Le pharisaïsme au ras des pâquerettes

Publié le par Garrigues et Sentiers

« Dieu s’est fait homme, pas femme ». Doit-on rire ou pleurer devant le ridicule du propos de Luc de Bellescize (La Croix, 30 août 2022), ou juste hausser les épaules ? Son auteur a-t-il juste proféré un énorme simplisme, ou bien n’y croit-il pas lui-même et veut-il simplement manipuler l’opinion du fidèle de base, pour raffermir un pouvoir clérical vacillant ? Aussi bien les articles (notamment ceux d’Isabelle de Gaulmyn) que l’abondant courrier des lecteurs de La Croix ont déjà fait un sort aux petites filles servantes d’assemblée ainsi justifiées comme « différentes et complémentaires » des garçons servants d’autel. On peut craindre que, bien au-delà de machisme ou de paternalisme, il ne s’agisse surtout d’une forme d’immaturité par rapport à l’image que les humains se font de Dieu. Je pensais à tort que chacun considérait le vieillard barbu de Michel Ange comme une vision historiquement datée, et que Jean-Paul Ier (1) et Maurice Zundel (2), parmi d’autres, nous avaient éclairés avec leurs évocations de Dieu comme d’une mère.

Apparemment, il n’est pas aussi facile pour tous de se libérer des idées convenues et d’essayer de penser un peu plus loin. Par la même occasion, et c’est plus grave, ce propos aboutit à une remise en cause de la christologie : le Christ s’est fait humain, et les femmes, comme les hommes, peuvent se retrouver en lui, selon les convictions de tout le christianisme depuis Saint Paul et tous les conciles. Il est bien venu pour rassembler l’humanité dans l’amour de Dieu, pas pour établir une distinction radicale entre les femmes et les hommes. Et bien sûr, étant incarné dans notre monde, il a vécu à une certaine époque, dans une civilisation précise, avec ses rapports genrés – qu’il a d’ailleurs souvent bousculés avec les unes et les autres, au grand scandale des pharisiens.Comme le rappelait le pape François, s’en prenant l’autre jour à « l’arrièrisme » : « La tradition est la foi vivante des morts et le traditionalisme, la foi morte de certains vivants » (lire ici).

Pharisiens, vous avez dit pharisiens ? 

Blandine Ayoub

  1. Angelus du 10 septembre 1978
  2. Homélie – Dieu-Mère

Source : https://saintmerry-hors-les-murs.com/2022/09/04/le-pharisaisme-au-ras-des-paquerettes/

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H
Bien d’accord avec l’article et la colère d’Elisabeth Jolivet.<br /> Dans leur grande sagesse, les Pères de l’Eglise qui ont rédigé le Credo, au 4ème siècle, ont bien écrit « homo factus est », pas « vir », c’est-à-dire » « être humain » pas masculin. (Même chose dans le texte original en grec). Avec une chance sur deux d’être homme, cela valait mieux : s’il était né femme, dans l’ambiance machiste de l’époque, personne ne l’aurait écouté… Dans l’évolution de la vie sur terre, après la reproduction par scissiparité (clonage), est apparue la reproduction sexuée. Son avantage est que, par la fusion de deux ADN différents, on crée une infinité de combinaisons différentes, donc des « enfants » différents ayant chacun sa personnalité, dans le cas des humains, des PERSONNES LIBRES et RESPONSABLES. Dieu a voulu avoir ces personnes pour le reconnaître, pas des clones ! Pour cela l’espèce humaine est sexuée, hommes et femmes sont indispensables à égalité.<br /> Malheureusement, dans presque toutes les religions, les hommes se sont attribué le pouvoir : n’oublions pas que les textes bibliques ont, à ma connaissance, tous été écrits par des hommes (charité bien ordonnée…).<br /> De tous temps, les hommes se sont méfiés des femmes : la maternité est facile à reconnaître, pas toujours la paternité. Ils ont eu tendance à considérer les femmes comme leur « possession » (mariages arrangés : ma fille contre deux bœufs, en Italien, fiançailles se dit finanzato, je crois). Voir aussi dans les 10 commandements : « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient. ». Et pour éviter que l’on ne les vole…, ils les ont planquées à la maison, ou cachées sous des vêtements bien couvrants.<br /> Et pourtant, dans sa vie de prédication, Jésus a lutté contre toutes les injustices, et a traité les femmes à égalité.<br /> Pour ce qui est de son opinion sur les « clercs », voir la parabole du bon Samaritain : les deux contre-exemples sont un prêtre et un lévite (le clergé et la noblesse…) : cela n’a pas été choisi par hasard… Ils s’en sont souvenus le jeudi et le vendredi saint, et lui ont aussi fait payer d’avoir chassé les « marchands du Temple » qui étaient ceux qui finançaient largement tous ces « hauts dignitaires » vivant dans des palais…<br /> Il faut aussi savoir qu’aux premiers temps du christianisme les femmes jouaient un rôle important dans l’organisation des « agapes fraternelles » (tenant lieu d’eucharisties) dans leurs maisons. De même Paul a envoyé des femmes porter la « Bonne Nouvelle » dans de nombreux lieux autour de la méditerranée. (Voir le livre de Chantal Reynier : Les femmes de Saint Paul).<br /> Enfin, Benoit XVI a écrit une encyclique intitulée « Dieu EST Amour » : pour moi c’est la substance même de Dieu (pas une simple qualité), ou sa définition. L’amour a-t-il un genre ?... On l’a appelé « Père » : normal, c’étaient les hommes qui tenaient la plume (ou le calame…)
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E
« Dieu s’est fait homme, pas femme » ! Stupeur et colère, rage et dégoût à la lecture de cet article !<br /> Quand j'avais autour de 20 ans, dans les années 1968, mon église était tellement pleine de fidèle le dimanche qu'il fallait arriver 5 à 10 mn à l'avance si l'on voulait s'asseoir, et garçons et filles montaient ensemble à l'autel. Le progrès clérical a voulu que les églises se vident et que les petites filles "servantes" ne montent plus les marches et portent cette collerette débile qui me met tellement en colère que je déserte "mon" église. Veut-on encore plus vider les églises ? Comment peut-on imaginer un seul instant dire à nos petites-filles qu'elles n'ont pas le droit de... parce que filles ! Inutile de dire qu'elles n'iront jamais dans une telle église.<br /> Rage et dégoût : qu'avez-vous fait du Jésus ?<br /> Elisabeth
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