À l'écoute de la Parole de Dieu
Dt 30, 10-14 ; Ps 18a ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37
Ce dimanche contient trois textes majeurs pour la foi :
La première lecture, tirée du Deutéronome (30, 10-14) est révolutionnaire par rapport aux textes de cette époque (VIIe siècle av. J.-C.). Dans les textes primitifs, l'alliance avec une divinité se traduisait par des sacrifices d'animaux offerts au milieu d'orages et d’éclairs manifestants la présence d’un dieu tout-puissant. Ces versets, censés être les dernières paroles de Moïse (28, 69 – 30, 20) ne contiennent aucun scénario mythique : la voix de Dieu n'est pas dans des orages ni même au ciel. « Elle est toute proche de toi ; elle est dans ta bouche et dans ton cœur, tu la mets en pratique » (Dt,30 14). Comme le testament de Moise, suit un texte qui compte parmi les plus décisifs de la Bible : tout homme est devant un choix décisif, la vie ou la mort : à toi aujourd'hui de choisir la vie. « Tu choisiras la vie pour que tu vives, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu et en écoutant sa voix ».
Le psaume 18a chante la perfection de la Loi de Dieu : « elle est parfaite et donne la vie ; elle est plus désirable que l'or ».
L'épître de Paul aux Colossiens, 1, 15-20, contient un hymne probablement antérieur à Paul. Il célèbre Jésus Christ, non seulement un homme revenu de la mort à la vie, mais devenu Image du Dieu invisible, par qui tout a été créé et pour lui. Il est aussi la tête du Corps, la tête de l’Église. En lui habite la Plénitude. L’objectif de Dieu est de réconcilier toute la création en Jésus, Christ, pour que la paix advienne pour tous les êtres. En peu de mots est exprimée là la foi christologique qui sera définie par les conciles ultérieurs.
L’évangile, avec Le Bon samaritain, l’une des plus connues des paraboles (Lc 10, 25–37) résume le cœur de la foi chrétienne : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de ton intelligence et ton prochain comme toi-même ». L'amour de Dieu et du prochain ne sont qu'une seule chose. Sur des principes aussi fondamentaux, mais généraux, les légistes juifs discutaillaient : qu’est-ce qu’aimer ? jusqu’ où aimer ? Est-il possible d’aimer tout le monde ? mais le légiste de la parabole (1), en quête de progrès, a l'intelligence de poser une bonne question : qui est mon prochain ? Jésus transforme cette question encore générale, en question impliquante qui « peut tout changer », et appelle à la conversion : qu'est-ce que se conduire en prochain ? qu’est-ce qu’être le prochain de quelqu’un ? La réponse de la parabole est une véritable provocation : ce ne sont pas les « vertueux par statut », prêtres et lévites (2), mais un hérétique, un samaritain (3) qui pratique le cœur de la Loi. Pris de pitié (4), celui-ci n’abandonnera pas le blessé, son « ennemi » et ne comptera ni son temps ni son argent pour sauver ce malheureux. Ce Samaritain est la réalisation parfaite de ce que Paul évoquait de Jésus le réconciliateur : au début régnaient la violence et le mépris ; survient ce « samaritain », il met la paix et la réconciliation.
Ces textes sont des sources infinies. Savourons-les. J’en retiens trois orientations :
Tout se joue au plus intime de nous-mêmes : « La parole est dans notre cœur et non pas à l’extérieur ». Prenons du temps pour écouter cette Parole en nous qui nous dit : « tu as à choisir entre la vie et la mort » . Faisons-nous suffisamment de silence (temps de prière ou autre) pour laisser parler et entendre cette voix de l’Esprit Saint ?
Quelle est notre foi en Jésus Christ ? : une croyance surtout cérébrale : je crois dans le dogme de la résurrection, sans trop chercher à comprendre. Ou je me laisse saisir par ce grand projet de Dieu qui, par son Fils Jésus Christ, m’invite dès aujourd’hui à vivre d’une vie nouvelle, en me donnant par son Esprit d’être un facteur de réconciliation et de paix, en moi-même et avec mon entourage. Seul, Jésus Christ par son Esprit peut me donner d’être un faiseur de paix. À moi de discerner autour de moi les facteurs de guerre et mon rôle possible de conciliateur.
De quel blessé de la vie, rencontré sur ma route, je me ferai proche, en lui donnant de mon temps et de mon argent ?
Savourons ces textes pour, comme le légiste, grandir dans l’amour de Dieu et l’amour concret du prochain ?
Antoine Duprez
(1) Cf la même scène chez Mt 22,34 ss et Mc12,28 ss. Marc décrit trois attitudes de légiste radicalement différentes ; en Matthieu, la haine domine : les pharisiens se relaient après les sadducéens, pour coincer Jésus. Ils se moquent des textes choisis : ce qu’ils veulent, c’est détruire Jésus. En Marc, « sachant que Jésus leur a bien répondu », le légiste veut poursuivre l’échange sur le plus grand commandement ; et chose étrange, il passe dans le camp de Jésus où tous les deux se provoquent, mais dans le meilleur de ce qu’ils sont. Ils se félicitent l’un l’autre pour la qualité de leur réponse. « Bien Maître, tu as parlé, te fondant sur la vérité » et Jésus, « Tu n’es pas loin du Royaume » Le légiste chez Luc est en position intermédiaire
(2) Au contraire, c'est au nom même de leur religion mal comprise que ces deux religions doivent s'écarter du blessé car le sang rend impur.
(3) Les Samaritains étaient haïs des juifs considérés par eux comme des bâtards pour des divergences religieuses (Si 50, 25-26). Ceux-ci le leur rendaient bien (Luc 9, 33). Jésus n'entre pas dans ces querelles de clans (Jean 4, 1ss).
(4) Le samaritain agit avec son cœur, il ne calcule pas ce que cela va lui coûter. Il fait penser à cette réaction d'une « juste » qui évoquait le moment décisif où une amie juive chassée de son domicile, frappait à sa porte, « je ne me suis posée aucune question, je la voyais dans une telle détresse : je lui ai dit naturellement « entrez ». C'est cela la sainteté, quand cela « sonne juste ».