À l'écoute de la Parole de Dieu
Fête de l’Épiphanie – dimanche 8 janvier 2023
La fête de l'Épiphanie est traditionnellement la plus grande fête dans l'Église après Pâques notamment dans l'église orthodoxe : elle marque le rayonnement du Christ sur toutes les nations. C'est ce qui explique le choix des textes.
La première lecture tirée du troisième Isaïe chapitre 60, 1 – 6 date d'une époque difficile. Nous sommes probablement entre 537 (1) et 520. Le retour de l'exil ne répond pas à toutes les attentes. La reconstruction du temple ne sera commencée qu'en 520. Les différentes populations ne trouvent pas leur unité : les rentrés d'exil, les juifs restés sur place, les étrangers, les juifs de la diaspora. Tout cela ne fait pas bon ménage et n'a pas le moral. Le troisième Isaïe pousse « un coup de gueule » pour redonner l'espérance. Le temps du malheur est terminé, Dieu va illuminer Jérusalem parmi les nations : elles viendront toutes à lui et lui apporteront des trésors. Dans la grisaille vécue c'est un éclair de lumière.
La deuxième lecture extraite du psaume 72 (71) est un psaume dit « psaume du règne » qui célèbre le roi par excellence, le Seigneur dont le monarque régnant est un reflet. « Le roi régnant est en effet fils adoptif de Dieu et son héritier. Oint du Seigneur, ce Messie siège à la droite du très haut, il est le bénéficiaire de la stabilité et la pérennité du trône de David. » (2) Ceci donnait lieu à des cérémonies royales dans le temple, à l’occasion du sacre, de pèlerinages ou d’anniversaire.
Paul dans sa lettre aux Éphésiens insiste sur la connaissance qu'il a du mystère révélé aux saints apôtres, prophètes dans l'esprit. Ce mystère est que « toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus par l'annonce de l'Évangile. » À l'époque cet universalisme était très rare comme l'était son : « Il n'y a plus l'homme ni femme ».
L'Évangile de Matthieu relate le merveilleux épisode de l'adoration des mages. Comme pour la visite des bergers qui fait partie chez Luc de l'Évangile de l'enfance il ne faut pas chercher un événement historique mais un enseignement très riche. Le récit est admirablement construit en 3 actes.
1er acte : D'un côté les mages, que la tradition a grandis au titre de rois, sont des savants astronomes du Moyen-Orient. Intrigués par une étoile, ils ont tout quitté et se mettent en route. De l'autre côté Hérode et son entourage, Jérusalem, symbole du peuple élu qui transpire enfermé dans ses murs par crainte de perdre son pouvoir.
2ème acte : l'humour du récit fait qu'ils demandent à Hérode le lieu de la naissance de ce roi : naïveté des grands savants ne soupçonnant pas le mal. Hérode, avec ses ses grands prêtres et les scribes du peuple, leur répond juste : d'après les écritures il doit naître à Bethléem. Il y a une vraie science qui mène à Dieu et une fausse science qui écarte de Dieu et peut mener au meurtre
3ème acte ! Les mages rencontrent l'enfant et Marie sa mère : c'est la joie, ils le reconnaissent et offrent des cadeaux. En conclusion toujours avec le même humour, un ange les avertit de la duplicité d'Hérode.
Quel sens pour nous ?
Savoir lire les signes des temps : les mages découvrent dans leurs compétences un événement qui les met en marche, inutile de chercher quel astéroïde il s'agit, c'est un symbole pour signifier que chacun dans son domaine de compétence peut lire des signes des temps. Un premier sens de la marche à l'étoile, c'est savoir se mettre en route.
Deuxième sens : il peut y avoir une vraie science qui ouvre à plus grand que soi et met en route et il peut y avoir une vraie connaissance, y compris des Écritures (car Hérode ne s’y trompe pas, il voit juste), mais c’est une fausse connaissance, une connaissance de mort.
Troisième sens : ceux qui devait accueillir l'envoyé de Dieu, les spécialistes de la religion, ne le reçoivent pas et au contraire s'y opposent alors que des gens ne faisant pas partie du peuple élu se mettent en route et le reconnaissent. C'est une façon imagée d'annoncer pour Matthieu ce qui va se passer : le refus jusqu'à la mort d'Hérode, pour les scribes, les grands prêtres, tous les responsables du peuple juif, mais l'accueil des nations païennes dont Paul sera l'évangélisateur, ce qu'il annonce dans son épître. Aujourd’hui la personne du Christ serait-elle mieux reconnue dans certaines catégories qui n’ont rien à voir avec la religion chrétienne que par certains groupes religieux faisant de Jésus-Christ leur possession au service de leur pouvoir ?
Dans quel camp sommes-nous ?
Antoine Duprez
- En 538 Cyrus par un édit permet aux juifs de Babylone de retourner à Jérusalem d’où ils avaient été emmenés en esclavage en 589.
- Note de la TOB, p. 1262.