« J’ai désiré d’un grand désir » : la Lettre apostolique du pape François sur la Liturgie

Publié le par Garrigues et Sentiers

Publiée le 29 juin, jour de la solennité de saint Pierre et de saint Paul, la nouvelle Lettre apostolique « J’ai désiré d’un grand désir » (Desiderio Desideravi en latin), revient sur la signification profonde de la célébration eucharistique, telle qu’elle a émergé du Concile Vatican II. Elle invite tous les fidèles à retrouver un émerveillement de la liturgie, notamment à travers la formation, un an après la publication du Motu proprio Traditionis Custodes.

On peut consulter son texte intégral, dans sa version en français, en cliquant sur le lien ci-dessous :  

Le texte, divisé en 65 paragraphes, revient sur les résultats de la plénière du Dicastère du Culte divin de février 2019. Il fait suite au Motu proprio Traditionis custodes, publié le 16 juillet 2021, qui a réaffirmé l’importance de la communion ecclésiale autour du rite issu de la réforme liturgique post-conciliaire.  

Cette Lettre apostolique, indique François, n’est pas une nouvelle instruction ou un directoire avec des normes spécifiques. Elle souhaite davantage apporter des pistes de réflexion pour comprendre la beauté de la célébration liturgique et son rôle dans l’évangélisation. Elle se conclut par un appel du Pape François: « Abandonnons nos polémiques pour écouter ensemble ce que l’Esprit dit à l’Eglise. Sauvegardons notre communion. Continuons à nous émerveiller de la beauté de la liturgie ».

Redécouvrir la beauté de la liturgie

La foi chrétienne, écrit François, est soit une rencontre avec Jésus vivant, soit n’est pas. La Liturgie nous garantit la possibilité d’une telle rencontre, indique-t-il : « Nous n’avons pas besoin d’un vague souvenir de la dernière Cène: nous avons besoin d’être présents à ce repas ». Le Saint-Père rappelle ainsi l’importance de la constitution Sacrosanctum Concilium de Vatican II, qui a conduit à la redécouverte de la compréhension théologique de la liturgie. Il invite l’ensemble du peuple de Dieu à redécouvrir la beauté de la Liturgie : « Je voudrais que la beauté de la célébration chrétienne et ses conséquences nécessaires dans la vie de l’Église ne soient pas défigurées par une compréhension superficielle et réductrice de sa valeur ou, pire encore, par son instrumentalisation au service d’une vision idéologique, quelle qu’elle soit. »

Après avoir mis en garde contre la « mondanité spirituelle », alimentée par le gnosticisme et le néo-pélagianisme, François note que participer au sacrifice eucharistique « n’est pas un exploit personnel, comme si nous pouvions nous en vanter devant Dieu ou devant nos frères et sœurs.» De même, « la Liturgie n’a rien à voir avec un moralisme ascétique » : c’est le don de la Pâque du Seigneur qui, accueilli avec docilité, rend notre vie nouvelle. 

Cette redécouverte de la beauté de la liturgie ne doit cependant pas nous pousser à la « recherche d’un esthétisme rituel qui se réjouit seulement dans le soin de la formalité extérieure », ni à confondre la «simplicité du rite » avec une « banalité bâclée » ou un « fonctionnalisme pratique exaspéré », note François.

S’émerveiller devant le mystère pascal : un élément essentiel de l’acte liturgique

Comment vivre en plénitude l’action liturgique ? Seconde piste de réflexion de cette Lettre apostolique, la nécessité pour les laïcs comme pour le clergé de s’émerveiller devant le mystère pascal. Pour ce faire, « chaque aspect de la célébration doit être soigné (…) et chaque rubrique doit être observée », demande le Souverain pontife. « Cette attention suffirait à éviter de voler à l’assemblée ce qui lui est dû, c’est-à-dire le mystère pascal célébré selon la modalité rituelle que l’Église établit ».

Cet émerveillement pour le mystère pascal, présent dans le caractère concret des signes sacramentels, n’est pas une sorte de désarroi devant une réalité obscure ou un rite énigmatique, rappelle le Saint-Père. C’est « au contraire, l’émerveillement face au fait que le plan salvifique de Dieu nous a été révélé dans la Pâque de Jésus ».

