À l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

16eme Dimanche du Temps Ordinaire 17/07/2022

Gn 18, 1-10a ; Ps 14 ; Col 1, 24-28 ; Lc 10, 38-42

 

C’est une scène bien connue que la venue de Jésus chez deux sœurs, Marthe et Marie. Elle illustre le paradoxe (inconfortable) du chrétien. D’une part, en présence de son Seigneur, il doit être, comme Marie, tout à l’écoute, dans une attitude de disponibilité à la fois respectueuse (elle est à ses pieds) et suffisamment confortable, pour pouvoir entendre librement la Parole. D’autre part, il y a bien des choses à faire en ce «bas-monde» vis à vis de son prochain, surtout quand arrive un hôte de marque. Il faut le recevoir avec empressement et généreusement, comme l’a fait Abraham au chêne de Mambré (Gn 18,1-10). Pour ce faire, Marthe s’«agite» dans les «multiples occupations du service».

Les deux attitudes sont complémentaires et, si Marie hérite de la «meilleure part», Marthe est plus immédiatement utile, on pourrait même dire nécessaire, car ce voyageur, qui a fait du chemin, est peut-être fatigué, doit probablement se restaurer, il faut bien que quelqu’un s’en occupe. D’ailleurs, que désigne cette «meilleure part» ? On pense à la voie mystique, celle de la relation directe avec Dieu, sans intermédiaire officiellement agréé. Cette voie, pourtant illustrée dans l’histoire de l’Église par de grandes expériences, a généralement été peu encouragée par les autorités romaines. qui s’en méfient. Car comment contrôler des personnes qui sont (ou se prétendent, et comment vérifier ?) en relation directe avec le Seigneur, qui leur délivre un message hors de la routine institutionnelle. Dans ces cas, l’obsession de l’évêque du lieu est de placer au plus vite la voyante dans un couvent, ce que très souvent, celle-ci refuse de faire. Un bon exemple méridional : la vie de Benoîte Rencurel (1647-1718), laïque visionnaire du Laus, en conflit ouvert avec son évêque à propos du sanctuaire qu’elle a fait bâtir à la demande de la Vierge (1666-1669), et qui, attirant de nombreux fidèles, menaçait sérieusement de concurrencer l’antique pèlerinage d’Embrun daté du XIIe siècle (mentionné dès 1320).

L’attitude de Jésus étonne Marthe, la scandalise presque : comment peut-il ne pas s’apercevoir qu’elle fait tout le travail nécessaire à son accueil, et toute seule (encore qu’elle avait peut-être des servantes !). Mais, en même temps, Jésus n’est probablement que de passage, car il va de villes en villages pour annoncer la Bonne nouvelle (Lc 8,1) ; c’est sa mission, il en arrive même, pour avoir le temps de l’accomplir, de faire abstraction de sa propre famille : «Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. » (Lc 8,21). On comprend que, dans ce cas, qu’on pourrait qualifier d’urgence pastorale, il soit plus sensible à ceux qui écoutent la Parole qu’à ceux qui «s’agitent», même si leur action est louable.

 

Les nombreux mouvements d’Action catholique ont généralement vécu et compris le dilemme d’une double visée à la fois temporelle : intervenir dans la cité pour promouvoir la Bonne nouvelle, mais aussi la justice sociale et le partage, et spirituelle. Ils ont parfois mis en garde leurs militants contre une suractivité missionnaire, un activisme qui serait coupé d’une relation personnelle permanente avec Dieu, par la prière, des sacrements, buts et moyens de l’action.

Quelle est la qualité de notre rapport avec celui qui peut «passer» pour nous ? Sommes nous prêts à l’accueillir, comme Marie, dans une écoute attentive, hors tout «souci» ou comme Marthe, elle aussi attentive, mais à ce qu’elle croit devoir être le «confort» de son hôte ? A quelle conciliation parvenons-nous ?

 

Marcel Bernos

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