Après les élections en Italie, l’Église plaide pour la promotion d’une société plus juste et plus inclusive
Dans une déclaration publiée le 27 septembre, le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et président de la Conférence épiscopale italienne, a déclaré que l’Église en Italie « continuera à indiquer, avec sévérité, si nécessaire, le bien commun et non les intérêts personnels ; la défense des droits inviolables de la personne et de la communauté ». « Dans le respect de la dynamique démocratique et dans la distinction des rôles, elle ne manquera pas sa contribution pour la promotion d’une société plus juste et inclusive », a-t-il ajouté.
Deux jours auparavant, les élections en Italie avaient vu la victoire écrasante de la politicienne post-fasciste Giorgia Meloni, qui sera la première femme Première ministre d’Italie, et de son parti conservateur Fratelli d’Italia. Le succès de Giorgia Meloni est le dernier exemple en date de l’évolution de l’Europe vers le populisme de droite nationaliste, mais le nombre d’abstentions lors du vote est également remarquable. Seulement 63,95 % des personnes ayant le droit de voter se sont rendues aux urnes, ce qui représente un niveau historiquement bas et fait froncer les sourcils de nombreux analystes politiques sur un aspect de plus en plus préoccupant de l’évolution du paysage politique du pays.Ce cycle électoral marque le 70e gouvernement que l’Italie a eu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec une durée moyenne d’environ 13 mois.
Dans sa déclaration, Mgr. Zuppi, largement considéré par les observateurs du Vatican comme papabile en raison de son association étroite avec une grande partie du programme de François, a déploré le nombre élevé d’abstentions. « L’Italie a besoin de l’engagement, de la responsabilité et de la participation de chacun », a-t-il déclaré. Pour cette raison, a-t-il dit, les évêques « renouvellent avec encore plus de conviction l’invitation à être des protagonistes de l’avenir, dans la conscience qu’il est nécessaire de reconstruire un tissu de relations humaines dont même la politique ne peut se passer. » Il a également demandé aux élus de « mener à bien leur mandat comme une haute responsabilité, au service de tous, en commençant par les plus faibles et les moins protégés. »
Il a souligné divers problèmes nationaux tels que l’augmentation continue du taux de pauvreté, le faible taux de natalité de l’Italie, les soins et la protection des personnes âgées, la forte disparité entre les différents secteurs du pays, principalement le nord et le sud, les défis environnementaux et la crise énergétique en cours, les niveaux élevés de chômage, en particulier chez les jeunes, les retards bureaucratiques et les réformes indispensables pour « l’expression démocratique de l’État et de la loi électorale. » L’accueil, la protection, la promotion et l’intégration des migrants sont également un sujet de préoccupation, qui reste une question urgente pour l’Italie compte tenu du nombre élevé d’arrivées, principalement en provenance d’Afrique du Nord, et qui est également un domaine dans lequel le nouveau gouvernement devrait s’entendre avec l’Église catholique.
Tout en soutenant la position de l’Église sur des questions culturelles classiques telles que la théorie du genre et l’euthanasie, Mme Meloni et son parti Fratelli d’Italia sont des partisans de la ligne dure en matière d’immigration. Tout au long de la campagne électorale, elle s’est opposée à l’immigration « irrégulière » et « illégale » et a encouragé les blocus navals pour empêcher l’arrivée sur les côtes italiennes d’un plus grand nombre de migrants en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient.
Dans de précédents propos tenus dans les médias, elle s’est dite convaincue que « la seule façon d’arrêter l’immigration clandestine et de mettre fin aux départs illégaux vers l’Italie et à la tragédie des morts en mer est une « mission européenne en accord avec les autorités nord-africaines » pour empêcher les navires d’accoster dans les ports italiens. Dans un message publié sur les réseaux sociaux au cours de l’été, elle a fait référence à cette mission européenne, affirmant qu’« un État sérieux contrôle et défend ses frontières » et que « le moment est venu de tourner la page. » Un accord similaire pourrait être conclu avec les autorités turques, a-t-elle ajouté, précisant qu’une action militaire conjointe de l’Union européenne et des autorités libyennes permettrait non seulement d’empêcher le départ des navires chargés de migrants, mais aussi d’établir « des points chauds pour identifier les immigrants, en distinguant les vrais réfugiés des immigrants illégaux et en permettant l’accueil des premiers dans les États de l’UE. »
Matteo Salvini, chef du parti de la Ligue du Nord, qui a précédemment occupé les fonctions de vice-premier ministre et de ministre de l’Intérieur, a été fréquemment critiqué par les responsables de l’Église italienne pour sa position similaire sur la migration.Il était sur le point d’occuper à nouveau un poste de premier plan au sein du gouvernement en raison de l’alliance de son parti avec le Fratelli d’Italia de Meloni, mais son parti a enregistré des résultats nettement inférieurs aux élections, ce qui a suscité des appels à sa démission. Connu pour son refus fréquent d’autoriser les bateaux de migrants à accoster lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, au motif que les autres pays européens devaient accueillir leur juste part, M. Salivini a été mis en examen par un tribunal sicilien pour enlèvement, après avoir refusé une fois de laisser débarquer des migrants.
Si Mme Meloni maintient sa politique anti-migrants, y compris les blocus navals, elle risque de rencontrer une résistance similaire de la part des représentants de l’Église italienne. Dans des commentaires adressés aux médias italiens, Godwin Chukwu, président de la Fédération des diasporas africaines en Italie, a exprimé l’espoir que le nouveau rôle de Mme Meloni la rende « plus responsable envers les “autres”, les non italiens, même si je me souviens d’un proverbe latin : Quod natura non dat, Salamantica non praestat (personne ne peut donner ce que la nature refuse). » Il a rappelé un post sur les médias sociaux que Meloni a fait en 2019, après qu’un policier ait été brutalement poignardé à mort par deux étrangers dont la nationalité n’était pas encore établie. « Elle s’en est pris à deux “animaux” nord-africains, pour découvrir qu’en réalité les tueurs étaient deux Nord-Américains ; à ma connaissance, elle ne s’est jamais excusée pour cet épisode », a-t-il relevé avant d’ajouter : « Le mot immigration est un tabou pour toute la classe politique italienne ».
Dans sa déclaration, Mg. Zuppi a également souligné les défis liés à la guerre en cours en Ukraine, affirmant que les « lourdes conséquences du conflit exigent un engagement de tous et en pleine harmonie avec l’Europe. » Sa déclaration fait suite à un appel publié par les évêques italiens à la veille de l’élection, dans lequel ils ont conjointement exhorté les élus à « ne jamais oublier la haute responsabilité dont ils sont investis » et à se rappeler que leur service « est pour tous, en particulier les plus fragiles et ceux qui n’ont aucun moyen de faire entendre leur voix. »
« L’heure est aux choix courageux et organisés. Pas d’opportunisme, mais des visions », ont-ils déclaré, en invitant les élus à exercer leur responsabilité politique « comme la plus haute forme de charité. » Ils ont souligné l’importance de la coresponsabilité et du dialogue, les qualifiant d’« ingrédients essentiels » pour construire la société, et ont exhorté les fidèles à « redécouvrir et reproposer les principes de la doctrine sociale de l’Église : la dignité des personnes, le bien commun, la solidarité et la subsidiarité. »
Elise Ann Allen
N. B. : Le titre originel de l'article, « Un prélat italien déclare au nouveau gouvernement que l’Église ne reste pas silencieuse » a été modifié.