La tendresse maternelle du Père

Publié le par Garrigues et Sentiers

Rembrandt, Le retour du fils prodigue, 1668, musée de l'Hermitage, Saint-Petersbourg.

Rembrandt, Le retour du fils prodigue, 1668, musée de l'Hermitage, Saint-Petersbourg.

Le tableau de Rembrandt, Le Retour du Fils Prodigue, m’a toujours bouleversée. La main droite du père, fine et délicate, manifestement féminine, caresse l’épaule du fils, tandis que la main gauche, large et masculine, tient avec force l’autre épaule, le serrant et l’enserrant contre lui. Rembrandt, sur la fin de sa vie, après la mort du seul de ses fils ayant atteint l’âge adulte, a eu cette intuition : Dieu est mère autant que père. Dommage que les théologiens officiels de l’Église ne se soient jamais inspirés de cet éclair de vérité !

La tête du fils à genoux, rasée comme celle d’un paria ou sans cheveux comme celle de la plupart des nouveau-nés, semble vouloir rentrer dans le ventre maternel, comme pour renaître de ses entrailles. La miséricorde, ce cœur pour la misère, ne donne-t-elle pas à celui qui est pardonné la joie d’une renaissance, dans la certitude d’être aimé ? Le même mot hébreu désigne la miséricorde et les entrailles. N’est-ce pas cela la résurrection : être recréé, créé à nouveau, pour une nouvelle vie, et pouvoir revivre dès maintenant. « Je te donnerai un cœur nouveau, un esprit nouveau », dit le Dieu de la bible !

Le fœtus dans le sein de sa mère entend la voix du père venant de l’extérieur et celle de la mère résonnant à l’intérieur. Les deux voix sont un appel à vivre avec les humains. Les deux voix, féminine et masculine, expriment deux aspects de la tendresse divine. On lit bien dans la bible : « une mère oublierait-elle ses enfants, moi, dit le Seigneur, je ne t’oublierai pas ».

Et le frère aîné, qu’entend-il de loin, s’approchant de la maison ? Une musique de fête qui l’étonne, et le scandalise lorsqu’il apprend le pourquoi de cette fête. Dans le tableau de Rembrandt, il se tient debout, raide comme la justice, comme son bâton (prêt à donner du bâton ?) regardant d’un air dur l’embrassade du père et du prodigue. Il s’enferme dans sa mesquinerie jalouse, il refuse de se laisser attendrir, de partager la joie de cette renaissance. Lui ne s’est pas éloigné du droit chemin, il a respecté toutes les règles. Il ne comprend pas que son frère soit accueilli à la table de fête du père.

Jésus n’a-t-il pas proposé cette parabole de l’Enfant Prodigue aux pharisiens et aux scribes qui lui reprochaient de manger avec les publicains et les pécheurs ? Ne pas s’éloigner d’un pouce de la loi et des prescriptions, se vouloir irréprochable et accuser ceux qui sont mis à l’écart, est-ce vivre dans la liberté de l’amour ? La hiérarchie ecclésiale qui exclut de la communion les non-conformes à ses règles fait-elle preuve de miséricorde ?

Le fils quitte la maison paternelle pour aller vivre sa vie ailleurs, c’est la liberté qu’il se donne et c’est une bonne chose. D’ailleurs le père accepte ce départ puisqu’il partage ses biens pour donner sa part au prodigue. Jésus a bien dit, selon les auteurs de l’Évangile, que chacun doit quitter son père et sa mère. Cette distance est nécessaire pour que l’enfant grandisse et ne reste pas dans l’ombre de ses parents. Cette faim d’espace, « d’un pays lointain », cette soif de découvrir autre chose, est ce qui le pousse à partir, à vivre. Que le prodigue dépense tout son bien, pourquoi pas ! Jésus a bien dépensé toute sa vie jusqu’à la mort par amour. C’est lui le Prodigue par excellence ! Nous connaissons tous des femmes ou des hommes qui brûlent leur vie dans une passion de l’autre qui les dévore et les honore. 

Que ce soit dans une vie de débauche est moins acceptable. Mais nous en sommes tous là d’une certaine manière, nous avons dilapidé les biens de la terre au point de laisser aux générations futures une planète irrespirable et invivable. L’équilibre entre une conduite mesquine, rétrécie, et une vie de dépense inconsidérée est difficile à trouver parfois, pour ceux qui ne sont pas dans le besoin.

Notre garçon est devenu un déchet, il garde les porcs et voudrait bien manger de leur nourriture, tant il meurt de faim. Oui il est dans le besoin le plus humble que connaissent trop de gens sur la terre. Alors il pense à son dernier recours, son père. C’est bien le recours de certains jeunes adultes sans travail, revenir à la maison des parents. À noter que Rembrandt, quand il peint ce tableau magnifique, était ruiné, abandonné de tous. Cette faim du corps, tellement respectable, peut aussi donner faim de miséricorde.

Le fils aîné lui, n’a jamais eu faim, il est resté bien au chaud sans prendre de risque ; de ce fait il est inapte à la miséricorde, il n’en a pas besoin précisément. Il est jaloux de la dépense du père pour l’autre fils, parti et revenu, perdu et retrouvé. Et pourtant « tout ce qui est à moi est à toi » lui affirme le père. Mais lui n’a pas pris de distance, il n’a pas expérimenté la mise au large dont parle les mystiques, il ne s’est pas donné l’espace nécessaire pour éprouver la grâce. 