La nécessité d’une formation théologique sérieuse

Face au défi de la post-modernité, à l’individualisme, au subjectivisme et encore au spiritualisme abstrait, l’Homme moderne a perdu sa capacité de s’engager dans l’action symbolique, constate François. C’est précisément à cette réalité du monde moderne que l’Église a voulu se confronter, lors du Concile Vatican II : « Ce n’est pas un hasard si cet immense effort de réflexion du Conseil œcuménique – qui est la plus haute expression de la synodalité dans l’Église et dont je suis appelé, avec vous tous, à être le gardien de la richesse – a commencé par une réflexion sur la Liturgie.»

Près de 57 ans plus tard, il serait « banal de lire les tensions, malheureusement présentes autour de la célébration, comme une simple divergence entre différentes sensibilités à l’égard d’une forme rituelle (…). La problématique est avant tout ecclésiologique », considère François. En référence aux tensions qui ont émergé après la publication du Motu proprio Traditionis Custodes, François estime que « derrière les batailles sur le rite se cachent différentes conceptions de l’Eglise ».

Or, en tant que catholique, on ne peut pas, précise-t-il, « reconnaître la validité du Concile et ne pas accueillir la réforme liturgique née du Sacrosanctum Concilium » C’est pourquoi le Saint-Père a estimé de son devoir d’affirmer que les livres liturgiques promulgués par Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du Concile Vatican II, étaient l’unique expression du Rite romain.

Au sujet de la formation liturgique, François en distingue deux aspects : la formation pour la liturgie et la formation par la liturgie. « La première est fonctionnelle par rapport à la seconde qui est essentielle », indique-t-il. Si beaucoup a déjà été fait concernant la formation à la liturgie, François demande de poursuivre les efforts pour diffuser cette connaissance au-delà du milieu universitaire, « de manière accessible, afin que chaque fidèle puisse grandir dans la connaissance du sens théologique de la Liturgie ».

L’art de célébrer

Il est notamment important, explique encore le Pape, d’éduquer à la compréhension des symboles, toujours plus difficile pour l’homme moderne. Une façon de le faire « est certainement de soigner l’art de célébrer ». Ce dernier ne s’apprend pas en suivant un cours de communication publique ou persuasive, mais demande « un dévouement diligent à la célébration en laissant la célébration elle-même nous transmettre son art ». Le Saint-Père mentionne au passage la place du silence dans la célébration, « d’une importance absolue », qui « pousse au repentir et au désir de conversion ».

Le Pape conclut la Lettre apostolique en demandant « à tous les évêques, aux prêtres et aux diacres, aux formateurs des séminaires, aux enseignants des facultés de théologie et des écoles de théologie, à tous les catéchistes et catéchistes, d’aider le peuple saint de Dieu à puiser à ce qui a toujours été la source première de la spiritualité chrétienne.» Il réaffirme ce qui a été établi dans Traditionis custodes, afin que « l’Église puisse élever, dans la variété des langues, une seule et même prière capable d’exprimer son unité ». Cette unique prière est le Rite romain issu de la réforme conciliaire, et établi par les saints pontifes Paul VI et Jean-Paul II.

Source : https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2022-06/francois-lettre-apostolique-j-ai-desire-d-un-grand-desir.html

