À l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

Septième dimanche après Pâques, 29 mai 2022

Ac 7, 55-60 ; Ps 96 (97), 1-2b, 6.7c, 9 ; Ap 22, 12-14.16-17.20 ; Jn 17, 20-26

 

« Seigneur, ne leur compte pas ce péché. ». Cette ultime parole d’Étienne, lors de sa lapidation résonne à l’unisson avec celle de Jésus en croix (Luc 23,34) : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font ». Ne serait-ce pas là le critère du vrai pardon : vouloir que la violence subie ne soit pas imputée à l’agresseur, accordant comme un « non-lieu », mais ici sollicité par la victime en faveur de son assassin ? Jadis, la théologie morale admettait bien la légitime défense comme un droit. Mais les théologiens considéraient comme un acte de charité pure, le fait pour l’agressé de ne pas se défendre en mettant en danger la vie de l’agresseur, quitte à se laisser tuer, en sorte que l’assassin ait le temps de « venir à résipiscence » et puisse, par un regret profond et sincère de son geste, avoir le temps d’être sauvé.

L’apologie chrétienne a souvent présenté le martyre comme une sorte d’accomplissement total de la foi, et suffisant pour être canonisé (même sans miracle). L’iconographie pieuse le proposait ainsi, par exemple pour Blandine et les martyrs de Lyon (en 177) ou les martyrs jésuites du Canada. Le désir du martyre, comme idéal de sainteté, se retrouve d’ailleurs dans la biographie de certains saints. Pensons à Thérèse d’Avila qui, enfant, souhaita partir avec son frère Rodrigue vers l’Afrique du Nord musulmane, « terre des infidèles », pour y proclamer sa foi en Jésus-Christ, au risque (en fait : au souhait) d’y trouver la mort. Sa fugue – heureusement pour la spiritualité chrétienne – échoua grâce à un oncle vigilant, à quelques kilomètres de la maison familiale. Plus proche de nous, l’acceptation sinon l’aspiration au martyre de Charles de Foucauld…

Le pardon des offenses est facile à admirer chez les autres. Jusqu’où serions-nous personnellement capables de vivre un tel pardon, total, sans retenue ? Jusqu’à quelle souffrance subie, physique ou morale ? Plus banalement, quelle mise en danger, même plus modeste, accepterions-nous pour nous afficher croyants ? C’est un des bienfaits de la laïcité, et que l’on oublie parfois, que de pouvoir suivre le culte de son choix sans risquer non seulement sa vie, mais simplement son confort professionnel ou social. Et pardonnons-nous pleinement les offenses – réelles ou « ressenties » – reçues de nos proches dans la vie quotidienne ?

 

Le dernier chapitre de l’Apocalypse mérite d’être relu de près. Il écarte l’habituelle interprétation calamiteuse de ce livre en présentant la « fin du monde » comme une invitation à entrer dans le Royaume attendu : « Celui qui le désire, quil reçoive leau de la vie, gratuitement » (Ap 22, 17). Il est bien dit : « Gratuitement ! » Il n’est pas question ici de « gagner son ciel » par ses propres mérites, par des actes estimables ou des gestes de dévotion. Pour « gagner » le royaume, il suffirait d’un désir vital. Ainsi a été élu le « bon larron », qui n’avait rien fait de vertueux avant ni sur sa croix, sinon de témoigner in articulo mortis d’une totale confiance en Jésus-Christ. Le profond désir du sauvé, répond à celui du Sauveur : « Ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis,ils soient eux aussi avec moi » (Jn 17,24). Le Fils est venu pour cela, et non pour condamner, comme il le promet lui-même à la femme adultère (Jn 8,11), et comme l’affirment d’autres passages des Écritures : Jn 3,17 ; Lc 9,56…

Comme dit le dicton populaire : « On ne peut forcer à boire celui qui n’a pas soif ». Avoir soif de Dieu…

Marcel Bernos

Publié dans Réflexions en chemin

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