Messe d'action de grâces de l'archevêque d'Aix.
Voici le ressenti un « coup de cœur » ou « coup de gueule » ainsi que l'auteur définit son article relatif à la messe d'adieu de l'Archevêque d'Aix-en-Provence.
G et S
Monseigneur Christophe Dufour quitte le diocèse, atteint par la limite d'âge. Le dimanche 28 août 2022 a été célébrée en la Cathédrale d'Aix une messe d'action de grâces. Cathédrale pleine, clergé très abondant (prêtres et diacres) dans le chœur et même en débordant un peu, nombre de religieuses impressionnant (il y en a tant à Aix et dans les environs?), enfin des laïcs (les religieuses sont des laïcs, mais on les compte toujours un peu à part!). Messe très solennelle, avec orgues, chandeliers et encensoirs, et une pointe d'humanité grâce aux interventions de l'archevêque.
Dans l'Église, nous sommes très différents. Les célébrations ordinaires de la foi doivent tenir compte de ces différences pour être porteuses de sens, d'où la nécessité de groupes à taille humaine ayant suffisamment de choses en commun pour célébrer ensemble. Mais l'Église est l'assemblée de tous ceux qui se réclament du Christ, il est donc nécessaire de provoquer des occasions de célébrations qui manifestent cette unité recherchée et à venir. Pour le moment, limitons-nous aux catholiques (sans oublier qu'il faudra bien ouvrir notre expression de la foi pour célébrer aussi avec les autres chrétiens). Dans ces célébrations, chacun rejoint des croyants très éloignés de lui, mais il y a la volonté de passer par-dessus ces différences (ces désaccords, souvent profonds) pour dire, exprimer ce que réclame l'espérance, l'unité de l'Église autour du Christ. Quelques célébrations autour de l'évêque, signe de cette unité en devenir, sont les bienvenues au cours de l'année. C'était le cas de cette messe d'action de grâces.
Cette messe était priante, avec une belle liturgie, même si elle était, oh combien! désuète. Nous avons pu, en vérité, rendre grâces pour ces quatorze années de présence de notre évêque. Et les écueils de l'homélie et des remerciements finaux ont été évités. Monseigneur Dufour a prononcé une homélie sur le don de Dieu (dans la création et don de Jésus Christ). Cela consonait bien avec cette action de grâces. L'appel à donner sa vie était le bienvenu. Dans ses remerciements à la fin de la célébration, il a su s'exprimer avec beaucoup de simplicité en remerciant les uns et les autres avec lesquels il a travaillé tout ce temps. Il a montré son humanité, on était bien loin des discours formels obligés en pareille circonstance. Un représentant de la maire et la députée de la circonscription étaient présents, et c'est normal. L'Église diocésaine est une institution dans la cité, lors du départ de son représentant la vie citoyenne demande de tels gestes. J'ai apprécié que cependant ils ne soient remerciés qu'en dernier, cette célébration était celle des croyants et non une cérémonie protocolaire.
Ainsi nous avons participé à une cérémonie de prière véritable et empreinte d'humanité. Et pourtant j'ai ressenti une grande insatisfaction, un vrai malaise. Qu'est-ce à dire?
La forme d'abord. Ne revenons pas sur cierges, encensoir, courbettes, tout cela est d'un autre temps (mais semble revenir au galop), peut-être le faut-il pour assurer un minimum de décorum à une cérémonie rassemblant une population si disparate. Un clergé composé de 60 prêtres environ entourait l'autel, complété par une dizaine (ou plus?) de diacres. Le peuple, nombreux, dans la nef, face à cette cléricature...Est-ce l'Église triomphante? Était au moins manifeste l'importance, voire la puissance visible, du clergé. Bien sûr ils devaient avoir leur place, ce sont les premiers collaborateurs de l'évêque, mais la césure entre clergé et peuple était profonde et dérangeante. Ajoutons dix, voire 20 servants, en aube aussi, complétant le décorum pendant tout le canon de la messe. Cerise sur le gâteau, tous des hommes! Il m'a semblé déceler une petite fille parmi les servants, bien cachée. Nous assistions à la célébration des mâles dominants.
Les chants étaient bien animés, mais choisir de chanter le Credo traditionnel en latin, ce Credo qui énonce des dogmes indiscutés sinon indiscutables, et assez incompréhensibles est-il une prière? Et pour finir le Te Deum, magnifique peut-être mais que la grande majorité de l'assemblée ne pouvait pas chanter faute de le connaître (j'ai remarqué aussi qu'alors que le chœur était mixte, pour le Te Deum seuls les hommes du chœur ont participé...).
Reste à comprendre si tout cela n'est qu'épidermique. En partie oui. Je me voyais dans l'Église de mon enfance, quand, enfant de chœur, j'avais porté la traîne de l'évêque la nuit de Noël! Nostalgie peut-être, mais du coup aussi inquiétude. Pour célébrer notre désir d'unité de l'Église, faut-il revenir à cette période?
Quelle Église était manifestée dans cette célébration? Là est la question. Comment apparaissaient, étaient pris en compte les différentes communautés, les différents groupes, les paroisses qui composent le diocèse. Était-ce l'Église des clercs-hommes ou l'Église du peuple de Dieu? Où apparaissait cette diversité? Quelle était leur place? (1)
Si, lorsque l'évêque nous rassemble, acte prophétique qui fonde notre espérance, qui signale le Royaume vers lequel nous tendons, si dans cette occasion on ignore toutes ces petites communautés qui font l'Église, c'est que l'Institution est coupée du peuple et n'a plus rien à lui dire.
Alors merci à Monseigneur Dufour pour son invitation à rendre grâces avec lui, pour son homélie, pour l'humanité avec laquelle il a exprimé ses remerciements. Mais quel regret d'avoir au même moment vécu l'incapacité de l'Église de reconnaître la vie de ses fidèles et de s'appuyer uniquement sur sa cléricature, séparée du peuple.
Marc Durand
(1) Je me souviens d'une expérience douloureuse dans la même cathédrale voici trois ans : la messe de funérailles de l'aumônier des gens du voyage et des Roms, Thierry Destremeau, qui travaillait depuis des années avec tous ceux qui donnent de leur temps pour aider ces populations à prendre une place. Ce prêtre était notre ami, très proche à force de travail commun. Et des Roms nous avaient accompagnés pour cette messe célébrée par de nombreux prêtres occupant le chœur. Il nous a été refusé ("pour raison d'organisation"!) de leur donner une place, une reconnaissance, sauf à ce que quelqu'un dise un Notre Père en roumain, qui a été inaudible. A la sortie, nous avons alors contacté le maire (communiste) de Gardanne qui était présent (Thierry avait été très impliqué dans le collectif Roms de Gardanne alors qu'il était curé de cette paroisse) et décidé d'organiser une autre cérémonie, à la maison du peuple de Gardanne, pour effacer cette frustration. 200 personnes y sont venues, essentiellement des Roms, et chaque groupe a pu y être reconnu. L'ancien archevêque d'Alger, oncle du défunt, nous a fait le plaisir de participer et Monseigneur Dufour avait répondu à notre invitation même s'il regrettait d'être empêché ce soir là.