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M
Cette lettre est un rappel de théologie et un texte politique. <br /> <br /> Texte indigeste (quel pensum!) qui ne peut pas s’adresser aux Chrétiens ordinaires que nous sommes, seuls peuvent lire un tel salgimondis les spécialistes qui vont le décortiquer comme on décortique un texte de loi qui n’est pas fait pour être lu par tout un chacun. Vocabulaire et expressions désuets, pour ne pas dire ridicules, souvent du bla-bla sans signification. Exemple : « lorsque Dieu a créé l’eau, il pensait au baptême de chacun d’entre nous » ! et il y en a d’autres !<br /> <br /> Rappel théologique intéressant sur ce que devrait être l’Eucharistie. Elle est fondée sur la mort du Christ sur la Croix, c’est cet événement que nous célébrons et qui fait de nous le Corps du Christ : donc pas une prière individuelle, c’est le Christ qui nous appelle, il est « le sujet qui agit » et c’est en Eglise que nous célébrons. Cette rencontre avec Dieu « n’est pas le fruit d’une recherche intérieure individuelle, mais un événement qui nous est donné ». Rappel de l’importance de l’Eucharistie, lieu privilégié de rencontre du Christ, rencontre absolument nécessaire à la vie de foi.<br /> On découvre alors la nécessité de s’entendre sur la façon de faire, sur le rite.<br /> <br /> Mais à partir de ces considérations, bien des affirmations sont des extrapolations bien peu fondées (au moins dans le texte, c’est à lui que nous sommes confrontés). « La liturgie est la source première et indispensable de l’authentique esprit chrétien » : si la place de l’Eucharistie est fondamentale, n’est-il pas abusif d’affirmer que hors de son caractère sacramentel il n’y aurait pas de rencontre du Christ ? Quid de la Sainte Cène des Réformés ? Quid de la rencontre du Christ dans toute notre vie ? L’Esprit nous serait refusé hors de la célébration eucharistique ?<br /> N’y a-t-il pas abus (tirer la couverture à soi) de dire que le sujet qui agit est le « Christ-Eglise » ? Inattaquable en bonne théologie, mais expression malheureuse qui sous-tend l’idée que l’Église et le Christ, c’est tout un. Nous sommes le Corps du Christ, nous ne sommes pas le Christ. Et de quelle Eglise parle-t-on ?<br /> L’Église « sacerdotale » a pris la main sur toutes les célébrations liturgiques, il semble qu’elle veuille renforcer son pouvoir sur ce domaine qu’elle maîtrise, vu que dans les autres domaines elle a vraiment perdu la main. Ce texte serait alors une reprise en mains en ramenant toute la vie de foi à ce qu’elle peut encore espérer dominer, la liturgie réduite à la célébration de la messe. Malheureusement pour elle, les chrétiens n’y participent plus beaucoup !<br /> <br /> Texte politique certainement. Il s’agit d’une reprise en mains qui veut contrer le courant traditionaliste en s’appuyant sur l’épiscopat, lui-même inquiet de ce qui est sorti des rencontres synodales. François conforte les évêques : rien ne bougera. La liturgie a été fixée par le Concile, pas question d’y toucher ! Les symboles utilisés ne passent plus ? Il n’y a qu’à former le peuple. Et on affirme l’indigence du dit-peuple qui ne comprendrait plus ce qu’est un symbole...un peu gros ! Et le bon Dieu a bon dos : « C’est par les symboles que la Sainte Trinité a choisi de nous atteindre » !<br /> Pourtant les rencontres synodales n’ont pas nié l’utilité des symboles, mais demandé qu’ils soient vivants et non des carcasses abandonnées des sièces passés, elles ont demandé non pas un renfort d’individualisme mais des célébrations porteuses de sens dans lesquelles les participants puissent être acteurs, pas seulement appelés à répéter des formules à la suite du prêtre sacré. Elles ont posé la question du sacré et de la sacralité du prêtre. <br /> François fait semblant de croire que la liturgie eucharistique a toujours été comme celle définie par le Concile, de croire que le rite romain doit être universel. L’unité de l’Église est dévoyée en uniformité, tous derrière Rome ! A croire que les chrétiens des premiers siècles ne savaient pas célébrer...recevaient-ils l’Esprit ?<br /> <br /> On peut regretter que les réflexions théologiques éparses dans ce texte qui sont fort intéressantes soient de fait noyées dans des considérations bien discutables et cela dans le but de ressérer les boulons autour des préfets du pouvoir romain (pardon, des évêques consacrés) et de ramener le peuple à l’obéissance au moment où il avait cru qu’on voulait l’écouter.
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G
Merci Marc pour ce commentaire très juste et très éclairant sur cette lettre qui énonce pas mal de contre-vérités