celles qui, sans « label » officiel, se sont totalement donnés aux autres. On en connait parfois dans notre vie quotidienne. Il faut y ajouter tous ceux qui, hors l’Église romaine, ont risqué leur vie à la manière de leur maître, tel Martin Luther King, ou hors christianisme, tel le Mahatma Gandhi. Tous ceux-là participent, peut-on espérer, à une Église où il fait bon de rester.
Marcel Bernos
membre du comité de rédaction de G & S