Baptême de Jésus

Publié le par Garrigues et Sentiers

Le baptême de Jésus sur la coupole du baptistère de l'évêque Néon à Ravenne (Ve  siècle) : dans le médaillon central, le personnage à droite est la personnification du Jourdain

Le baptême de Jésus sur la coupole du baptistère de l'évêque Néon à Ravenne (Ve siècle) : dans le médaillon central, le personnage à droite est la personnification du Jourdain

La célébration du baptême se déroule cette année le 9 janvier, juste après le dimanche de l’Épiphanie. Ces premiers jours de l'année voient ainsi la manifestation de la personne de Jésus. Avant de dérouler l'année liturgique, nous sommes invités à répondre à la question : qui est Jésus? On pourrait dire qu'il prend ses marques.


Les textes du dimanche 1er janvier, dans leur grande simplicité, nous invitaient déjà à bien situer qui peut être Jésus : « “Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et soumis à la loi de Moïse”. En quelques mots, l'essentiel est dit », écrivions-nous. La lettre de Saint Paul confirmait l'action de Dieu : "Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père !". Enfin ces textes nous apprenaient quelle devait être notre attitude en face de Jésus, celle des bergers, des pauvres qui se réjouissent en glorifiant Dieu.

 

L’Épiphanie est la manifestation de Jésus au monde entier. Les textes nous rappelaient la nécessité d'être ouverts et en recherche, comme les Mages, et non de vivre dans la même fermeture que celle d'Hérode dans Jérusalem, qui défend son pré-carré. Nous pouvons être savants comme Hérode et ses conseillers, mais sans recherche du Royaume ce savoir est mortifère, il ne sauve pas. Les Mages, non seulement ont été à l'écoute, mais ils se sont mis en marche, et cela a changé leur vie, car ils sont repartis par un autre chemin.

 

Le baptême de Jésus clôt cette information sur la place que Jésus vient prendre parmi nous. Le baptême lui-même a très peu d'importance dans les textes de Marc et de Luc, ce qui ressort est la manifestation de Dieu : "Tu es mon Fils bien-aimé; tu as tout mon amour". On n'en est pas encore à l'affirmation que Jésus est Dieu, mais nous sommes avertis que cet homme Jésus a une relation particulière, d'amour, avec Dieu.

Second enseignement : les cieux s'ouvrent (Dieu n'est plus ce solitaire dans le ciel) et l'Esprit descend sur Jésus. Il est investi de l'Esprit de Dieu. Une telle révélation est un vrai bouleversement du monde. Par Jésus qui a tout son amour, Dieu vient parmi les hommes en ouvrant les cieux et en insufflant son Esprit en son envoyé, qui par la suite pourra nous le donner à nous aussi.

Mathieu, lui, parle un peu du baptême : Jésus se fait baptiser - ce qui était choquant pour les lecteurs, Jésus n'avait pas besoin du baptême (1) - "car il convient que nous accomplissions toute Justice". La Justice est la volonté de Dieu, et Il a envoyé son Fils pour qu'il se plonge parmi les pécheurs, comme il plongera à la fin dans le mal et la déréliction qui le mène à la Croix, afin de les sortir de leurs ornières, de leurs égarements. Jésus révélé aux bergers comme envoyé de Dieu, révélé au monde à travers les Mages, plonge dans les eaux du Jourdain avec nous pécheurs pour nous ressusciter.

Quant à Jean, il ne mentionne même pas le baptême, mais la manifestation de la personne de Jésus par Jean-Baptiste. Avant de commencer sa vie publique, parmi les hommes, avec les tentations, avec l'appel des disciples, Jean-Baptiste proclame : "J'ai vu l'Esprit descendre sur lui tel une colombe...c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint... J'atteste qu'il est le Fils de Dieu".

 

Ainsi le territoire a été balisé en ce début d'année, le cadre est posé et doit donner sens à toutes les révélations qui vont suivre. Pour nous, il reste à savoir si nous sommes dans les dispositions des Mages pour reconnaître la vraie place de Jésus (et accepter de perdre notre place, d'être déplacés, dérangés) ou si nos savoirs, nos discussions n'ont pas aussi un côté mortifère d'enfermement dans nos certitudes qui seraient alors un refus de l'appel de Jésus.

 

Marc Durand

 

(1) Le baptême de Jésus était choquant pour ceux qui le rapportaient, Mathieu essaie alors de l'expliquer. Nous avons là une raison de penser qu'il s'agit d'un fait historique, car ceux qui rapportaient les évangiles n'étaient certainement pas disposés à inventer une anecdote qui allait, à première vue, à l'encontre de l'enseignement qu'ils donnaient sur Jésus.

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M
Il ne me semble pas y avoir de contradiction entre nos deux visions. Ma citation était : "car il convient que nous accomplissions toute justice". Et si Jésus vient se faire baptiser, c'est donc pour obéir à la Justice de Dieu. Mathieu ne dit pas que Jésus a conscience de plonger dans le monde pécheur, c'est nous qui le comprenons comme commandement du Père qui l'envoie "accomplir toute Justice". Cela laisse complètement ouverte la notion de conscience divine de Jésus, et même pour pousser un peu plus loin, la croyance qu'il était Fils de Dieu dès sa naissance (pourquoi pas seulement à partir de la reconnaissance du Père lors du baptême? ce qui a été la croyance de beaucoup de chrétiens des premiers siècles...puis les conciles sont passés "mettre de l'ordre"!).
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L
Cette exploration de Marc Durand n'est-elle pas l'exemple le plus probant de ce que doit être une lecture des Evangiles dans l'intelligence du croire. Jusqu'à la note finale ponctuellement exemplaire elle aussi.<br /> Et une appréciation identique pour le pénétrant commentaire de Chantal Duboscq, dans la contradiction qu'il apporte.
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C
Une partie de ce texte me gêne : "Il a envoyé son Fils pour qu'il se plonge parmi les pécheurs, comme il plongera à la fin dans le mal et la déréliction qui le mène à la Croix, afin de les sortir de leurs ornières, de leurs égarements..." Cela me rappelle bien des commentaires entendus à propos du baptême de Jésus : il aurait voulu partager la condition des pécheurs et se faire baptiser comme eux. Cela fait de Jésus un homme pas vraiment homme, ayant une conscience particulière de son statut d'envoyé de Dieu. Pourtant, si Jésus est "vraiment" homme, comme nous il a été enfant, adolescent, il a nourri son esprit, a mûri jusqu'à l'âge adulte. Alors je préfère une autre interprétation : le jeune Jésus, subjugué par le Baptiste, comme beaucoup en son temps, s'est fait baptiser par lui comme d'autres disciples. Mais ensuite, au désert, il mûrit ce à quoi il se sent appelé, il réfléchit aux tentations qui peuvent le guetter. Ensuite seulement commencera ce qu'on appelle sa vie publique. Certains passages des évangiles témoignent d’ailleurs de cette maturation, comme celui qui rapporte sa phrase sur les brebis perdues de la maison d'Israël. Penser qu'il a eu à suivre le cheminement qui est le nôtre, de l'enfance à la vie d'adulte, me le rend plus proche. Il est possible alors d'avoir avec lui une relation personnelle.
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