À l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

14eme Dimanche du Temps Ordinaire 03/07/2022

Is 66, 10-14c ; Ps 65 (66) ; Ga 6, 14-18 ; Lc 10, 1-12.17-20

 

Le Texte d’Isaïe est tardif, écrit probablement bien après le retour d’exil. Il fait partie d’un ensemble d’écrits qui expriment le désir de Dieu de protéger et sauver son peuple... et de frapper ses ennemis ! On ne conçoit pas alors un salut sans frapper les ennemis. Texte de grande espérance, de confiance en Dieu qui ne peut pas nous abandonner. L’exil est terminé, après les cris de joie lors de cette libération, le peuple a du reprendre ses marques. Les prophètes sont là pour lui rappeler qu’il doit rester fidèle à Dieu s’il veut retrouver la paix. Alors « Le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs ».

La liturgie a voulu nous dispenser de la face sombre de ces textes en occultant toutes les dures paroles contre les ennemis qui, pour l’époque, étaient la garantie que Dieu protégeait son peuple. Mais elle a aussi ignoré la conclusion qui suit immédiatement ce texte : « Moi je viendrai rassembler toutes les nations et toutes les langues, et elles viendront voir ma gloire » (Is 66, 18), texte universaliste qui rappelle le « Devant lui seront rassemblées toutes les nations » (Mt 25, 32) qui précède le jugement dernier chez Mathieu. Mais là encore Jésus ne cache pas la dure réalité, ne peuvent être sauvés que ceux qui le veulent et agissent en conséquence. Tous sont appelés, nul n’est forcé de suivre, à nous de nous déterminer. Si nous choisissons l’amour de Dieu, rien ne peut alors nous atteindre. Cela se retrouvera dans l’épître de Paul sous une toute autre forme.

 

Après ce texte d’espérance, l’acclamation du psaume proclame la grandeur de Dieu, reconnaissable par ses actions. La principale est bien sûr la libération d’Égypte dans la traversée de la Mer Rouge, qui est vraiment au cœur de la confiance qu’Israël peut avoir en son Dieu.

 

Dans l’épître Paul nous ramène au centre de sa foi, on dirait même de sa mystique : la place de la Croix dans sa vie... dans nos vies. La Croix n’est pas seulement un événement passé par lequel Jésus nous a sauvés et dont nous devons nous souvenir avec reconnaissance. La mort de Jésus sur la croix est notre propre mort au péché, c’est-à-dire à la non-vie, à ce qui nous sépare de Dieu, et des hommes. Cet événement n’est pas clos, il continue, il est actuel. Par la Croix, Jésus ne nous a pas dispensés de cette mort nécessaire, il nous y a introduits et nous la vivons avec lui.

Dieu sur la Croix est hors du temps, même si cela a commencé par un événement dans le temps : la Croix maintenant est présente en chacun de nous, nous y sommes avec le Christ, et maintenant aussi nous ressuscitons avec lui.

Paul nous apprend qu’être chrétiens, qu’être « au Christ » ou « dans le Christ », ses expressions familières, c’est être avec lui dans son mystère de mort et résurrection. Alors pour nous la Loi est dépassée, il ne s’agit pas non plus de circoncis ou d’incirconcis (cela a dû être difficile à comprendre pour le pharisien qu’il était !), il s’agit « d’être une création nouvelle ». « Je porte dans mon corps les souffrances de Jésus » n’est pas une mystique de souffrance ou de dolorisme (1), mais l’adhésion au « sacrifice » (c’est-à-dire don total de soi) du Christ sur la Croix et ressuscité. Et si nous vivons ainsi en Christ, comme l’a promis Isaïe, rien ne peut nous atteindre, « que personne ne vienne me tourmenter » dit Paul.

 

Ces deux textes d’espérance sont difficiles à méditer en ces jours, dans notre monde fracturé. Quelle peut être la confiance des Ukrainiens (pour se limiter à la guerre la plus récente qui nous touche de près) ? Quelle espérance pour tous les peuples sous dictature, ou « gouvernements autoritaires » (quel euphémisme !) ? Quelle espérance pour les migrants rejetés de partout ? Le prophète qui a écrit le texte attribué à Isaïe l’a proclamé alors que le peuple avait été rapatrié de son exil, pas avant ! Il nous faut approfondir ce que peut être notre espérance, notre confiance en l’Esprit qui travaille le monde. L’archevêque d’Aix, Christophe Dufour, écrivait à l’occasion de la Pentecôte, après avoir rappelé les malheurs du monde actuel : « Nous croyons en la victoire de l’Esprit. Nous croyons que l’Esprit Saint est le véritable moteur de l’histoire et qu’il nous est donné. Je prierai le Père, dit Jésus, et il enverra sur vous l’Esprit Saint ”. Nous croyons en la promesse du don de l’Esprit Saint. »

 

Ces paroles sont difficiles à entendre, elles exigent de nous bien des mises en question, bien des interrogations sur notre espérance.

 

L’Évangile est un écho au propos de Paul. Si nous vivons comme lui en Christ, notre désir est de permettre aux autres d’en vivre aussi. L’envoi en mission est en phase avec cet appel qui nous est adressé de suivre le Christ. Et cela peut nous donner un pouvoir (pas de guérir miraculeusement, évidemment), pouvoir spirituel qui peut trop facilement être dévoyé, nous le savons bien ! Ce pouvoir ne doit pas nous réjouir, c’est l’Esprit qui travaille à travers nous : « Ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis », ce ne serait pas un bon motif, mais « parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »

 

Marc Durand

 

1 - On ne souffre pas pour souffrir avec Jésus, pour l’accompagner de façon mortifère (je me fais mal pour souffrir avec mon ami qui souffre). « Souffrir avec Jésus », c’est participer à son mystère de salut sur la Croix à travers toute notre vie, y compris les souffrances qui nous sont imposées. Jésus n’est pas seul sur la Croix, c’est aussi l’humanité qui y rejoint la Trinité, et sera donc ressuscitée.

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