Ne sommes-nous pas chacun des deux fils, selon les moments de notre vie ? Rester dans la répétition exacte de ce que nous ont transmis nos parents ou bien prendre une distance, inventer notre propre manière de vivre, quitte à les faire souffrir, quitte même à faire des erreurs et à en payer le prix. Rester tranquille dans l’Église établie, malgré tous les scandales, ou partir pour vivre autrement la foi en Jésus, au risque de la perdre ? Ou encore rester, avec distance, pour essayer de faire bouger les statufiés.

Geneviève PM

Source : https://saintmerry-hors-les-murs.com/2022/09/09/la-tendresse-maternelle-du-pere/

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G
Oui Dieu est le tout autre mais nous avons été créés à son image et en nous envoyant son fils il a manifesté son amour absolu pour l'humanité homme/femme. De ce fait il s'est investi dans cette humanité en se découvrant à elle. Et cela l'a singulièrement rapproché de nous au point qu'il fait partie de notre vie et que nous le tutoyons comme un de nos proches
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G
Ce n'est pas « Dieu » entité au masculin à l'origine de la vie mais une « déité », une sorte d'atmosphère féminine et divine : « Un vent de Dieu tournoyait sur les eaux Gn, 2».<br /> Au départ c'était le vide puis il y eut le big-bang. Depuis l'immense explosion le souffle de cette déité tournoyait sur les eaux ténébreuses de l'univers créant dans sa puissante énergie la lumière, notre soleil, les étoiles. Puis les planètes virent le jour avec leur infinité d'espèces animale et végétales.<br /> Au sein de cette déité, Dieu prit alors conscience de son existence, de son image, de sa puissance de Création et d'Amour mais aussi de sa solitude et il créa l'humain, homme et femme, à son image et à sa ressemblance. Prenant de plus en plus conscience de lui-même et de ce qui lui manquait, Dieu se créa une famille et devint Père et Mère à la fois « ces deux aspects de la tendresse divine » envoyant sur la terre son fils Jésus.<br /> Je ne vais pas refaire la Genèse mais c'est ainsi que je m'imagine les origines car au début il n'y avait que cette déité « vent féminin » qui a enfanté Dieu donc apparentée à une mère.
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D
j'aimerais comprendre le rapport avec le retour du Fils Prodigue.<br /> Que Dieu soit homme et femme je veux bien, mais pourquoi ne pas dire tout de suite Dieu n'est ni homme ni femme Dieu est Dieu. <br /> Denis P.
L
L’article, à sa fin, jette une pierre supplémentaire dans le jardin desséché de ‘’l’Eglise établie’’. Et on se dit que celle-ci s’est effectivement fabriquée, depuis des millénaires, tout l’appareil de pensée et de discours le plus contraire à l’idée que « Dieu est mère autant que père ». <br /> Mais se glisse également, au fil des lignes, ce signe lumineux de la filiation pleine et entière des évangiles, disons plus précisément de leur imbrication dans le judaïsme : « Le même mot hébreu désigne la miséricorde et les entrailles ».<br /> La miséricorde qui fonde toutes les Alliances, notamment depuis celle contractée avec Noé et les siens, et avec toutes les créatures sauvées du Déluge. Les entrailles dont procède, dans ces Alliances, les incarnations de la Parole de D.ieu : avec les improbables maternités successivement offertes à Sarah, malgré son très grand âge, puis à Marie, jeune fille qui dit elle-même qu’elle n’a pas connu d’homme.<br /> Par ces incarnations, et quelles que soient les allégories où se figurent les deux conceptions – étonnamment charnelle pour l’une, étonnamment spirituelle pour l’autre-, le fœtus désigné, dans le sein de sa mère, « entend bien la voix (venant) du Père et celle de la mère résonnant à l’intérieur ». Et les deux enfants à naître, les fils d’Abraham et les frères du Messie, sont ainsi, pour les siècles des siècles, les enfants de l’amour - attestant que l’amour nait toujours en ce monde d’une incarnation. <br /> <br /> Sans lien avec ce qui précède, une interrogation récurrente se fait jour au cours de la lecture. Est-il fondé de mettre en quelque sorte ‘’dans le même sac’’ les scribes et les pharisiens (ce qui pouvait s’expliquer par le contexte polémique où cet amalgame a été produit). N’avait-on pas, d’un côté, les gens du Temple, des intégristes accrochés à un littéralisme dont la pensée juive se libérera à la mesure et dans la suite des apports talmudiques, et de l’autre – risquons l’anachronisme – une école du ‘’libre examen’’, ou au moins de l’interprétation et de la dissertation appliquée à la Loi et aux Ecritures ? <br /> Dans cette confrontation, le rabbin Josy Eisenberg (dans l’émission qu’il animait, concédée au judaïsme parmi les émissions religieuses dominicales diffusées sur le service public) classait Jésus dans la mouvance pharisienne. Ce qui tendrait à le situer comme un dissident au sein de cette mouvance : et on sait que les courants religieux mobilisent un résolution toute particulière, à l’instar des partis, à mettre leurs dissidents hors d’état de les contester. Mais, en l’espèce, ce sont les institutions de la foi qui ont voulu faire définitivement taire un agitateur religieux, et c’est le ‘’parti du Temple’’ qui demandera à Pilate que Jésus soit mis à mort.
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